Rédigé depuis Bukavu, à peine de l’autre côté de la frontière rwandaise, le texte de de Dorlodot se donne des airs de réflexion, mais il s’agit en réalité d’une euthanasie intellectuelle de toute responsabilité morale, où le génocide est réduit à une simple « erreur » et ses auteurs ramenés à de tragiques pions de l’Histoire. Ce n’est pas de la théologie. C’est du nihilisme théocratique travesti en analyse.
Il faut être clair dès le départ : il ne s’agit pas d’une méditation a posteriori. Le paroxysme du génocide contre les Tutsi a débuté le 7 avril 1994. Dès le 29 avril – soit seulement 22 jours après le début du massacre – de Dorlodot avait déjà rédigé et commencé à diffuser ce document à des « amis » anonymes en Belgique.
Alors que des familles tutsies étaient encore traquées comme du gibier, que les rivières étaient obstruées de cadavres, que les églises résonnaient encore des derniers cris des enfants, ce prêtre – installé à quelques kilomètres de là – s’est assis pour écrire non une condamnation du mal, mais une justification de celui-ci.
Ce n’était pas une réflexion différée ; c’était une rationalisation en temps réel. Au moment précis où l’Évangile exigeait un témoignage moral sans ambiguïté, Philippe de Dorlodot a offert une apologie habillée de soutane.
Il commence par une fausse empathie : « Bouleversé par les massacres, en particulier ceux du 29 avril à Cyangugu, j’essaie de comprendre comment les choses ont pu en arriver là. » Cyangugu, région frontalière, était devenue l’un des premiers épicentres du génocide contre les Tutsi.
Des Tutsi, jeunes et vieux, ont été massacrés dans des paroisses, des maisons et des écoles. Qu’un prêtre, installé à quelques kilomètres de là et ayant vécu dans la région pendant vingt-quatre ans, puisse prétendre avoir été simplement « bouleversé » par un tel carnage révèle une insensibilité qui dépasse la simple négligence pastorale.
L’expression « j’essaie de comprendre » semble d’une modestie désarmante, presque innocente. Mais ce qui suit n’a rien d’innocent. Ce n’est pas la compréhension qu’il cherche, c’est l’exonération. Et non pas celle des victimes, mais bien celle des monstres mêmes qui ont tranché des enfants en morceaux dans des églises.
De Dorlodot parle de « guerre civile », de « massacres » et de « génocide » presque comme s’il s’agissait de synonymes — un glissement lexical qui devrait alerter tout lecteur doté de discernement. Ce jeu de langage n’est pas de l’ordre de la confusion, mais d’un blanchiment linguistique calculé. Le génocide contre les Tutsi se retrouve dilué dans un marécage sémantique, son caractère spécifique étouffé par le vague.
En fusionnant l’extermination délibérée d’un peuple avec une violence généralisée, il commet un génocide verbal contre la mémoire. Comme l’explique le linguiste Teun A. van Dijk dans Discourse and Power (2008), le discours peut être un outil de domination.
Lorsque le langage est utilisé pour brouiller les catégories morales, il peut servir à effacer l’agence des auteurs et à les requalifier en victimes des circonstances. L’écriture de Dorlodot est un cas d’école de ce que van Dijk appelle « l’ambiguïté stratégique » : une rhétorique conçue non pour éclairer, mais pour absoudre.
Et puis vient l’un des tropes les plus révoltants : « Les racines de ces événements tragiques plongent dans l’histoire de ce pays, composé de deux races : les Hutu, environ 87 %, sont bantous ; les Tutsi, 12 %, sont nilotiques. Sans oublier les Twa, 1 %. » On ne sait pas s’il faut hurler ou soupirer.
La voilà de nouveau : la fiction coloniale des « races » au Rwanda, une taxinomie mythifiée aussi absurde que dangereuse. Le Rwanda n’a pas de « races ».
Son peuple a toujours appartenu à la même culture, parlé la même langue, participé aux mêmes clans, vénéré le même Dieu, partagé les mêmes noms, pratiqué les mariages entre eux, dansé aux mêmes tambours, célébré les mêmes rites, et enterré ses morts avec les mêmes prières.
L’idée de de Dorlodot selon laquelle il existerait des « races profondément différentes » n’est pas une conclusion anthropologique, mais l’invention d’une idéologie coloniale — spécifiquement élaborée par l’administration belge et les missionnaires catholiques, en particulier la Congrégation des Pères Blancs à laquelle appartient de Dorlodot lui-même.
