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Pénurie de préservatifs au Kenya : Un risque pour la santé publique

Redigé par Ange Carolle Kouassi
Le 31 août 2023 à 07:12

Depuis plusieurs mois, les médias kenyans font résonner l’alerte : les préservatifs se font rares dans ce pays d’Afrique de l’Est, peuplé de 56 millions d’habitants, où 1,4 million de personnes vivent avec le VIH.

En 2021, sur les 424 millions de préservatifs externes nécessaires au pays, seulement 190 millions ont été distribués. Cette pénurie se retrouve également chez les préservatifs internes : à peine trois millions ont été distribués alors que les besoins annuels sont estimés à plus de huit millions, d’après les données fournies par des ONG locales.

Il y a environ six mois, cette insuffisance a atteint un niveau inquiétant, avec des ruptures de stock réelles. Le Dr Samuel Kinyanjui, directeur national de la fondation AIDS Healthcare, joint par transversal déclare : "Depuis octobre-novembre 2021, nous sommes à court de préservatifs distribués gratuitement, or la plupart des gens utilisent ceux-là."

Au Kenya, trois moyens permettent de se procurer des préservatifs. Très peu de personnes en achètent sur le marché privé, étant donné que le coût, en dollars américains, est prohibitif pour la plupart des Kenyans. Un marché subventionné permet de les distribuer à moitié prix, soit un demi-dollar pour trois préservatifs.

Enfin, la distribution gratuite, largement répandue, se fait dans les restaurants, les hôtels, les hôpitaux et les lieux publics, à travers des distributeurs de préservatifs permettant aux kenyans de s’en procurer gratuitement et de manière anonyme. C’est justement dans cette dernière catégorie que la pénurie est la plus frappante et la plus inquiétante.

Cela est en grande partie dû aux taxes imposées par le gouvernement kenyan sur les importations, d’après le Dr Kinyanjui. Il explique que 31 % du coût total d’un préservatif importé au Kenya, incluant l’assurance et le fret, sont constitués de taxes.

En tant qu’ancienne colonie britannique indépendante depuis 1963, le pays ne possède pas d’usine de fabrication de préservatifs, ce qui signifie que son approvisionnement dépend entièrement des importations.

En mars-avril 2020, au plus fort du premier confinement lié à la pandémie de Covid-19, les agences de presse Reuters et AFP prédisaient déjà une pénurie de préservatifs depuis leurs bureaux de Kuala Lumpur en Malaisie, l’un des principaux producteurs mondiaux de latex. Cela faisait suite aux inquiétudes exprimées par l’entreprise malaisienne Karex, qui fabrique un préservatif sur cinq dans le monde.

L’arrêt de ses usines avait créé une pénurie de 100 millions de préservatifs en une seule semaine. Cependant, pour le Dr Kinyanjui, la situation internationale n’est pas la principale cause de la pénurie actuelle au Kenya. Bien que la pandémie de coronavirus ait pu retarder les importations en allongeant les délais, il faut six mois pour que les stocks commandés arrivent au Kenya, les problèmes majeurs résultent principalement de la situation économique du pays.

Les taxes à l’importation ne sont pas une nouveauté, mais la pénurie de préservatifs gratuits est un "nouveau phénomène", dû à la "réduction des budgets", tant du gouvernement kenyan que des donateurs internationaux, explique Samuel Kinyanjui. L’ONG américaine AIDS Healthcare, représentée par le Dr Kinyanjui, a cessé d’envoyer des préservatifs au Kenya. " Sur les 14 pays africains aidés, seul le Kenya taxe les préservatifs qu’on lui envoie gratuitement. Cela n’a pas de sens s’indigne-t-il.

Un conflit a éclaté entre le gouvernement kenyan et les donateurs internationaux, qui demandent la suppression des taxes à l’importation sur les préservatifs, au détriment des habitants du pays où la prévalence du VIH atteint 4,2 % chez les adultes âgés de 15 à 49 ans, d’après l’ONUSIDA.
"Le gouvernement dit parfois que le préservatif est un luxe !" raconte Samuel Kinyanjui, qui a récemment participé à une réunion avec le ministère de la Santé, où l’engagement a été pris de former un comité pour réexaminer la fiscalité.

Cependant, le directeur de la fondation AIDS Healthcare au Kenya ne se montre pas optimiste. "Il est peu probable que le gouvernement réduise les taxes." La raison en est que le pays est fortement endetté et que ses politiques publiques sont entravées par des prêts accordés par le Fonds monétaire international (FMI). Ces difficultés économiques s’inscrivent dans une tendance à la hausse des coûts d’importation, d’une inflation croissante et d’un affaiblissement du shilling kenyan par rapport au dollar américain.

"Le gouvernement veut que les gens achètent eux-mêmes leurs préservatifs", pense le Dr Kinyanjui. Cependant, au Kenya, le salaire mensuel minimum est officiellement de 120 dollars américains. Dans le secteur informel, localement appelé "jua kali", signifiant "soleil de plomb" en swahili, les travailleurs et travailleuses ne bénéficient même pas de ce plancher et gagnent généralement quelques dizaines de dollars par mois.

La disparition des préservatifs gratuits privera des millions de Kenyans de moyens de contraception et de prévention des maladies sexuellement transmissibles.

"Les pénuries sont partout", mais elles se font le plus ressentir dans les zones urbaines densément peuplées de Nairobi, la capitale, et de Mombasa, la deuxième ville du pays. Le Dr Kinyanjui observe déjà les conséquences de la pénurie : "une hausse de contaminations par le VIH est à craindre, car “les préservatifs gratuits vont continuer à diminuer, voire vont disparaître, sauf si nous arrivons à démontrer par du plaidoyer que les préservatifs ne sont pas un coût mais un investissement” des grossesses non désirées, en particulier chez les adolescentes", développe Dr Kinyanjui.

Pénurie de préservatifs au Kenya : Un risque pour la santé publique

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