Une telle abdication morale conduit inéluctablement à une double déchéance : le bourreau ne vous accorde jamais sa confiance, conscient de l’instrumentalisation dont vous faites l’objet, tandis que les vôtres vous vouent à l’opprobre et à la malédiction.
C’est à l’aune de cette vérité implacable que doivent être examinées les prises de position de certains Banyamulenge, dont le ministre Alexis Gisaro, ainsi que MM. Enock Ruberengabo et Jean Schohier Muhamiriza. Leurs déclarations véhémentes contre le Rwanda suffiraient-elles, par quelque magie politique, à effacer les persécutions systématiques et documentées auxquelles la communauté banyamulenge est confrontée en République démocratique du Congo ?
L’inconséquence sélective face aux voix internationales
L’argument central avancé selon lequel le Rwanda n’aurait reçu aucun mandat pour évoquer la question banyamulenge se révèle, à l’examen, d’une incohérence manifeste. Car jamais ces mêmes acteurs n’ont récusé la légitimité de figures africaines majeures ayant, bien avant Kigali, dénoncé la persécution des Banyamulenge.
Le président ougandais Yoweri Museveni, l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki, ou encore Mwalimu Julius Nyerere, figure tutélaire de la Tanzanie indépendante, ont publiquement plaidé cette cause sans que nul ne leur oppose l’argument commode de l’absence de mandat.
Plus récemment encore, le président kényan William Ruto a souligné le caractère interne du problème du M23, reconnaissant implicitement la dimension congolaise du drame. Là encore, aucun démenti tonitruant, aucune indignation sur la prétendue illégitimité de ces prises de parole. Cette indignation à géométrie variable trahit moins un attachement au principe de souveraineté qu’une volonté politique de cibler un seul acteur, au mépris de la constance historique des faits.
La responsabilité écrasante de l’État congolais
Face à cette focalisation artificielle sur le Rwanda, une question centrale demeure obstinément sans réponse : où était et où est encore l’État congolais lorsque les Banyamulenge étaient attaqués, chassés, massacrés ou assiégés ?
Pourquoi le gouvernement de Kinshasa n’a-t-il pas protégé cette population contre les exactions répétées des Mai-Maï, de Red-Tabara et d’autres groupes armés ? Pourquoi, sous le commandement du général Masunzu Pacifique, les Hauts-Plateaux sont-ils restés le théâtre d’attaques impunies ?
Les faits sont têtus : bombardements indiscriminés de villages de Minembwe, détentions arbitraires ciblées à Kinshasa sur la base du faciès, discours de haine tolérés voire encouragés, transformation de milices en prétendues « forces de réserve » (Wazalendo), pillage massif de centaines de milliers de têtes de bétail, mise en siège prolongée de villages entiers assimilables à des camps à ciel ouvert.
A chaque étape, la chaîne de responsabilité renvoie d’abord et avant tout aux autorités congolaises, non à un acteur extérieur.
La norme internationale de la responsabilité de protéger (R2P) est sans équivoque : le devoir primordial d’un État est de protéger ses citoyens. Lorsqu’il échoue gravement ou pire, lorsqu’il devient lui-même l’auteur des violences, il perd de facto sa légitimité morale et politique.
La RDC ne se contente pas de faillir à cette obligation ; elle est accusée d’avoir participé activement à la persécution de ses propres citoyens. C’est ce vide moral et sécuritaire qui ouvre mécaniquement la voie à des prises de parole extérieures.
Réduire le débat à une querelle de mandat, tout en reconnaissant implicitement l’existence des persécutions, revient à détourner le regard de l’essentiel : la souffrance d’une population abandonnée par l’État censé la protéger.
Ni l’invective ni la dénégation ne sauraient effacer des décennies de faits, de textes juridiques discriminatoires et de violences répétées. L’histoire enseigne toutefois que la duplicité finit toujours par se heurter au mur du réel. Tôt ou tard, la justice reprend ses droits, et les causes fondées sur la vérité et la dignité humaine finissent par l’emporter sur les calculs cyniques et les reniements intéressés.
La cause banyamulenge, parce qu’elle est juste, survivra à ceux qui tentent de la sacrifier sur l’autel des convenances politiques.














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