la manipulation du concept de terrorisme : un enjeu politique et éthique dans l’Est de la RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 22 janvier 2025 à 05:36

Le terrorisme constitue une menace mondiale dont la définition et la perception sont définis par les nations unies. Dans la région des Grands Lacs, marquée par des conflits prolongés, l’étiquetage des groupes armés comme organisations terroristes suscite des interrogations sur la légitimité et les motivations sous-jacentes de certains gouvernements.

L’exemple du gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC), qui semble délibérément détourner l’attention de la menace que représentent les Forces démocratiques alliées (ADF) et les FDLR pour cibler le M23, met en lumière une stratégie de diversion aux conséquences graves pour la sécurité et la paix.

L’instrumentalisation politique du concept de terrorisme

Le terrorisme est souvent défini comme l’usage de la violence pour des fins politiques ou idéologiques. En RDC, les ADF et les FDLR, responsables de massacres de masse et de violations systématique des droits humains, représentent une menace véritable et documentée. Pourtant, le gouvernement congolais semble concentrer ses efforts sur le M23, un groupe armé dont les revendications trouvent leurs racines dans la protection des populations tutsi congolaises marginalisées.

Ce choix peut s’expliquer par une stratégie visant à discréditer un adversaire politique tout en évitant de traiter les causes profondes de l’insécurité dans l’Est de la RDC, telles que l’absence de gouvernance efficace, la corruption et le manque de capacités des forces armées nationales.

Le gouvernement congolais, en désignant le M23 comme une organisation terroriste, orchestre habilement une stratégie visant à détourner l’attention de ses propres carences structurelles et institutionnelles. Cette rhétorique, bien que politiquement avantageuse à court terme, traduit une volonté manifeste d’éluder les responsabilités inhérentes à l’instabilité chronique qui gangrène la région. En s’appuyant sur un narratif simpliste et binaire, les autorités projettent l’image d’une menace exogène tout en occultant les failles internes, telles que la corruption endémique, la gouvernance défaillante et l’incapacité à garantir une sécurité effective à ses citoyens.

Ce discours alarmiste trouve écho auprès d’une communauté internationale dont la posture oscille entre une cécité stratégique et un silence complice, témoignant d’une préférence pour des solutions superficielles plutôt qu’une analyse approfondie des causes sous- jacentes.

Ce silence coupable de la part des acteurs internationaux, bien informés des réalités locales, constitue une double peine pour les populations affectées. D’une part, il cautionne implicitement une gouvernance inadéquate et un recours à des stratégies de diversion, qui aggravent les tensions intercommunautaires et régionales.

D’autre part, cette myopie volontaire nourrit un cycle de dépendance et d’ingérence, où les véritables enjeux – tels que la redistribution équitable des ressources naturelles, la réforme du secteur sécuritaire ou encore la réconciliation nationale – sont relégués au second plan. La diabolisation du M23 devient ainsi un écran de fumée, dissimulant les responsabilités partagées et renforçant l’impasse politique, tandis que les cris d’alarme des victimes restent noyés dans l’indifférence générale.

Les écrans de fumée et les collaborations douteuses

Parallèlement à cette diversion, il est également nécessaire de questionner la proximité entre certaines institutions de l’État congolais et des groupes armés, y compris ceux qualifiés de terroristes. Des rapports d’experts des Nations Unies ont révélé des cas où des responsables gouvernementaux ont fourni un soutien logistique et financier à des milices locales pour asseoir leur influence dans la région. Cette complaisance alimente une dynamique conflictuelle et contribue à la délégitimation des efforts de lutte contre le terrorisme.

En outre, cette hypocrisie affaiblit la capacité de la communauté internationale à distinguer les groupes qui représentent une menace réelle de ceux qui sont étiquetés à des fins stratégiques. Lorsque les États exploitent la notion de terrorisme pour justifier des actions militaires ou obtenir des ressources extérieures, ils créent un précédent dangereux qui compromet la stabilité régionale.

