Pour une organisation qui se targue d’objectivité, son allergie chronique à la nuance, au contexte culturel et aux conséquences sanglantes de la romantisation des acteurs violents dépasse la simple paresse intellectuelle.
C’est de la complicité. Volontaire, dangereuse, et impardonnable.
Prenez, par exemple, le tragique destin de Delphin Katembo Vinywasiki, alias Idengo Delcato, décédé dans des circonstances non élucidées le 13 février 2025.
HRW a été prompte, fébrilement prompte, en réalité, à relayer les spéculations selon lesquelles le M23 ou les AFC (les forces armées alliées au M23) seraient impliqués dans sa mort.
J’imagine que le corps n’était même pas encore froid. Les résultats toxicologiques n’étaient pas encore connus. Mais le rapport, lui, était déjà prêt.
Car rien ne se vend aussi bien que le mythe d’un groupe rebelle présenté comme la source de tous les maux dans l’est du Congo, surtout s’il compte des combattants tutsis.
Ce que HRW et ses chambres d’écho en mode copier-coller ont omis, ou refusé, de faire, c’est d’examiner qui était réellement cet homme.
Delcato n’était pas simplement « un artiste engagé », comme le prétendait quelque noble formule dans leur communiqué de presse.
Il était un semeur de haine sous forme lyrique. Sa chanson, Dawa ya Mututsi (traduite par Le remède contre le Tutsi), n’était pas une métaphore maladroite.
C’était un hymne génocidaire. La bande-son d’un nettoyage ethnique.
Imaginez, ne serait-ce qu’un instant, si quelqu’un enregistrait une chanson intitulée Le remède contre les Arabes ou Tuez les Noirs dans une autre partie du monde.
Human Rights Watch louerait-il le compositeur comme un artiste engagé ? Serait-il qualifié de « symbole de résistance » ?
Les journalistes se précipiteraient-ils pour pleurer sa disparition sans d’abord confronter des paroles qui dansaient sur des tombes et incitaient au bain de sang ?
Mais au Congo, il semble que les Tutsi soient une cible permise. Des chansons qui les visent ? Expression artistique. Des massacres de Banyamulenge ? Conflits tribaux. Des pamphlets haineux ? Couleur locale. Une doctrine meurtrière de pureté ethnique sous le masque du patriotisme ?
Simple affaire de nation contestée. C’est un effondrement moral si abyssal qu’il résonne.
Delcato n’était pas seulement un musicien muni d’un micro ; il était un porte-voix militarisé.
Il a joué un rôle central dans les FAR-W, l’une des milices « Wazalendo » (patriotiques) soutenues rien de moins que par le ministre Muhindo Nzangi Butondo.
Oui, ce même haut responsable gouvernemental qui a inventé le terme « Wazalendo » pour requalifier un mélange de groupes armés, Mai-Mai, ADF, FDLR, en défenseurs légitimes de la nation.
Des groupes tellement patriotes qu’ils massacrent des civils, pillent des villages et incendient des écoles, avec des hymnes comme celui de Delcato retentissant depuis des enceintes Bluetooth attachées aux ceintures des enfants soldats.
Mais le même M23, qui appelle à la négociation, exprime ouvertement ses doléances et s’abstient de tout discours haineux, est qualifié de « terroriste » par le palais de verre et de fumée de Kinshasa.
Apparemment, le patriotisme en RDC signifie ne jamais avoir à demander pardon pour la haine ou l’homicide, tant que vos ennemis sont des Tutsi.
Et où était LUCHA dans tout cela ? Ce « mouvement citoyen » qui se pavane avec des subventions internationales et une posture morale élevée ?
Silencieux. Étrangement silencieux. Delcato était leur membre. Leur enfant. Leur mobilisateur.
Mais dès que ses paroles génocidaires ont commencé à faire effet, dès qu’il a franchi la ligne entre activisme et ethno-nationalisme armé, ils ont fui la scène comme des spectateurs quittant un théâtre en feu.
Pas un mot de remise en question. Pas un souffle de responsabilité.
Juste le bruit des claviers qui tapent la prochaine demande de subvention à un donateur européen, ignorant joyeusement que la « société civile » au Congo est devenue le terme poli pour désigner un nationalisme proche des milices.
Le silence de LUCHA n’est pas seulement lâche ; il est accablant.
Il révèle une pourriture plus profonde, la facilité avec laquelle les prétendus groupes de défense des droits humains glissent dans le parti pris ethnique tout en continuant de toucher des chèques pour prêcher la tolérance.
Posons une question dérangeante : que se passerait-il si Delcato avait sorti une chanson intitulée « Le remède contre les Luba », ou « Dawa ya Muhutu » ?
Serait-il toujours appelé « symbole de la résistance » ?
Human Rights Watch brandirait-elle encore leurs caméras et tweeterait-elle leurs condoléances ?
