00:00:00 Nos sites KINYARWANDA ENGLISH FRANCAIS

Urgent

Du Rapport Quilès (1998) au Duclert (2021) : ici on fuit, là on atténue la complicité des officiels français dans le Génocide contre les Tutsi

Redigé par Jovin Ndayishimiye
Le 30 mars 2021 à 11:44

Le Rapport Duclert commandé par la Présidence de la République française vient d’être publié ce 27 mars 2021. Les chercheurs qui y ont travaillé sont des historiens de renom mandatés par l’Etat français. Ils font des conclusions montrant que les dirigeants et militaires français de 1994 se sont impliqués sérieusement dans le génocide des Tutsi du Rwanda de 1994. Les chercheurs parlent de « lourdes et accablantes responsabilités » des dirigeants et militaires haut gradés français dans le génocide des Tutsi de 1994.

Un jeune homme macheté... Mitterrand, sans sa cécité géopolitique de la région, aurait pu éviter d'un geste de son doigt, ce drame

Un rapport Quilès publié au moment où la France donne résidence aux génocidaires

Il y a une légère avancée depuis le rapport Quilès rédigé en 1998 après une Mission d’Information Parlementaire sur le Rwanda décidée par l’Assemblée Nationale française à la suite des média et autres associations de la société civile français qui tempêtaient et accusaient le Gouvernement Mitterrand et autres Juppé, Védrine et compagnie d’avoir livré les Tutsi à l’abattoir des féroces Interahamwe dûment entraînés et formés par les Militaires français entre 1991 et 1993.

Le Rapport de cette Mission ne pouvait que conclure à la non implication de la France « dans ce déchaînement de violences ». Ce rapport exonérait les officiels français qui n’ont pas « su tenir compte des spécificités d’un pays que nous connaissions mal. Nous sommes intervenus dans un pays que nous croyions connaître, mais qui en réalité nous était beaucoup plus étranger que nous le soupçonnions. »

Le rapport Quilès était parfaitement biaisé au point qu’il n’a même pas tenu compte des déclarations scandaleuses de Mitterrand qui, après avoir aidé à consommer ce génocide des Tutsi, trouvait que le génocide dans cette partie-la du monde n’était pas important.

Ecrivain Pierre Graner, un grand critique du rapport Duclert

Des points positifs le Rapport Duclert, des éléments nouveaux ?
Un chercheur écrivain et membre de l’Association Survie France qui lutte contre les injustices et les génocides n’y trouve pas grand-chose de nouveau. Au contraire. Pour lui, beaucoup d’actes criminels posés par le gouvernement Mitterrand et évoqués dans le Rapport Quilès (Mission d’Information Parlementaire sur le Rwanda de 1998) ne sont pas suffisamment soulignés dans le présent rapport Duclert.

« Ce rapport Duclert offre un contenu à première vue très délayé, mais conclut à une « responsabilité accablante » pour la France. Il manque néanmoins dans ce rapport des éléments essentiels. Rien sur le soutien indirect de l’Elysée aux forces génocidaires. Rien sur la présence de militaires et de mercenaires français au Rwanda pendant le génocide. Pourtant déjà documentée. Rien sur les livraisons d’armes durant cette même période. Rien sur le fait que les forces armées rwandaises, impliquées dans le génocide puis repliées en juillet dans une zone sous contrôle français, s’en servent comme d’une base pour continuer à combattre », rapporte Libération de ce 28 mars citant le Chercheur français Pierre Graner.

Des analystes politiques d’horizons divers trouvent que ce rapport Duclert est destiné à la consommation diplomatique.

« C’est juste pour se frayer un chemin passable pour les deux parties, rwandaise et française, vers le dégel et le réchauffement des relations franco rwandaises », disent-ils.

Un juriste belgo rwandais interrogé reste sur sa soif. Certes, il ne s’attendait pas à un effort appréciable de cette Commission d’Historiens qui devaient et ont rendu une œuvre de commande de la Présidence de la République française. Mais il trouve gênant les qualificatifs utilisés par les rédacteurs dudit rapport pour désalourdir le poids des faits graves accusant les responsables français de l’époque commis au Rwanda au cours et même un peu avant le génocide commis contre les Tutsi de 1994.