Les mêmes Pères Blancs qui nous ont donné l’évêque André Perraudin, parrain du PARMEHUTU — auteur de la fameuse lettre pastorale de 1959 qui légitimait le hutuisme politique sous prétexte de justice sociale. La même congrégation qui nous a donné l’évêque Léon Classe, l’architecte de la théorie coloniale qui transformait les différences socio-économiques en mythes biologiques.
Ce n’étaient pas des réflexions théologiques ; c’étaient des instruments d’ingénierie raciale. Préserver ce poison en 1994, au sommet de son épanouissement mortel, n’est pas de l’ignorance. C’est de la dévotion. Non pas à Dieu, mais au mensonge qui a justifié le génocide.
Sa prétendue analyse historique saute rapidement à 1958 et fait l’éloge de l’archevêque Perraudin pour avoir défendu les « droits de l’homme » dans une lettre pastorale qui, en réalité, a attisé l’idéologie du Pouvoir Hutu. L’Église, affirme-t-il, serait devenue « la porte-parole des aspirations de la majorité », une phrase si grotesque à la lumière du génocide qu’elle mériterait une exposition muséale de la honte.
Pour qui donc l’Église parlait-elle, Père ? Pour les foules qui affûtaient leurs machettes après la messe ?
De Dorlodot renforce les récits coloniaux en affirmant : « Pendant des siècles, sous la monarchie tutsi, les Hutus étaient des serfs, des esclaves. Ils étaient méprisés. » Ce récit efface des siècles de coexistence culturelle, linguistique et sociale entrecroisée. La prétendue monarchie tutsi incluait les Hutus dans la gouvernance, l’armée et la vie rituelle.
Les trois groupes qu’il qualifie de « races » — Hutu, Tutsi et Twa — parlaient la même langue et partageaient les mêmes croyances et coutumes. C’est l’ingénierie sociale belge, et non un quelconque grief ancien, qui a rigidifié ces identités sociales en quelque chose pouvant être mobilisé pour l’extermination.
Le reproche aux victimes se fait avec une franchise alarmante : « Les Tutsi faisaient ressentir leur infériorité aux Hutu. Les Hutu ont subi de nombreuses humiliations. » Là encore, voici la logique de l’agresseur, du mari violent qui dit : « C’est elle qui m’a poussé à le faire. »
C’est une vieille astuce de l’intellectuel fasciste : pathologiser la victime, romantiser le bourreau. Il veut nous faire croire que le ressentiment des Hutu était si profondément enraciné, si justifié, qu’il a naturellement éclaté en 1994. Ce n’est pas un contexte historique ; c’est une apologie génocidaire.
Des chercheurs comme Stanley Cohen dans States of Denial (2001) ont mis en garde contre le « déni interprétatif », où les atrocités ne sont pas niées frontalement, mais expliquées comme le résultat malheureux de l’histoire ou d’un ressentiment. De Dorlodot n’est pas un négationniste. Il est quelque chose de plus insidieux : un justificateur et un défenseur.
D’autres, comme Michael Billig dans Banal Nationalism (1995), montrent comment la rhétorique quotidienne permet la cruauté systémique. Le ton fataliste à voix basse de de Dorlodot est une version théologique de cette banalité — un voile tiède de détachement posé sur des crimes qui devraient crier depuis la chaire.
Alors que le feu génocidaire embrase tout, notre prêtre des Pères Blancs trouve le moment idéal pour brandir les Accords de paix d’Arusha, qu’il présente comme « l’erreur » fatale qui a conduit à « l’horreur ». Le problème, suggère-t-il, serait que les Accords auraient trop donné au FPR qu’il assimile aux Tutsi.
En réalité, ces Accords étaient une tentative consciencieuse de créer un partage du pouvoir. Mais de Dorlodot, à l’instar des idéologues du régime génocidaire, les considérait comme le « cheval de Troie » de la domination tutsie.
Il répète avec familiarité le refrain génocidaire en disant : « Pour la majorité hutue, les Accords d’Arusha étaient inacceptables — ils étaient perçus comme une porte ouverte au retour au pouvoir des Tutsi. Pendant des années, les Hutu se disaient entre eux : “Si les Tutsi essaient de reprendre le pouvoir, nous les massacrerons tous.” » C’est précisément le langage des fervents du Pouvoir Hutu — ceux qui ont décidé de saboter les Accords de paix.
Et que fait-il de cette monstrueuse déclaration ? Il l’explique, comme s’il était l’un des génocidaires. Il la comprend avec conviction. Il la présente comme une réaction malheureuse mais prévisible.
Nous voici au cœur de la méchanceté fondamentale du texte de de Dorlodot : il ne cherche pas à condamner le mal, mais à le normaliser. Il prend la rhétorique de l’extermination et la présente comme une sagesse populaire.
