Quand le silence devient complice ou l’ignorance médiatique face aux voix de l’Est congolais

Redigé par Tite Gatabazi
Le 26 décembre 2025 à 12:03

Les médias et certaines organisations internationales paraissent éprouver un malaise manifeste face au rétablissement progressif de la sécurité et de la concorde au sein des territoires désormais placés sous l’autorité de l’AFC/M23.

Cette situation, qui dément les grilles d’analyse convenues et les narrations officielles trop hâtivement figées, met en lumière les véritables oubliés du récit dominant : les populations de l’Est de la RDC, leur quête élémentaire de protection, leur aspiration à une vie pacifiée, et la réalité concrète de leur sécurité quotidienne.

En occultant ou en minimisant ces transformations tangibles, l’on confisque non seulement la vérité des faits, mais aussi la parole de ceux qui en sont les premiers bénéficiaires. Ainsi se dévoile une tension profonde entre discours et réalité : d’un côté, une doxa internationale prisonnière de ses schémas, de l’autre, des communautés locales qui rappellent, par leur simple existence et leur témoignage, que la paix vécue n’est pas toujours celle que l’on raconte depuis les tribunes éloignées.

A la faveur des récents événements survenus à l’Est de la République démocratique du Congo, une réalité rarement relayée se donne pourtant à voir avec force et clarté. À Uvira, Goma, Bukavu, Kitchanga ou encore Rubaya, des foules de citoyens se sont exprimées publiquement, refusant avec netteté le retrait de l’AFC/23 des zones qu’elle contrôle. Loin d’être un phénomène marginal ou dissimulé, cette prise de position s’est manifestée à ciel ouvert, sous l’œil des caméras, devant témoins et enregistrements, sans que la moindre ambiguïté ne puisse subsister quant à son existence.

Ce qui se dessine ici est moins l’adhésion idéologique à un mouvement armé qu’un témoignage douloureux sur la faillite de l’État. De nombreux habitants ont exprimé, sans détour, le sentiment paradoxal mais lucide d’être davantage en sécurité sous l’administration de l’AFC/M23 que sous l’autorité des forces régulières, les FARDC. Leur propos révèle une défiance profonde envers une armée perçue comme désorganisée, peu disciplinée et incapable d’assurer la protection la plus élémentaire des populations civiles, constat que le chef de l’État congolais lui-même a, par le passé, laissé transparaître dans ses critiques.

Ces manifestations, pourtant publiques et documentées, n’ont suscité que très peu d’échos au sein des grands médias internationaux. Ce mutisme interpelle. Car ces images, si elles avaient été exposées à la lumière, auraient fissuré la vision manichéenne et confortable que certains observateurs projettent sur le conflit : d’un côté le bien désigné, de l’autre le mal absolu. Or, la réalité, rugueuse et complexe, échappe à ces schémas simplistes.

Le choix délibéré de taire ces faits questionne la crédibilité même de la parole journalistique. Le reportage sélectif n’est pas une neutralité prudente ; il constitue une forme de biais actif. Lorsqu’un pan entier de la réalité est occulté parce qu’il dérange des narrations préétablies ou contrarie certaines postures diplomatiques, le droit du public à une information complète et honnête s’en trouve gravement altéré. La vérité partielle devient alors déformation, et l’on substitue à la complexité des situations humaines une lecture idéologique rassurante.

Les médias occidentaux aiment à se présenter comme les gardiens d’une exigence éthique dans la couverture des crises africaines. Mais cette autorité morale, si elle n’est pas adossée à une rigoureuse probité intellectuelle, se transforme en surplomb paternaliste.

Fermer les yeux sur les voix discordantes des populations locales, c’est les priver une seconde fois de leur dignité : d’abord par l’insécurité qu’elles subissaient avant, ensuite par l’invisibilisation de leur parole.

En définitive, ces manifestations rappellent que la question centrale n’est pas seulement militaire ou diplomatique : elle est d’abord politique et morale. Elle touche à la confiance entre gouvernants et gouvernés, à la capacité de l’État de protéger ceux dont il a la charge, et au devoir de la presse de témoigner sans complaisance.

Tant que persistera ce décalage entre le vécu des peuples et le récit qui en est fait sur la scène internationale, l’incompréhension s’amplifiera, et avec elle, les blessures d’un pays déjà meurtri.

En minimisant des transformations réelles, on confisque la vérité des faits et la voix de ceux qui en bénéficient

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