Rwanda 1990-1994 : la France face à l’ombre de l’Opération Noroît

Redigé par IGIHE
Le 16 octobre 2025 à 12:54

En octobre 1990, l’Armée Patriotique Rwandaise (RPA) lançait son offensive pour libérer le pays. Juvénal Habyarimana, refusant de permettre le retour des Tutsi réfugiés dans les pays voisins, sollicita rapidement le soutien de ses alliés. François Mitterrand, alors président de la France, répondit promptement.

Trois jours seulement après le début des combats, le 4 octobre 1990, la France dépêcha 300 soldats d’élite déployés pour «  protéger les populations et les ressortissants français  ». En réalité, cette intervention, qui était un soutien au régime de Habyarimana, fut nommée «  Opération Noroît  », le contingent français ayant rapidement été porté à 800 hommes, comme le rapporte Michel Goya, ancien colonel, dans son ouvrage Penser les opérations. Retour sur l’opération “Noroît” au Rwanda (1990‑1993).

Les OPEX françaises

L’Opération Noroît fait partie d’une longue tradition d’«  Opérations Extérieures  » (OPEX) françaises. Avant le Rwanda, ce même corps expéditionnaire avait été déployé au Congo lors de l’«  Opération Kolwezi  » en 1978.

Depuis plusieurs décennies, la France a mené des missions militaires à travers le monde  : en Indochine dans les années 1950 avec l’«  Opération Atlante  », aux côtés de l’OTAN dans les années 1990 en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo, en Afghanistan, au Moyen-Orient et en Irak. Aujourd’hui, environ 30 000 soldats français sont engagés à l’étranger, selon l’ambassade de France aux États-Unis.

L’Opération Noroît fait partie d'une longue tradition d’« Opérations Extérieures » (OPEX) françaises

L’Afrique, terrain d’opérations

Le continent africain a particulièrement été concerné par ces interventions. Parmi elles  : l’«  Opération Épervier  » au Tchad (1986‑2014), l’«  Opération Licorne  » en Côte d’Ivoire (2001), l’«  Opération Artémis  » en Ituri, RDC (2003), ainsi que «  Serval  » et «  Barkhane  » au Mali. L’opération Barkhane s’est également étendue au Burkina Faso et au Niger, tandis que l’«  Opération Manta  » a été conduite au Tchad. La France a mené des missions similaires en Mauritanie, Gabon, Djibouti, Sénégal, Centrafrique et ailleurs.

L’ombre de l’Opération Noroît

En 2022, Antoine Anfré, alors ambassadeur de France au Rwanda, déplorait que l’attention se concentre sur l’«  Opération Turquoise  » de juin 1994, menée pendant le génocide perpétré contre les Tutsi, au détriment de l’«  Opération Noroît  ». Selon lui, cette dernière avait permis aux forces de Habyarimana de contrer l’offensive initiale des RPA.

À bord des hélicoptères de l’armée rwandaise (FAR) engagés dans ces combats, on rapporte également la présence de Français. «  Au point qu’il faudrait se demander qui les pilotait  », soulignait Anfré.

L’envoi des troupes françaises, présenté comme une aide humanitaire, s’est en réalité transformé en une collaboration directe avec les FAR, incluant la formation des jeunes miliciens Interahamwe, complices du génocide contre les Tutsi.

Des soldats français posant fièrement avec des FAR, qui participeront par la suite activement au génocide contre les Tutsi

Un passé qui embarrasse la France

L’Opération Noroît, qui dura trois ans, s’est achevée en 1993 sans résultats tangibles, un an avant le déclenchement du génocide contre les Tutsi. Lors de l’Opération Turquoise, les soldats français ont été impliqués dans des opérations militaires aux côtés des FAR et ont protégé certains dirigeants du régime ayant orchestré ce génocide, certains se réfugiant au Zaïre, d’autres rejoignant l’Europe.

Cet enchaînement d’événements a plongé la France dans un profond embarras. Michel Goya souligne dans son ouvrage que l’«  Opération Noroît  » a été volontairement omise de la liste officielle des interventions militaires françaises à l’étranger, une page sombre que Paris préfère oublier.

L’envoi des troupes françaises, présenté comme humanitaire, a en réalité soutenu les FAR et formé les miliciens Interahamwe
L’Opération Noroît, qui dura trois ans, s’est achevée en 1993 sans résultats tangibles, un an avant le déclenchement du génocide contre les Tutsi
L’« Opération Noroît » a été volontairement omise de la liste officielle des interventions militaires françaises à l’étranger

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