Les responsabilités du Conseil de sécurité des Nations Unies

Face à ces dérives, le Conseil de sécurité des Nations Unies a un rôle crucial à jouer. Toutefois, sa vigilance laisse parfois à désirer. L’absence d’une analyse approfondie des dynamiques locales et la tendance à se fier aux informations fournies par les gouvernements contribuent à l’adoption de résolutions ou de sanctions inadaptées.

Le Conseil de sécurité devrait établir des mécanismes plus rigoureux pour vérifier les allégations de terrorisme avant de labéliser des groupes.

L’absence de vigilance dans la mise en œuvre des initiatives de paix ne se limite pas à réduire leur efficacité opérationnelle, elle sape également la perception de l’Organisation des Nations unies comme un arbitre impartial et digne de confiance. Lorsque des décisions perçues comme arbitraires ou biaisées émergent, elles alimentent l’idée d’un "deux poids, deux mesures," notamment dans la gestion des crises internationales.

L’ONU, censée incarner un idéal universel de justice et d’équité, se retrouve critiquée pour privilégier les intérêts des puissances dominantes au détriment des nations vulnérables. Ce favoritisme apparent crée un profond sentiment de méfiance, exacerbant les tensions dans les régions affectées par les conflits et entravant tout effort de médiation neutre.

Ce déséquilibre perçu ternit davantage l’image de l’ONU auprès des opinions publiques mondiales. Dans un contexte où l’information circule rapidement et où les citoyens deviennent de plus en plus critiques, les incohérences dans l’action onusienne sont rapidement exposées et dénoncées. La perception d’une organisation incapable de garantir une justice équitable affaiblit son autorité morale et politique, réduisant son influence sur la scène internationale. Une telle dégradation de son image fragilise sa capacité à mobiliser les États membres et à convaincre les populations locales d’adhérer aux processus de paix qu’elle promeut, compromettant ainsi la pérennité de ses interventions.

La désignation des groupes terroristes dans l’Est de la RDC illustre les enjeux complexes de l’utilisation politique du concept de terrorisme. La tendance du gouvernement congolais à ériger des écrans de fumée pour détourner l’attention de ses carences internes est symptomatique d’une stratégie politique à courte vue, qui aggrave davantage les fractures nationales. Plutôt que de s’atteler à résoudre les véritables défis socio-politiques et économiques, cette approche consiste à externaliser les responsabilités et à multiplier les diversions.

Cette fuite en avant met en exergue une classe dirigeante qui semble davantage préoccupée par la préservation de ses privilèges que par la quête d’une gouvernance inclusive et efficace. Les partis politiques, les organisations de la société civile et même les églises influentes, se dressent désormais contre ce statu quo, dénonçant un immobilisme qui nourrit l’instabilité politique et économique.

Cette situation interne délétère, caractérisée par une méfiance généralisée et un effritement du contrat social, rend le pays vulnérable aux ingérences extérieures et complique davantage les perspectives de paix durable.

Dans une perspective régionale, ce déni de responsabilité interne est d’autant plus inquiétant qu’il s’inscrit dans un contexte où certains États cautionnent implicitement, voire explicitement, ces manœuvres dilatoires. Par leurs soutiens diplomatiques, économiques ou stratégiques, ces acteurs externes légitiment indirectement une gouvernance défaillante, compromettant ainsi les efforts de pacification régionale. Ce jeu d’alliances, souvent dicté par des intérêts géopolitiques et économiques, se fait au mépris des aspirations profondes des populations locales pour la paix et la stabilité.

En évitant de confronter les vrais problèmes et en privilégiant des politiques superficielles, le gouvernement congolais et ses soutiens perpétuent une instabilité chronique qui érode non seulement les bases du développement national, mais aussi celles de la coopération régionale, rendant toute solution durable de plus en plus illusoire.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies, quant à lui, doit assumer pleinement ses responsabilités en veillant à ce que ses décisions soient fondées sur des analyses impartiales et rigoureuses. Dans ce contexte, une action concertée, éclairée et éthique demeure essentielle pour restaurer la confiance et promouvoir une paix durable dans cette région tourmentée.

Le terrorisme constitue une menace mondiale dont la définition et la perception sont définis par les nations unies.

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