Son ton devient un curieux mélange de réflexion paternaliste et de commérage géopolitique. Même lorsqu’il reconnaît que « la population tutsi est en train d’être exterminée : c’est un génocide », il s’empresse immédiatement de relativiser par une explication.
De Dorlodot dit : « Il est vrai que militairement le FPR avait l’avantage, et que les accords qui en ont résulté étaient délicats. Mais accorder un partage 50-50 dans l’armée fut une erreur. Les Occidentaux qui ont imposé ces accords, tout comme le FPR qui a poursuivi aveuglément le pouvoir sans reconnaître la détermination des Hutu à préserver leurs droits légitimes, partagent la responsabilité. Ils se sont trompés. »
Le génocide devient le résultat de la supériorité militaire du FPR, de la pression diplomatique occidentale, de la peur des Hutu. Un prêtre, qui devrait crier comme Jérémie, qui devrait se tenir parmi les ossements et réclamer justice, offre à la place des justifications de realpolitik enveloppées de platitudes pastorales.
Et quelles sont ses préoccupations théologiques ? « Reste-t-il une quelconque autorité morale dans le pays ? L’Église catholique meurtrie a été profondément affectée par les massacres — elle est prise dans un feu croisé. L’islam va-t-il profiter de ce chaos pour s’implanter au Rwanda ? » Le négationnisme du génocide contenu dans le mot « feu croisé » est ahurissant.
Ce qui l’inquiète, ce n’est pas la mutilation des enfants. Ni l’extermination d’un peuple dans une prétendue république chrétienne. Non, c’est que l’islam pourrait prendre pied au Rwanda. Voilà son angoisse ! Pas l’odeur des corps brûlés, pas les fillettes violées sur les autels, pas les orphelins cherchant à téter le lait de leurs mères mortes ? Non, c’est l’islam qui gagne du terrain.
C’est, pour lui, la vraie crise. Et cela venant d’un prêtre dont le col devrait être trempé de larmes, non de suffisance. Son inquiétude face à la concurrence religieuse au cœur du génocide est peut-être la plus révélatrice des hérésies.
Le Vatican, fidèle à lui-même, est resté silencieux. Pas de condamnation officielle. Pas de défroquage. Pas d’excommunication. Le pamphlet de de Dorlodot a circulé en Belgique, sans même un murmure de Rome.
L’Église qui autrefois excommuniait les théologiens de la libération pour avoir parlé des pauvres a désormais regardé un génocide se dérouler sans même rétracter le texte sacrilège d’un prêtre.
Ce n’est pas une crise de mécompréhension. C’est un scandale d’indifférence. C’est la pourriture morale d’une institution qui a béni le fascisme, qui a fermé les yeux sur les viols d’enfants, et qui aujourd’hui, hausse les épaules face au génocide.
Giorgio Agamben, dans Homo Sacer (1998), décrit l’État moderne comme celui qui décide qui peut être humain et qui devient une vie nue. Au Rwanda, l’Église a contribué à prendre cette décision — par omission, par silence, et par des lettres comme celle de Dorlodot.
Le problème avec de Dorlodot n’est pas seulement son analyse ; c’est son âme. Il ne croit pas à l’égalité radicale des êtres humains. Il ne croit pas qu’une vie tutsi est aussi sacrée que la sienne. Et il enveloppe cette incroyance dans le vêtement respectable de la « compréhension ».
Jésus-Christ n’a jamais demandé aux croyants de comprendre le mal ; il leur a demandé de le combattre. Il n’a jamais dit : « Pardonne-leur, ils savent ce qu’ils font. » Il a dit : « Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Les génocidaires savaient. De Dorlodot savait. Et pourtant il a écrit cette saleté.
Vrai ou faux, le christianisme enseigne que l’Évangile n’est pas un texte de neutralité. C’est une épée contre l’injustice. C’est un scandale pour l’empire. C’est une réprimande pour ceux qui passent leur chemin devant l’homme qui saigne sur la route.
Clairement, de Dorlodot n’est pas le bon Samaritain. Il est le lévite qui regarde le mourant et demande : « Peut-être le méritait-il ? » Il ne nettoie pas les blessures ; il les assaisonne d’un mélange de piment. Il n’offre pas la rédemption ; il aggrave la douleur et propage le révisionnisme. Il ne prêche pas la résurrection ; il enterre la mémoire sous un voile d’excuses.