Président Juvénal Habyarimana (Rwanda) ami intime d'un Mitterrand qui met le paquet de moyens normaux et criminels croyant devoir contrer le FPR et ses velleités anglosaxonnes sur le Rwanda : Une analyse étriquée

« Responsabilité accablante et non Complicité… Mais c’est un jeu de mots !
Cela traduit le malaise de ces experts historiens qui visitaient les archives. Cela se traduit par les termes qu’ils ont utilisé de « responsabilité accablante », d’ « aveuglement » des hauts officiels français à la tête desquels le Président Mitterrand qui tenaient au Gouvernement Habyarimana de l’époque.

Mais une responsabilité revient à répondre de l’action qu’on a engagée, de ce qu’on a fait et ce qu’on n’a pas fait. Les termes que ces chercheurs utilisent montrent que ces derniers savent parfaitement la tendance de celui qui a commandé et financé cette recherche. ’Aveuglement’ ? Mais le Gouvernement ne peut pas être aveuglé. Les Mitterrand ont pris des décisions. Peut être, et là j’insiste sur ‘peut-être’ sans en être convaincu, ils ne s’imaginaient pas qu’on aboutirait à un Génocide. Et puis les alertes étaient régulièrement lancées depuis 1990 dans toutes les chancelleries en poste à Kigali. Les officiels français en premier autant que les autres diplomates savaient que le régime Habyarimana éliminait des Tutsi. Ils savaient que les Tutsi étaient exposés depuis 1990 ; ceux qu’ils ont appelés les Complices des Inyenzi.

Est-ce un aveuglement ou plutôt un acte criminel prémédité montrant une absence criante d’humanité. Entre 1990 et 1992, j’ai vu des Français sur les barrières pour rafler les Tutsi.

Nous savons ce qui s’est passé à Bisesero à l’Ouest du pays où 2.000 tutsi sont tombés sous le feu nourri des Interahamwe alors que les militaires de la Turquoise n’étaient pas du tout loin. Les décideurs français ont livré des armes utilisées pour tuer les Tutsi. Allons, allons ! Et l’on n’y voit aucune complicité française dans le génocide. Les Chercheurs du Rapport, sur ce point impliquant l’armée française, y sont allés comme s’ils roulaient sur les œufs. Bouche cousue ! Pas même question d’évoquer la clause de non assistance à peuple ou groupe humain en danger de génocide.

L'équipe de chercheurs qui ont fait deux ans de recherche et d'écriture du rapport au goût de l'Elysée

En termes de responsabilité, même si c’est du business, on ne peut pas vendre des armes à tel quand on sait que c’est pour tuer les gens de tous les coins du pays. Or c’est ce qui s’est passé au Rwanda d’Avril-Juin 1994 avec les Paul Barril », a confié ce juriste visiblement révolté par l’écriture timide de ce rapport qui ne sait pas pointer du doigt et qualifier comme il faut les actes posés et les manquements criminels du Cercle Mitterrandien constatés avant et pendant le génocide des Tutsi.

« Pour moi, franchement, ce rapport Duclert servira à autre chose que la justice. Les associations de défense des droits des rescapés du génocide des Tutsi de 1994 auront beau tempêter, aucune haute personnalité politique ou militaire française impliquée dans le génocide des Tutsi ne sera déférée devant la justice française. Et puis, même au cas où, par miracle, elle comparaissait, aucun juge français ne pourra la condamner », a-t-il ajouté.

Un rapport Duclert servant les intérêts politiques du moment
M. Joseph Mutaboba, ancien Secrétaire Général au Ministère rwandais de l’Intérieur, ambassadeur puis Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Guinée, trouve que le Président Emmanuel Macron qui a commandé ce travail ne peut pas aller plus loin.

Ambass. Joseph Mutaboba, à gauche, avec le Secrétaire Général de l'ONU Ban KiMoon

« En justice et en politique on essaye de contourner les poursuites judiciaires légales pour épargner les survivants de l’équipe Mitterrand et les officiers militaires impliqués. Certains documents ont été subtilement volatilisés.... Des personnalités politiques françaises sont concernées. Politiquement la France va demander pardon pour leurs erreurs graves et il s’arrêtera là », a confié au journal IGIHE, ce politicien et diplomate de carrière à la retraite.

