Violences post-électorales au Cameroun

Redigé par Tite Gatabazi
Le 27 octobre 2025 à 02:56

Depuis plus de quarante-trois années, Paul Biya, aujourd’hui âgé de 92 ans, règne sur le Cameroun avec une permanence institutionnelle quasi absolue.

Ce pouvoir prolongé, caractérisé par de longues absences du territoire national et un éloignement progressif des réalités quotidiennes des populations, a laissé le pays à la merci d’un État affaibli, gangrené par une corruption endémique et une bureaucratie déliquescente.

Le Cameroun, autrefois considéré comme un des pivots de stabilité en Afrique centrale, se meurt désormais à vue d’œil, ses institutions vidées de toute substance, sa société civile marginalisée et ses infrastructures vitales en délabrement.

Ce lundi, alors que le Conseil constitutionnel s’apprête à proclamer les résultats définitifs de la présidentielle, la tension est à son comble. Le week-end écoulé à Douala a été marqué par un bilan tragique : quatre personnes ont perdu la vie lors de manifestations en soutien à l’opposant Issa Tchiroma Bakary, président du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC), qui s’est autoproclamé vainqueur, revendiquant 54,8 % des suffrages contre 31,3 % pour le président sortant selon ses propres décomptes.

À Douala, les affrontements ont opposé manifestants et forces de sécurité, transformant la ville en un théâtre de violences urbaines. Le gouverneur de la région du Littoral, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, a rapporté que plusieurs agents de sécurité avaient été blessés et que quatre manifestants avaient été tués, accusant ces derniers d’avoir attaqué la brigade de gendarmerie de Nkoulouloun et plusieurs commissariats.

Les manifestants, pour leur part, ont exposé des douilles de balles ramassées sur les lieux, affirmant que les tirs « à balles réelles » avaient commencé après l’usage de gaz lacrymogènes, entraînant la mort de plusieurs personnes devant leurs yeux.

Les autorités ont dénoncé ces rassemblements comme un « projet insurrectionnel », rappelant que les manifestations avaient été strictement interdites et que la circulation avait été restreinte dans plusieurs villes du pays.

A Yaoundé et à Garoua, fief de Tchiroma dans le Nord, des manifestations ont également été dispersées par la force. Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a souligné que ces appels à manifester avaient pour effet de créer « incontestablement les conditions d’une crise sécuritaire » et participaient à ce qu’il a qualifié de plan insurrectionnel prémédité.

Cette présidentielle intervient quinze jours après le scrutin, conformément au calendrier électoral camerounais, après examen des recours, tous rejetés par le Conseil constitutionnel, institution réputée proche du président Biya. Ce même conseil avait en août 2018 invalidé la candidature de Maurice Kamto, arrivé deuxième lors du scrutin précédent, malgré sa proclamation de victoire.

Au-delà des chiffres et des résultats officiels, cette élection illustre la crise profonde d’une démocratie capturée par un pouvoir personnel, où la longévité de Biya a institutionnalisé le verrouillage politique et engendré un déséquilibre structurel qui fragilise l’État et accentue la défiance des populations.

La combinaison d’un pouvoir quasi monarchique, d’une corruption systémique et d’une répression des voix dissidentes fait peser sur le pays une incertitude politique lourde, dans un contexte où la société camerounaise demeure de plus en plus fracturée et vulnérable.

Depuis 43 ans, Paul Biya règne sur le Cameroun avec une permanence institutionnelle quasi absolue

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