Ces commentateurs, prompts à distribuer les leçons, excellent surtout dans l’art de construire un récit préfabriqué, taillé pour flatter les émotions plutôt que pour éclairer les faits. Leurs déclarations, souvent déconnectées du vécu local, ne reflètent qu’une vision superficielle d’un conflit d’une complexité extrême.
Prenons Goma, devenue le symbole de toutes les manipulations narratives. On y décrit, depuis Kinshasa ou l’étranger, une ville transformée en “cage à ciel ouvert”, où les Congolais seraient “pris en otage” par le Rwanda. Or, quiconque s’y rend constate une réalité bien différente : les écoles accueillent les élèves, les marchés bruissent d’activité, les motos-taxis sillonnent les rues, et les habitants, malgré les difficultés économiques provoquées par la fermeture des banques et la contraction du commerce, continuent de travailler, d’échanger, de voyager. Chaque jour, des bus quittent la ville vers Bukavu ou Kisangani, tandis que d’autres franchissent sans heurts la frontière rwandaise, direction Gisenyi ou Kigali, d’où les voyageurs s’envolent vers d’autres continents.
Cette vie qui persiste ne nie pas les souffrances, mais elle démontre le mythe d’une ville assiégée. Ce que certains appellent “résistance patriotique” ressemble de plus en plus à une bataille de communication, où l’objectif n’est pas de dire la vérité, mais d’imposer un récit. La guerre, désormais, se joue aussi sur le terrain symbolique : celui des mots, des images, et des émotions.
Dans cette guerre narrative, la responsabilité du pouvoir congolais est rarement interrogée. Kinshasa, en se retranchant derrière l’argument de “l’agression étrangère”, esquive des questions essentielles : pourquoi l’armée nationale reste-t-elle minée par l’indiscipline et la corruption ? Pourquoi les autorités continuent-elles de collaborer avec des milices locales ou des forces résiduelles des FDLR, pourtant accusées de crimes contre les civils ? À force de désigner l’extérieur comme unique responsable, le pays s’interdit toute introspection.
Pendant ce temps, sur le terrain, les habitants de l’Est, eux, voient clair. Ils savent que la situation ne se résume pas à une opposition simpliste entre “envahisseur” et “victime”. Ils savent aussi que les discours enflammés de la capitale ne résolvent rien, et que la paix durable ne viendra ni des tribunes politisées, ni des campagnes de haine, mais d’une compréhension pragmatique des dynamiques locales.
Ce fossé entre la perception médiatique et la réalité vécue illustre la crise de lucidité qui frappe une partie des élites congolaises. Tant que la RDC continuera à substituer le récit à l’analyse, la victimisation à la responsabilité, l’Est du pays demeurera captif non pas d’une puissance étrangère, mais des illusions entretenues par ceux qui préfèrent les slogans à la vérité.
En somme, décrire l’Est du Congo sans y être allé, c’est prétendre comprendre un volcan sans jamais avoir senti sa chaleur. On peut en parler avec passion, mais rarement avec précision.














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