Rapatriement d’otages rwandais des FDLR en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 19 mai 2025 à 04:20

Entre l’échec manifeste des organisations humanitaires, le silence assourdissant des défenseurs autoproclamés des droits humains et la compromission à peine voilée de certains acteurs internationaux, se dessine le portrait accablant d’un système moralement défaillant.

Pendant des années, sous couvert de neutralité bienveillante, des structures prétendument vouées à la protection des civils ont fermé les yeux ou pire, ont servi d’alibi diplomatique à la prise d’otages de centaines de Rwandais par les FDLR, une organisation dont l’ADN génocidaire est pourtant avéré et documenté.

Cette forme d’aveuglement volontaire, oscillant entre passivité complice et indulgence stratégique, trahit le déni des fractures profondes qui minent l’Est de la République démocratique du Congo. L’on ne peut prétendre défendre les principes universels tout en tolérant, voire en légitimant par le silence, une prise d’otages prolongée, inscrite dans une logique de prédation politique.

Ce mutisme coupable, doublé d’une incapacité structurelle à agir avec fermeté, jette une ombre lourde sur la crédibilité de l’engagement humanitaire international, désormais perçu par les populations locales non plus comme vecteur d’espérance, mais comme rouage d’un ordre mondial où la souffrance des uns se mesure à l’aune de l’utilité géopolitique qu’elle représente.

Ce 17 mai 2025, dans une relative discrétion médiatique, un contingent de 360 ressortissants rwandais a franchi la grande barrière de Goma pour regagner leur terre natale, sous l’égide du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Présentés comme des civils détenus depuis de longues années par les FDLR, leur retour inaugure la première phase d’un ambitieux programme de rapatriement visant plus de deux mille personnes, longtemps captives de la guerre, de l’oubli, et des impasses diplomatiques.

Ce geste, de prime abord salué comme une avancée humanitaire, ne saurait pourtant masquer les complexités abyssales du conflit à l’Est de la République démocratique du Congo. Il s’inscrit dans un théâtre déchirant où la tragédie des individus sert souvent de toile de fond à des luttes de pouvoir sans scrupule, à des rhétoriques guerrières cyniquement instrumentalisées, et à une diplomatie régionale marquée par le double langage et les intérêts croisés.

Les FDLR, groupe toujours toxique, composé en grande partie d’anciens militaires et miliciens liés aux auteurs du génocide contre les tutsi de 1994, continuent d’opérer dans les marges fracturées de la RDC, profitant des interstices laissés béants par l’État congolais.

Leur présence prolongée sur le sol congolais, tolérée voire utilisée comme levier politique à certaines époques, est le symptôme d’un déséquilibre plus profond : celui d’un État incapable de garantir son monopole de la violence légitime, abandonnant des pans entiers de son territoire à la loi du plus fort.

Dans ce contexte, le rapatriement des otages rwandais soulève plusieurs questions d’ordre géopolitique, sécuritaire et moral. Il interroge la capacité réelle de Kinshasa à désarmer, démanteler et neutraliser les groupes armés étrangers, et à restaurer une autorité de l’Etat que dans le discours. Il convoque également la responsabilité trop souvent éludée, des puissances étrangères dans l’entretien de ces foyers de tension chroniques.

Car derrière l’acte symbolique de libération se cache une mécanique plus opaque : celle d’un échiquier diplomatique mouvant, où la RDC semble osciller entre la volonté de normaliser ses relations bilatérales et celle de maintenir certains équilibres précaires, au prix du silence sur des drames humains prolongés.

Et que dire du traitement médiatique de cet événement ? Ce retour, aussi dramatique que significatif, n’aura pas mobilisé les indignations sélectives d’une presse internationale prompte à s’émouvoir selon des géométries idéologiques variables. Pas de gros titres, pas de tribunes enflammées, pas de mobilisations des chancelleries occidentales.

Ces victimes de l’oubli ne cadrent pas avec les narrations convenues de la victimologie contemporaine. Leur calvaire prolongé, leur détention arbitraire, leur droit fondamental à la liberté, sont passés sous silence par ceux-là mêmes qui s’érigent en gardiens auto-proclamés des droits humains et des principes démocratiques. Ce silence en dit long sur les impensés du discours humanitaire global, et sur les angles morts volontaires d’une morale internationale à géométrie variable.

Il ne suffit pas de transférer des otages : il faut démanteler les structures de captivité, assécher les ressources politiques, économiques et sociales qui permettent aux groupes armés de perdurer. Il faut, enfin, inscrire cette dynamique dans un cadre régional concerté, qui affronte sans détour la question des FDLR, du retour des réfugiés, et des responsabilités historiques partagées.

Sans cela, le retour de ces 360 personnes, aussi émouvant soit-il, ne sera qu’un épiphénomène. Et les tragédies muettes de milliers d’autres, retenus loin de leurs terres, continueront de s’écrire dans les marges de l’histoire, loin des caméras et des consciences.


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