Et qu’en est-il de l’Église aujourd’hui ? Le processus de béatification de figures telles que l’archevêque Christophe Munzihirwa, qui a défendu des génocidaires, est en cours. Verrons-nous bientôt de Dorlodot sur la liste des prochains saints ?
Peut-être que son épitaphe dira : « Il a essayé de comprendre. » Ou peut-être faudrait-il être plus juste : « Il a essayé de justifier le génocide. » Avec lui, une théologie qui ne penche pas vers la justice, mais vers ceux qui portent une machette dans une main et un recueil de cantiques dans l’autre. À ce rythme, on pourrait suggérer à Rome d’ouvrir un nouveau dicastère : la Congrégation pour la Défense de l’Indéfendable.
Pour plus de clarté, qu’il soit dit sans détour : lorsqu’un prêtre utilise sa fonction pour offrir du réconfort non pas aux mourants, mais à leurs tueurs, il ne trahit pas seulement l’Évangile — il s’en moque. Lorsque le Vatican reste silencieux, il ne déçoit pas seulement l’Histoire — il profane son propre autel.
La lettre de de Dorlodot n’est pas seulement une lâcheté théocratique ; c’est une profanation spirituelle. Et la tache qu’elle laisse ne sera pas effacée par l’encens ni le silence.
Au Saint Siège
On se demande — peut-être avec horreur, peut-être avec pitié — si le Vatican a jamais pris un instant, même dans le recueillement d’une basilique éclairée à la bougie, pour se demander ce que signifie vraiment que Philippe de Dorlodot porte encore la soutane.
Pas au sens figuré, pas symboliquement — il porte littéralement encore le titre de prêtre, reçoit sans doute encore des pénitents — offre toujours la bénédiction. Il est toujours là, non suspendu, non mis en examen, non réduit au silence, mais debout derrière le confessionnal comme si l’Esprit Saint soufflait encore à travers lui.
Imaginez, si vous pouvez le supporter, un survivant du génocide entrant dans ce confessionnal, cherchant l’absolution d’un péché personnel — disons un moment de colère — et là, derrière l’écran, assis, l’homme qui a justifié le meurtre de masse comme une « erreur », qui a enveloppé d’une sympathie pastorale les idéologues maniant la machette.
Et le monde est censé accepter que ces mêmes mains qui, en 1994, ont tapé un écran théologique pour le génocide soient aujourd’hui d’une manière ou d’une autre consacrées à dispenser le pardon et la grâce.
Ce n’est pas une simple négligence ; c’est un théâtre scandaleux de sanctimonie. C’est comme si l’Église avait remis les clés du confessionnal à quelqu’un qui avait autrefois aidé à conduire la voiture de fuite d’un massacre, en disant : « Maintenant, bénis les blessés. »
Mais à quel point faut-il être blessé pour chercher du réconfort dans ce confessionnal ? Imaginez un croyant — disons une femme qui a survécu au massacre, dont la famille a été massacrée alors qu’elle chantait des hymnes — entrant pour dire : « Pardonnez-moi, Père, car j’ai péché. »
Et derrière l’écran, elle entend la voix douce de l’homme qui, jadis, écrivait calmement et sans remords que ceux qui massacraient son peuple avaient des raisons dignes de compréhension.
De Dorlodot a justifié le meurtre de personnes uniquement à cause des corps dans lesquels elles étaient nées — la forme de leur nez, les noms qu’elles portaient, le sang dans leurs veines. Ou plus simplement, ceux qui détenaient des cartes d’identité portant l’inscription TUTSI. Et maintenant, cet homme, ce fonctionnaire ordonné de l’absolution, serait-elle son intermédiaire auprès de Dieu ?
Quelle théologie est-ce là ? Quelle ecclésiologie pervertie permet à un homme de rationaliser le massacre des enfants de Dieu et pourtant de pouvoir encore prononcer : « Allez en paix, vos péchés sont pardonnés » ? L’Église ne croit-elle plus au blasphème, ou l’a-t-elle simplement banalisé ?
Le récit de la Genèse proclame que tout être humain est créé à l’imago Dei — à l’image de Dieu. Que signifie alors qu’un prêtre non seulement ne défende pas cette image, mais aide à expliquer pourquoi son effacement était compréhensible ? Ce n’est pas seulement une hérésie. C’est un vandalisme théologique.
Tuer quelqu’un pour ce qu’il est — pour le corps que Dieu lui a donné, pour l’ascendance qu’Il a ordonnée —, c’est cracher sur la création elle-même. Ce n’est pas seulement un crime contre l’humanité ; c’est un blasphème. C’est une impiété, une profanation de l’ordre divin.
