RDC : Le clan Tshisekedi, la république du pillage

Redigé par Gaba Carlos
Le 14 octobre 2025 à 01:44

Enquête – Alors que l’est de la République Démocratique du Congo s’enfonce dans une guerre sans fin et que la diplomatie patine, une mécanique de prédation bien huilée s’est mise en place au cœur de l’État.

Des enquêtes et une plainte déposée en Belgique mettent en lumière un système de pillage des ressources minières qui impliquerait directement l’entourage et la famille du président Félix Tshisekedi. Loin des discours officiels sur la souveraineté et la paix, se dessine le portrait d’un pouvoir dont la survie semble intimement liée au chaos qu’il prétend combattre, transformant la guerre en un fonds de commerce et la diplomatie en un double jeu permanent.

Derrière la façade d’un second mandat obtenu dans des conditions électorales contestées, le pouvoir de Félix Tshisekedi s’est consolidé, mais l’État, lui, se délite. La promesse d’une rupture avec les années Kabila s’est heurtée à la réalité d’un système de capture des ressources qui semble avoir été non pas démantelé, mais perfectionné. Au cœur de ce système : le Katanga, trésor géologique du pays, devenu le théâtre d’une "prédation organisée avec l’utilisation de l’appareil d’État", selon les termes d’un collectif d’ONG qui a porté l’affaire devant la justice belge en juillet 2025.

Le "Système Katangais" : Un Pillage à Ciel Ouvert

La plainte déposée à Bruxelles est explosive. Elle vise nommément neuf membres de l’entourage et de la famille du président, tous de nationalité belge, pour des faits présumés de corruption, de blanchiment et de détournement.

Le mécanisme décrit est d’une simplicité redoutable. Des "structures parallèles", animées par des proches du clan présidentiel, auraient noué des partenariats avec la Gécamines, le géant minier public. Mais au lieu de reverser au géant étatique sa part de la production de cuivre et de cobalt, ces entités traiteraient et vendraient directement les minerais à leur propre profit, avec la complicité d’opérateurs étrangers et, surtout, la protection d’unités de la Garde Républicaine – ce corps d’élite théoriquement dévolu à la sécurité du chef de l’État.

Les chiffres avancés par les plaignants donnent le vertige. Sur une production annuelle dont la part revenant à la Gécamines est estimée à 3 milliards de dollars, l’entreprise publique n’aurait perçu que 200 millions. "Où va le reste ?", interroge l’activiste Jean-Pierre Muteba, porte-parole du collectif.

La réponse semble pointer vers un enrichissement clanique qui prive l’État de revenus vitaux, alors que les trois quarts de la population vivent sous le seuil de pauvreté. Ce n’est plus de la corruption, c’est une privatisation de la rente minière par un cercle restreint au sommet du pouvoir.

Ce système de prédation n’est pas sans conséquence sur la situation sécuritaire. Dans la province de l’Ituri, la société civile dénonce l’implication directe d’officiers des FARDC dans l’exploitation minière illégale, détournant leur mission de sécurisation pour devenir des acteurs économiques illégaux. L’armée censée combattre les groupes armés, devient elle-même un agent de l’économie de prédation, entretenant un climat d’impunité qui nourrit les conflits.

La Privatisation de la Violence

Loin de se limiter à l’Est, l’instabilité gangrène désormais des régions autrefois paisibles. Le conflit qui a éclaté à Kwamouth, à moins de 200 kilomètres de Kinshasa, est symptomatique de cet effondrement de l’autorité de l’État. Parti d’un différend foncier, il s’est mué en une insurrection armée menée par les milices "Mobondo", provoquant une crise humanitaire aiguë aux portes de la capitale.

Face à la fragmentation sécuritaire, la stratégie du pouvoir Tshisekedi a été d’officialiser ses alliances avec une nébuleuse de milices locales, les "Wazalendo" (les "patriotes"). Présentée comme une mobilisation citoyenne contre les groupes armés, cette coalition est en réalité une externalisation des prérogatives régaliennes de l’État.

En armant et en légitimant ces groupes, eux-mêmes accusés de graves exactions, Kinshasa affaiblit son propre monopole de la violence. Les tensions croissantes entre l’armée régulière et ces milices, sur fond de rivalités ethniques et d’accusations de corruption, montrent les limites d’une stratégie qui sème les graines de futurs conflits ingérables.

Le Double Jeu Diplomatique

C’est sur la scène internationale que le double discours du régime est le plus flagrant. En public, Félix Tshisekedi tend la "main de la paix" à ses voisins, se posant en victime et en artisan du dialogue. Mais en coulisses, les actes contredisent les paroles. L’épisode le plus révélateur fut le torpillage de l’accord sur le Cadre d’Intégration Économique Régional (REIF), négocié sous médiation américaine.

Alors que la délégation congolaise avait approuvé le texte à Washington, un ordre venu de Kinshasa à la dernière minute lui a interdit de signer. Le prétexte officiel ? L’absence de retrait des troupes étrangères. La réalité ? Un blocage délibéré qui a fait dire au ministre rwandais des Affaires étrangères que le Rwanda "pourra toujours attendre jusqu’aux calendes grecques".

Cet incident n’est pas isolé. L’échec des processus de paix de Luanda et de Nairobi s’explique en grande partie par cette posture intransigeante, où les déclarations publiques de bonne volonté sont systématiquement sapées par des manœuvres en coulisses. Le pouvoir congolais semble jouer la montre, utilisant l’état de guerre permanent comme un argument politique interne et un levier diplomatique, sans réelle volonté d’aboutir à une paix qui pourrait remettre en cause les équilibres précaires sur lesquels repose son système.

L’Horizon d’un Troisième Mandat

Pourquoi entretenir ce chaos ? La réponse se trouve peut-être dans l’agenda politique intérieur. Fin 2024, Félix Tshisekedi a personnellement ouvert le débat sur une révision de la Constitution, la jugeant "obsolète" et "rédigée par des étrangers". Si le président se défend de vouloir briguer un troisième mandat, il a pris soin d’ajouter que "seul le peuple pouvait en décider", ouvrant la voie à un référendum.

Pour l’opposition, la manœuvre est claire : utiliser la fibre patriotique exacerbée par la guerre pour justifier une modification des articles "verrouillés" limitant le nombre de mandats présidentiels. En cas d’échec, ce débat pourrait créer une crise politique suffisante pour justifier un "glissement" du calendrier électoral, permettant au président Tshisekedi de se maintenir au pouvoir au-delà de son terme constitutionnel.

Le cercle vicieux est complet. Le pillage des ressources alimente une corruption qui gangrène l’État et l’armée. Cette faiblesse structurelle nourrit les conflits, qui sont à leur tour instrumentalisés pour justifier une concentration du pouvoir et des manœuvres politiques visant à le conserver. Dans ce système, la paix n’est pas une option ; elle est une menace. La véritable victime de cette stratégie est la République Démocratique du Congo elle-même, un État dévoré de l’intérieur par ceux qui sont censés le protéger.

Des enquêtes et une plainte déposée en Belgique mettent en lumière un système de pillage des ressources minières qui impliquerait directement l’entourage et la famille du président Tshisekedi

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