En s’adonnant aux délices vénéneux du gré à gré, en prostituant la commande publique à des entités fictives sans consistance technique ni épaisseur institutionnelle, l’on ne trahit pas seulement un mandat : l’on abîme l’idée même de justice, et avec elle, la fragile espérance populaire en un État équitable.
Ce glissement, du ministère censé incarner la verticalité morale vers les marécages du népotisme contractuel, témoigne d’une dynamique profondément toxique où l’affairisme n’est plus une dérive, mais un paradigme. L’opacité y devient norme, la connivence règle, et l’illégalité un art consommé, maquillé sous les habits de la légalité formelle.
Ainsi, la RDC, au lieu de se construire sur les fondements d’une gouvernance vertueuse, s’érige sur les décombres d’un État captif, où la loi n’est plus qu’un accessoire contournable au service de la rapacité.
Il n’est pire trahison que celle qui se pare des atours de la légalité pour mieux flétrir la République. En République Démocratique du Congo, cette trahison est devenue une ritournelle macabre, un ballet d’indignités dans lequel les élites politiques valsent sans vergogne autour du cadavre encore tiède de l’éthique publique.
Le dernier scandale en date, impliquant le jeune et zélé ministre de la Justice, Constant Mutamba, vient tragiquement confirmer que, dans ce pays martyrisé, la perversion de l’ordre moral n’est plus l’exception, mais bien le principe.
Le choix de la société Zion Construction, entité nébuleuse, sans ancrage ni compétence démontrée pour l’attribution d’un marché juteux à plusieurs millions, constitue un affront à l’intelligence nationale, une gifle infligée à toutes ces entreprises structurées et éprouvées, reléguées à l’arrière-plan d’une scène désormais gouvernée par le népotisme et l’opacité.
Cette société-écran, surgie de nulle part comme par miracle, incarne l’archétype même de la manigance institutionnalisée : un outil d’enrichissement sans cause, masqué par les oripeaux d’une procédure prétendument régulière.
Et voici que la Première Ministre elle-même, sommée par le tollé populaire, feint la candeur et réclame à posteriori les documents justificatifs : dossier de passation, procès-verbaux d’attribution et de négociation, bordereau de prix, preuves de réalisations antérieures, plans, études techniques, etc.
Une telle requête n’est que poudre aux yeux, gesticulation tardive dans un théâtre de la honte. Car le mal est déjà fait, et il est profond. Il ne s’agit pas seulement d’un vice de procédure, mais bien d’un cancer systémique : celui d’un État captif de ses prédateurs, où la légalité est instrumentalisée pour couvrir les forfaits de l’oligarchie.
La gravité de cette affaire ne réside pas uniquement dans les montants détournés ni dans la légèreté coupable de ses auteurs ; elle tient surtout à l’identité de celui qui, désormais, en porte le fardeau : le ministre de la Justice. L’homme censé incarner l’ultime rempart contre l’impunité devient, dans une ironie tragique, l’architecte du mépris de la loi. Quelle justice peut encore être rendue dans un pays où son gardien principal pactise avec les fossoyeurs de la morale publique ? Cette confusion des rôles achève de délégitimer un pouvoir déjà discrédité aux yeux des Congolais.
Car pendant que l’État se dilue dans des combines de gré à gré, pendant que des ministres prospèrent à l’ombre des appels d’offres truqués, les citoyens, eux, s’enfoncent dans une misère abyssale : infrastructures délabrées, services publics inexistants, insécurité chronique.
A la sveltesse des banquiers de la République répond l’émaciation de ceux qui n’ont pour tout bien que leur patience abusée. La classe politique s’engraisse, pendant que le peuple s’épuise. Il n’y a pas là seulement injustice : il y a là infamie.
La RDC n’a pas besoin d’une énième commission d’enquête, ni d’un rapport au ton tiède. Elle a besoin d’un sursaut. D’un refus. D’une indignation collective capable de renverser la logique prédatrice de l’État accaparé. Car la normalisation de l’inacceptable, la banalisation du vol institutionnel, la résignation face à l’inversion des valeurs, tout cela prépare un avenir plus ténébreux encore que le présent.
Et à ceux qui, aujourd’hui encore, s’accrochent au pouvoir pour y boire les dernières gouttes de la manne publique, qu’ils entendent ceci : l’Histoire, même bâillonnée, a bonne mémoire. Elle saura, le moment venu, inscrire leur nom non dans le marbre de la gloire, mais dans la glaise de l’opprobre.

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