Il trouve que les démarches diplomatiques du Rwanda sont ténues.
« Le Rwanda voudra engager des poursuites judiciaires vis à vis les personnalités individuelles, des gens comme Hubert Védrine qui étaient très proches de feu le Président Mitterrand, des personnalités qui auraient pu avoir éclairé l’opinion publique en vue d’orienter les décisions prises par Mitterrand mais n’ont pas bougé dans la bonne direction », a-t-il ajouté trouvant que ces anciens dignitaires y compris les généraux ont encore pignon sur rue à Paris et font des déclarations farfelues, histoire de couvrir leurs crimes passés.

De timides avancées ?

Me Richard Gisagara, avocat de la Communauté Rwandaise de France, déclare avoir accueilli le rapport avec satisfaction mais avec des réserves sur une partie de ses conclusions. Lui aussi trouve que la question de complicité de génocide de la part de certains responsables français de l’époque a été éludée.

Me Richard Gisagara

Il se réjouit du fait que « C’est la première fois qu’un rapport officiel français reconnaît que la France a soutenu de bout en bout le régime génocidaire et reconnaît une responsabilité qualifiée de grave et accablante dans le génocide commis contre les tutsi. Le rapport donne des éléments qui peuvent être discutés devant la justice afin de savoir s’il y a eu ou pas complicité de génocide, au sens juridique du terme, de la part de certaines personnalités politiques. Si la qualification de complicité est retenue, il y aura condamnation pénale », a-t-il dit, trouvant que « ce rapport est un grand pas et un début de vérité sur les responsabilités françaises dans le génocide commis contre les Tutsi au Rwanda de 1994. Il appartient à la société civile de s’en saisir et d’en tirer les conséquences nécessaires ».

Pour lui, " Ce rapport est destiné d’abord au public français. Celui-ci exige aussi des explications sur ce que le Gouvernement Mitterrand a fait au Rwanda de 1990 à 1994. Reste à voir si la France actuelle va avancer vers un réchauffement des relations avec le Rwanda et penser et concrétiser des programmes d’appui aux survivants du Génocide contre les Tutsi de 1994 ». a-t-il ajouté.

Un Fonds de réparation des droits des survivants ?
Des observateurs avisés trouvent que la société civile proche du Collectif IBUKA d’ Associations de Survivants du Génocide des Tutsi de 1994 doit être très active dans la suggestion au Gouvernement rwandais de programmes scientifiquement étudiés pour la reprise de la dignité des rares survivants du génocide et de stratégies d’éradication totale du négationnisme du génocide.

« Comment exploiter au profit de l’amélioration des conditions de vie des survivants du génocide tutsi les excuses belges présentées en 2000 par l’ancien Premier Ministre belge Guy Verhofstaad, le regret public de 1995 de l’Ex-Secrétaire Général de l’ONU Koffi Annan pour avoir retiré les Casques Bleus du Rwanda aux temps forts du Génocide et ne pas avoir secouru les Tutsi en danger de Génocide en 1994 et les responsabilités accablantes des dirigeants français de ces tristes temps-là ? C’est un devoir qui ne doit pas donner un repos aux activistes des droits des rescapés du génocide des Tutsi qui se meurent actuellement dans un dénuement de tout le nécessaire pour vivre y compris le fait d’être esseulés », a dit un délégué local d’IBUKA trouvant que l’idée d’un Fonds de Réparation des Droits des Rescapés du Génocide peut être pensée et mise sur les rails. C’est maintenant ou jamais, a-t-il ajouté convaincu que le Gouvernement rwandais pourra comprendre ce combat pour la survie des rescapés. Le Gouvernement rwandais, quant à lui, pense autre chose.
« Le Rwanda actuel est intéressé à voir la France opérer un tournant ferme dans sa position et arriver à traîner en justice toutes ces anciennes personnalités rwandaises du temps du génocide exfiltrées par la France et qui tempêtent et animent à n’en plus finir l’idéologie du négationnisme du génocide. Histoire de se couvrir. Un sursis pour elles », a confié à IGIHE un ancien ministre rwandais à la retraite. Il sait ce qu’il dit et il a confiance en la calme capacité de négociation et sagesse de son ancien patron Paul Kagame.


Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité