L’alerte a été formellement émise par le commandement de la 11e brigade des FARDC, dans un communiqué officiel consulté ce dimanche 18 mai par Radio Okapi. Dans une dépêche adressée aux chefs d’unités de la zone, le haut commandement appelle expressément à l’interpellation immédiate du colonel incriminé, enjoignant toute autorité compétente à le remettre à l’Auditorat militaire le plus proche. Le document précise que cette défection a été constatée peu avant le déclenchement des opérations de paiement de la solde.
Ce nouveau scandale, loin d’être isolé, s’inscrit dans une longue série de malversations financières qui gangrènent l’appareil militaire congolais. Il semble que le détournement de fonds, même dans des contextes de guerre où chaque franc pourrait sauver une vie, soit devenu une pratique tolérée, presque institutionnalisée, relevant davantage de l’habitude que de l’exception.
Le contexte n’en est que plus dramatique : les FARDC livrent actuellement des combats acharnés contre les éléments armés Wazalendo à Uvira et le environs. Ces affrontements, d’une intensité croissante, se déroulent notamment aux abords de Bukavu, capitale provinciale du Sud-Kivu, aujourd’hui tombée sous le joug de l’AFC/M23 avec d’autres localités environnantes. Interrogé sur la situation, le porte-parole des opérations Sokola Sud a confirmé les faits, se gardant toutefois d’entrer dans les détails.
Il y a quelques jours à peine, en mission à Uvira, le chef d’État-major général des FARDC saluait la résilience des forces armées et des autorités locales face à l’avancée des rebelles. Ce discours de félicitation paraît désormais en décalage criant avec la réalité du terrain, où l’indiscipline financière sape les fondements de la cohésion militaire.
Le pillage en uniforme : chronique d’un effondrement moral
Il est des révélations qui, loin de surprendre, confirment tragiquement l’état d’agonie morale dans lequel s’enfonce l’institution militaire congolaise. Le détournement, au Sud-Kivu, de la solde des soldats engagés sur le front, par l’un de leurs propres officiers supérieurs, jette une lumière crue sur l’incurie institutionnelle qui gangrène les FARDC.
Qu’un colonel, investi du commandement et détenteur d’une confiance hiérarchique, puisse prendre la fuite avec les émoluments destinés à ceux qui affrontent la mort au quotidien, cela témoigne d’une rupture radicale du pacte militaire. Ce n’est plus seulement un abus de pouvoir : c’est une trahison manifeste, un parjure institutionnalisé, la consécration d’un mépris souverain pour la dignité du soldat.
Le drame est double : il est d’abord humain, car derrière chaque solde non versée se trouve un combattant abandonné, une famille affamée, un moral sapé. Mais il est aussi stratégique : on ne gagne pas la guerre avec des soldats humiliés, on ne défend pas la patrie avec des hommes trahis dans leurs droits les plus élémentaires.
Que valent les appels à la résistance du haut commandement, lorsque dans les coulisses, ceux-là mêmes qui devraient incarner l’éthique du service public se comportent en prédateurs de l’effort national ?
Ce scandale, loin d’être isolé, révèle une pathologie systémique : une armée dont les mécanismes internes sont rongés par la corruption et la vénalité, et où le sens de l’honneur semble céder la place à un cynisme d’apparatchiks en uniforme. La banalisation de tels actes consacre non seulement l’échec de l’autorité, mais aussi la faillite de toute politique de redressement militaire.
Mais les faits démontrent, hélas, que la guerre n’a pas seulement lieu sur le champ de bataille : elle se livre aussi au sein même des institutions, où les plus vils intérêts prospèrent à l’ombre du silence et de l’impunité.
Le pillage de la solde des combattants n’est pas un simple fait divers : c’est un acte de sabotage intérieur, une défaite avant même l’affrontement. Il est plus que temps que la République regarde en face ces failles abyssales et engage, avec une sévérité sans équivoque, une refondation de son appareil militaire. Sans quoi, ni victoire ni paix ne sauraient être espérées.

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