Non. Parce que la communauté internationale ; en particulier les institutions libérales occidentales qui dictent le discours ; a une mémoire tordue et sélective.
La souffrance des Tutsi est un bruit de fond. Leurs massacres, des accords mineurs. Leur dignité, négociable.
Ce n’est pas un hasard. Cela puise ses racines dans l’exotisme et la paresse intellectuelle des ONG étrangères qui ne prennent pas la peine de comprendre l’histoire de la région au-delà de la version Wikipédia.
Pour elles, il est plus facile de s’aligner sur n’importe quel récit qui sort de la machine médiatique de Kinshasa.
Plus facile de qualifier le M23 de marionnettes du Rwanda que de mettre en lumière les revendications légitimes des Tutsis congolais des Kivu, qui ont été chassés de leurs foyers, lynchés sur les marchés, et maintenant diabolisés dans la mort par des chants comme celui de Delcato.
Cela demande un effort, un effort éthique et intellectuel, pour enquêter sur le rôle idéologique des artistes en temps de conflit.
Cela exige de reconnaître que l’art n’est pas toujours une forme de résistance ; parfois, c’est une incitation.
Cela réclame une compétence culturelle.
Et par-dessus tout, cela demande du courage, le courage de dire aux donateurs, aux présidents, aux mouvements : votre martyr est une menace.
Delcato est aujourd’hui pleuré non pas pour ce qu’il a dit, mais pour qui il a ciblé.
S’il avait chanté l’extermination d’un autre groupe, il aurait été arrêté ou du moins désavoué.
Mais parce qu’il s’agissait des Tutsi — ces éternels étrangers, toujours suspects, citoyens indésirables — sa haine passait pour une simple chanson.
Human Rights Watch n’est pas seule dans cette complicité.
Plusieurs journalistes, groupes de réflexion et analystes régionaux souffrent de la même maladie : l’allergie à la complexité.
Ils savent parfaitement que la haine ethnique est blanchie par une rhétorique « patriotique » en RDC.
Ils savent que des figures comme Muhindo Nzangi arment des milices tout en déguisant leur violence sous des drapeaux.
Et pourtant, ils font semblant que les malheurs du Congo sont importés.
Que le M23 est le virus. Que le Rwanda est le seul coupable.
Cette imposture intellectuelle a un coût. Elle encourage les prédicateurs de haine comme Delcato.
Elle accorde l’impunité aux suprémacistes ethniques. Elle légitime une propagande génocidaire déguisée en musique de protestation.
Et cela révèle, de la manière la plus tragique, à quel point la communauté internationale peut être manipulée — à quelle vitesse elle oublie le Rwanda de 1994 jusqu’à ce qu’un nouveau génocide pointe le bout de son nez.
La mort de Delcato est tragique, mais pas parce qu’il était un héros de la résistance.
Elle est tragique parce que la haine qu’il a exprimée est toujours vivante — toujours florissante — dans les politiques des ministres, dans les paroles des nouveaux « artistes », et dans les rapports d’organisations incapables de distinguer activisme et atrocité.
Il est temps de tracer la ligne.
Il n’y a aucune excuse pour la haine, peu importe qu’elle soit musicale, artistique, ou que son auteur soit tragiquement décédé.
Si Delcato avait été un musicien allemand traitant les Juifs de « vermine » en paroles, il aurait été à juste titre condamné.
S’il avait été un rappeur américain appelant à l’extermination des Latino-Américains, aucune ONG n’oserait louer son mérite artistique.
Mais puisqu’il chantait en swahili, d’un coin reculé du Congo, à propos des Tutsi, il est incompris. Il est « compliqué ». Il est pleuré.
Nous devons cesser de confondre les bigots avec des combattants de la liberté.
Nous devons cesser de tolérer des paroles génocidaires sous prétexte de résistance culturelle.
Nous devons exiger davantage des mouvements comme LUCHA et tenir responsables des ministres comme Nzangi pour leur endoctrinement idéologique des milices.
Et Human Rights Watch ? Si elle ne parvient pas à comprendre le poids de l’histoire, la complexité des dynamiques locales, ou l’horreur contenue dans des chansons comme Dawa ya Mututsi — alors elle devrait peut-être envisager une autre voie professionnelle.
Peut-être l’écriture de fiction. Au moins, dans ce cas, leurs fabrications ne coûteraient pas des vies.
Il ne suffit plus de pleurer les victimes de la haine une fois que leurs meurtriers ont agi.
Le monde doit aussi apprendre à nommer, dénoncer et désarmer les marchands de haine avant qu’ils ne deviennent des martyrs de la confusion.
Si les organisations internationales continuent de déverser des louanges là où la condamnation s’impose, elles ne seront pas des défenseurs des droits humains, mais les accoucheuses du prochain massacre.

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