En rejetant catégoriquement la main tendue de l’ancien président Joseph Kabila, Moïse Katumbi choisit de tracer une ligne de démarcation nette : celle qui sépare, à ses yeux, une opposition de principe d’un arrangement opportuniste destiné à redonner une stature politique à l’homme qui régna dix-huit années durant sur la République démocratique du Congo.
Le 14 octobre 2025, Nairobi s’annonçait comme le théâtre d’une réunion décisive, convoquée par Joseph Kabila lui-même, en présence de figures majeures de l’opposition congolaise. Nombre d’observateurs y voyaient l’amorce d’une recomposition politique d’envergure, destinée à préparer une transition potentielle dans l’hypothèse où le pouvoir en place serait renversé à la faveur d’un coup de force militaire conduit par l’AFC/M23 de Corneille Nangaa.
Or, c’est précisément cette hypothèse qui heurte de plein fouet la sensibilité politique de Moïse Katumbi et de sa formation, Ensemble pour la République, lesquels refusent catégoriquement de cautionner ce qu’ils perçoivent comme une tentative de réhabilitation politique d’un régime honni.
Pour Katumbi, l’idée même de se retrouver dans une plateforme d’opposition placée sous l’égide de Kabila est une ligne rouge infranchissable. L’ancien président, accusé d’avoir mené une gouvernance jugée calamiteuse, entachée de corruption systémique, de violations des libertés publiques et d’un autoritarisme rampant, ne saurait, selon lui, redevenir l’architecte d’une transition politique crédible.
Derrière ce refus se profile une lecture stratégique aiguë : toute coalition chapeautée par Kabila risquerait d’être perçue comme une tentative de restauration plutôt que comme une alternative démocratique.
La perspective d’une transition de cinq années pilotée par Joseph Kabila en cas de chute du régime de Félix Tshisekedi constitue une autre pomme de discorde majeure. Pour Katumbi, un tel scénario équivaudrait à effacer d’un trait de plume les aspirations démocratiques patiemment accumulées par une partie de la société congolaise depuis l’alternance de 2019.
Ce retour annoncé de Kabila au centre du jeu politique ravive des souvenirs encore brûlants : ceux d’un pouvoir verrouillé, d’un espace public étouffé et d’une économie asphyxiée par la prédation.
En toile de fond, se dessine une opposition fragmentée, traversée de calculs contradictoires. D’un côté, certains acteurs politiques estiment que, face à la fragilité du pouvoir en place, une figure ayant déjà exercé le pouvoir pourrait garantir une transition maîtrisée.
De l’autre, Katumbi incarne une ligne de rupture avec l’ancien ordre, refusant de cautionner ce qu’il perçoit comme une résurgence d’un système qu’il a combattu et qu’il juge incompatible avec les exigences de renouveau politique.
Cette posture ne relève pas seulement d’un différend personnel entre deux figures politiques : elle traduit une divergence profonde quant à la nature même de la transition à venir. Faut-il s’accommoder d’un retour à une figure ancienne, connue mais décriée, ou bien promouvoir une alternative résolument nouvelle, affranchie des pesanteurs du passé ?
Ce dilemme, au cœur des tensions actuelles, illustre la complexité d’un moment charnière de l’histoire congolaise, où la lutte pour le pouvoir se double d’une bataille symbolique autour de la légitimité et de la mémoire.
En rejetant la main de Kabila, Katumbi ne se contente pas de refuser une alliance : il conteste la prétention de l’ancien président à incarner l’avenir politique de la RDC.
Son geste, éminemment politique, vise à signifier que la page Kabila ne saurait être tournée à moitié, ni réécrite à rebours. Ce refus marque ainsi un moment de vérité : celui où l’opposition congolaise se trouve sommée de choisir entre une recomposition opportuniste et une rupture assumée avec un passé dont elle porte encore les stigmates.

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