De Dorlodot n’a pas simplement échoué au test moral ; il a utilisé une chaire pour soutenir l’annulation de l’œuvre de Dieu. Ses écrits ne sont pas un simple égarement. Ils sont une trahison liturgique.
Ce qui soulève une question encore plus glaçante : pourquoi quelqu’un confesserait-il « J’ai commis l’adultère » à un homme qui a cautionné les viols massifs de femmes tutsi dans les églises et les écoles ? Pourquoi chuchoterait-on sa honte au sujet d’une pièce volée à quelqu’un qui a couvert moralement le vol de vies ?
Pourquoi quelqu’un s’agenouillerait-il devant une Église qui, dans son silence institutionnel, semblait plus préoccupée par la perspective d’une « implantation » de l’islam au Rwanda que par les membres arrachés d’un million d’âmes assassinées ?
Ce ne sont pas des flèches rhétoriques lancées sous le coup de la colère. Ce sont les réflexions sincères, chargées de douleur, des survivants du génocide — des personnes qui croient encore en Dieu, mais qui regardent Ses ministres désignés et n’y voient que complicité enveloppée de soutanes.
Des survivants autrefois baptisés par des prêtres, dont les familles furent ensuite trahies par ces mêmes prêtres qui les ont livrés aux milices. Ils ne demandent pas de miracles. Ils demandent de la clarté morale. Ils veulent savoir : un homme qui a aidé à bénir le feu peut-il encore se dire berger ?
Et surtout, ils demandent : où est la confession de l’Église elle-même ? Si de Dorlodot peut encore distribuer les sacrements, qui absout l’Église d’avoir, en premier lieu, commissionné un tel homme ?
Tant que le Vatican n’aura pas le courage de s’attaquer à ces questions — non pas par des communiqués de presse, mais par un véritable repentir — son silence restera non seulement assourdissant. Il sera aussi accablant.
Imaginez un homme qui a vu l’extermination des Tutsi non comme une rébellion contre Dieu, mais comme une réaction de la majorité incomprise. N’est-ce pas là un sacrilège du plus haut degré ? Ce n’est pas seulement de l’hypocrisie — c’est théologiquement risible.
Alors pourquoi, dès lors, de Dorlodot est-il encore considéré comme un vecteur de grâce ? Pourquoi l’Église se montre-t-elle à l’aise avec un homme qui a pratiquement canonisé les tueurs ? Pourquoi une âme devrait-elle murmurer un mea culpa à quelqu’un qui a béni le viol de masse au nom de la « représentation de la majorité » ?
Ce ne sont pas des questions inventées par des activistes ou des athées. Ce sont les questions hantées et douloureuses posées par des rescapés du génocide — ceux qui croient encore en Dieu, mais se demandent si son Église croit encore en Lui.
Et peut-être plus accablant encore, l’Église qui prétend garder les mystères sacrés est devenue étrangement silencieuse quand le mystère est de savoir comment quelqu’un comme de Dorlodot ose encore lever un calice.
Si les sacrements doivent avoir un sens, si la confession doit guérir, l’Église doit d’abord confesser sa propre complicité. Jusqu’à ce moment-là, ce confessionnal n’est pas un lieu sacré. C’est le placard d’un complice.
Cette longue tribune n’est pas un appel à comprendre Philippe de Dorlodot. C’est un appel à l’excommunier — de la mémoire, du discours moral, de l’histoire. Que ses paroles soient toutefois enseignées, oui — dans les séminaires, dans les cours d’éthique, dans les programmes d’études sur le génocide — comme exemples de la manière dont le mal arrive souvent non pas avec une épée, mais avec un sermon.
Qu’elles soient inscrites dans les programmes moraux, sous le chapitre : « Quand la théologie a perdu son Dieu. » Et que le Vatican se souvienne : le silence face à une telle hérésie n’est pas neutralité. C’est de la complicité, bénie en latin.
Je suppose qu’il n’y a pas de place dans l’Église du Christ pour ceux qui considèrent le génocide comme une erreur politique. Pas de sanctuaire pour ceux qui pleurent l’avancée de l’islam, mais pas les bébés fracassés contre les murs des églises. Pas de pardon sans vérité. Pas de théologie sans justice. Pas de sacrement sans solidarité.
Et la vérité est celle-ci : Philippe de Dorlodot n’a pas mal compris le génocide. Il n’a pas mal lu l’horreur. Il a simplement choisi le camp de ceux qui tenaient les machettes. De sa plume, il les a affûtées. De son col ecclésiastique, il les a dignifiées. Et avec l’Église derrière lui, il pensait que personne ne le dénoncerait. Aujourd’hui, nous, survivants, le faisons.

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