C’est ce qui s’appelle gouverner par défi : minimisant la portée des manifestations qui enflamment Bujumbura depuis treize jours, le président du Burundi Pierre Nkurunziza a été le premier à déposer officiellement sa candidature.
Il se confirme donc qu’en dépit des pressions internationales, le chef de l’Etat entend se présenter pour une deuxième fois au suffrage universel direct et exercer pour une troisième fois la fonction présidentielle, en dépit de l’esprit des accords d’Arusha qui limitent à deux le nombre de mandats autorisés.
En outre, il se confirme que la date du scrutin, fixée au 26 juin prochain, ne sera pas modifiée et cela alors qu’un glissement de calendrier aurait permis à toutes les parties de sortir de la crise sans perdre la face.
En effet, la présidente de l’Union africaine Mme Dlamini Zuma ayant déclaré que le climat actuel n’était pas propice à ce que des élections se tiennent aux dates prévues, la rumeur d’un accord imminent a fait frémir Bujumbura : il aurait été prévu de renvoyer un règlement plus général de la crise à un sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est (Rwanda, Burundi, Tanzanie, Kenya, Ouganda) et de postposer les scrutins à venir (des élections législatives et communales doivent se tenir le 26 mai prochain).
Cette sortie de crise s’est rapidement transformée en impasse : les opposants ont refusé de confier aux chefs d’Etat de la région la responsabilité de trancher la question du mandat présidentiel et le pouvoir s’est appuyé sur l’arrêt favorable de la Cour constitutionnelle (jugée sous l’influence du pouvoir en place)
En outre, le président, déposant sa candidature, a exprimé le fond du malentendu : selon lui, les manifestations se limitent à quelques quartiers de Bujumbura (même si les troubles ont déjà gagné les quartiers plus pauvres de Bujumbura rural) et elles sont le fait de quelques opposants qualifiés de « terroristes », qui mèneraient une « insurrection ».
« Dans le reste du pays les gens vaquent tranquillement à leurs travaux et plus de 99% du territoire est en paix » a-t-il déclaré, malgré le fait que 50.000 citoyens du Burundi aient déjà traversé les frontières congolaise et rwandaise en faisant état de pressions et d’intimidations…
La stratégie du pouvoir est claire : elle mise sur un essoufflement des manifestations en cours et sur le fait que, limitées aux milieux urbains, elles ne s’étendraient pas à l’ensemble du pays. Cette sérénité est d’ores et déjà contredite par les faits.
Alors que la police a tiré à balles réelles sur les manifestants et que des jeunes, appartenant à des camps opposés se sont opposés violemment, les risques de dérapage augmentent de jour en jour : les milices liées au parti au pouvoir, les Imbonerakure, intimident la population mais sont également visés par des actes de vengeance.
Il est déjà arrivé que l’armée doive tirer en l’air pour dégager des jeunes traqués et molestés par une foule en colère, les soupçonnant de faire partie de ces groupes para politiques…
Lors des premiers jours de la crise, le comportement de l’armée a suscité de nombreuses spéculations, car elle apparaissait plus modérée que la police. Force est cependant de constater que les militaires eux aussi sont divisés, le chef d’Etat major et le ministre de la Défense ayant tenu des propos différents.
En outre, cette armée de 20.000 hommes a été elle aussi mixée, de nombreux ex-rebelles (hutus) ayant intégré ses rangs. A l’heure actuelle, près de la moitié de ses effectifs se trouvent déployés, sous la bannière des Nations unies, en Somalie et en Centrafrique et le professionnalisme de ces soldats de la paix est unanimement loué.
Sourd aux pressions de la communauté internationale, insensible aux démonstrations de la rue et même aux mises en garde émanant de ses propres rangs, le président Nkurunziza s’estime en droit de se représenter, mais les risques de dérapage incontrôlé croissent de jour en jour et inquiètent de plus en plus les pays voisins, Rwanda et Congo, envahis par les réfugiés et risquant d’être aspirés dans la crise.
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