Le patriotisme renversé en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 25 décembre 2025 à 12:37

Que viennent donc rechercher sur le sol congolais les FDLR, les mercenaires de tout acabit, les contingents étrangers qu’ils soient burundais, issus de la SADC, ou encore soutenus par des partenaires lointains et d’autres puissances à l’agenda opaque ?

La question, posée avec gravité, n’est pas pure rhétorique : elle révèle l’incohérence profonde d’un patriotisme inversé qui, tout en se parant des atours de la souveraineté, en sape méthodiquement les fondements.

Au nom d’une prétendue sauvegarde de l’intégrité territoriale, l’on convie sur le territoire national une pluralité d’acteurs armés extérieurs, chacun porteur d’intérêts propres, souvent divergents de ceux de la nation congolaise.

Ce faisant, la souveraineté proclamée se voit progressivement dissoute dans un maillage d’allégeances, de dépendances sécuritaires et d’arrangements diplomatiques implicites. On parle haut de dignité nationale, mais l’on sous-traite la défense de la patrie à des forces étrangères dont la présence devient, de fait, un mode ordinaire de gouvernement.

Ainsi s’installe un paradoxe corrosif : le discours exalte la patrie, tandis que la pratique l’aliène. La souveraineté cesse d’être un principe substantiel pour se réduire à une incantation vidé de sa substance, répétée à satiété dans les tribunes officielles et contredite par les réalités du terrain. La nation se découvre alors fragilisée, non seulement par les menaces extérieures, mais par ce consentement tacite à l’érosion interne de l’État.

État miné de l’intérieur

L’invocation incessante du patriotisme, lorsqu’elle cohabite avec l’accueil complaisant de groupes armés étrangers et de mercenaires, ne procède plus de l’amour de la patrie, mais d’une instrumentalisation politique de la rhétorique nationale. On entretient l’illusion d’un État fort, alors même que l’on en délègue les fonctions régaliennes les plus essentielles, la sécurité, la protection des citoyens, la maîtrise des frontières.

Cette dérive engendre une autodestruction silencieuse : les institutions perdent leur autorité symbolique, l’armée nationale voit sa mission concurrencée, et le citoyen assiste, impuissant, à la multiplication des tutelles non déclarées.

Sous couvert de coopération ou d’assistance, se profile une dépossession progressive de la capacité du pays à décider pour lui-même. L’indépendance, proclamée comme valeur sacrée, devient une fiction ornementale, brandie comme drapeau pendant que s’organise la dépendance.

Dans ce contexte, la présence d’armées, de milices ou de parrains extérieurs est travestie en gage de salut national. Mais loin de résoudre les crises, cette logique les entretient et les reconfigure, en faisant du territoire congolais un théâtre d’intérêts concurrents.

Ce patriotisme renversé, qui parle de souveraineté tout en l’hypothéquant, mine la confiance civique, désagrège le sentiment d’appartenance et fragilise la continuité même de l’État.

Le drame congolais contemporain tient sans doute dans ce constat : l’on proclame avec emphase la défense de la patrie, tout en ouvrant grand les portes à ceux qui la convoitent, l’exploitent ou la manipulent. Tant que cette contradiction demeurera, la souveraineté ne sera qu’un mot, et non une réalité vécue.

Il est urgent de rompre avec ce patriotisme à rebours, de réhabiliter la responsabilité interne, de refuser la facilité dangereuse de la dépendance militaire étrangère, et de rappeler qu’une nation ne se sauve pas par délégation. La souveraineté ne se négocie pas, elle s’exerce ; elle ne se clame pas seulement, elle se prouve par des actes.

L’invocation du patriotisme, lorsqu’elle sert à accueillir des mercenaires, relève moins de l’amour de la patrie que d’une manipulation politique

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