Lorsque le ministre de la Communication et porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya, remercie publiquement les influenceurs Mubenga et Kalonji au nom d’une prétendue « mobilisation » et d’un supposé « éveil patriotique », il ne s’agit pas seulement d’une bévue ; c’est une caution politique qui se laisse deviner.
Ces deux communicateurs propagent une vision du corps national reposant sur la stigmatisation systématique de communautés identifiées, en particulier les Congolais d’ascendance tutsie, Banyamulenge, Hema.
Par le jeu d’assimilations infamantes et de caricatures déshumanisantes, ils en viennent à présenter certains compatriotes comme des éléments « infiltrés », indignes d’appartenir à la communauté politique. L’aval tacite ou explicite de responsables publics à ces discours constitue un grave manquement à l’éthique républicaine.
La doctrine juridique contemporaine rappelle, avec Hans Kelsen, que « l’État de droit ne se mesure pas seulement à la perfection de ses normes, mais à la fidélité avec laquelle le pouvoir s’y soumet ».
Or, la promotion d’agents de haine par ceux qui incarnent l’État traduit une inquiétante désertion de cette fidélité. La responsabilité morale et historique du pouvoir ne peut être éludée : « Qui laisse faire, consent », rappelait déjà Raymond Aron, soulignant que l’omission politique est parfois plus éloquente que l’action.
Le droit international, lui, ne laisse aucune ambiguïté. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 20 § 2) impose aux États d’interdire « toute apologie de la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence ».
De même, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (article 4) exige la répression des organisations et propagandes fondées sur la supériorité ou la haine raciale. Lorsque les autorités publiques valorisent ceux qui disséminent ces discours, elles s’éloignent de la légalité internationale autant que de la probité morale.
La haine contre la paix proclamée
Se noue ainsi une contradiction criante : le pouvoir chante la paix sur les tribunes de Genève et de New York, tandis qu’il tolère et encourage des pratiques discursives qui fracturent le corps social. Sous Félix Tshisekedi, la haine ne se donne plus seulement comme dérive marginale ; elle semble devenir ressource politique, instrument de mobilisation et ciment factice d’un patriotisme de circonstance.
Les décorations verbales adressées par Patrick Muyaya à Mubenga et Kalonji en sont la démonstration la plus éloquente : l’exclusion identitaire se trouve travestie en vertu civique.
Or, la jurisprudence des droits humains rappelle que l’État doit être le premier gardien de la dignité des minorités. La Déclaration universelle des droits de l’homme (article 1er) proclame que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », et son article 7 précise que « tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination ». Cette exigence n’est pas simple proclamation ; elle lie politiquement et moralement ceux qui gouvernent.
En droit interne également, le principe d’égalité est au fondement de la Constitution congolaise : nul ne peut être privé de sa citoyenneté symbolique par le jeu d’assignations ethniques ou de discours d’ostracisme. Dans un État qui se veut juste, de tels comportements devraient appeler non des honneurs, mais un contrôle juridictionnel rigoureux et, le cas échéant, des poursuites. L’absence de réaction équivaut à une forme d’institutionnalisation silencieuse.
Hannah Arendt rappelait avec force que « la banalité du mal » se nourrit moins de passions déchaînées que de conformismes dociles et de la démission de la pensée critique.
L’usage répété de discours d’exclusion, présenté comme patriotisme, installe dans les consciences l’idée pernicieuse qu’aimer la patrie, c’est désigner un ennemi intérieur. La paix proclamée se trouve alors minée de l’intérieur par la haine entretenue.
Au regard de ce tableau, une conclusion s’impose : c’est bien le pouvoir lui-même qui, par ses signaux, féconde et irrigue le discours de haine, tout en se refusant à en assumer la pleine responsabilité morale, politique et historique.
Tant que perdurera ce divorce entre la rhétorique de paix et la pratique insinuée de division, la cohérence du projet national demeurera illusoire.
Il revient aujourd’hui aux dirigeants de rompre ce cycle, en désavouant explicitement les discours de stigmatisation, en protégeant la dignité de chaque citoyen y compris des tutsi congolais injustement désignées et en réaffirmant que la République se bâtit sur l’unité, le droit et la commune humanité, jamais sur la haine.














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