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Repensons la gouvernance : Pourquoi l’inclusion des jeunes est essentielle pour l’avenir de l’Afrique

Redigé par Fatmata Lovetta Sesay
Le 4 décembre 2024 à 01:50

A l’âge de 15 ans, alors que j’étais encore élève dans une école secondaire en Sierra Leone, j’ai été appelée à exercer des responsabilités de leadership : gérer les assemblées, organiser les élèves, superviser les transitions entre les cours et sonner la cloche, entre autres. Chaque matin, je me tenais devant mes camarades et mes enseignants pour guider l’école dans ses routines quotidiennes. Cette responsabilité apparemment modeste, en tant que préfète/cheffe de classe, m’a appris l’importance de la structure, de la responsabilité et de l’expression dans une communauté. À cette époque, mon pays, la Sierra Leone, se trouvait au bord d’une guerre civile brutale qui allait durer plus d’une décennie, une période où l’implication des jeunes dans la gouvernance était rare, voire inimaginable.

Malgré l’impact considérable des jeunes dans les mouvements de libération de l’Afrique, des décennies plus tard, la gouvernance pilotée par des jeunes demeure marginale dans de nombreux pays. Les politiques sont souvent élaborées sans véritable contribution de leur part. Cela crée un paradoxe dangereux : nous demandons aux jeunes de relever les défis de demain tout en leur refusant une voix dans les solutions d’aujourd’hui. À une époque où les jeunes constituent non seulement la plus grande part de la population, mais aussi la génération la plus connectée numériquement, les exclure des processus de gouvernance revient à sacrifier une source inestimable d’innovation et de potentiel économique. Non seulement c’est une opportunité manquée, mais cela représente également un risque, comme en témoignent les mouvements organisés par les jeunes à travers le continent pour exiger des opportunités plus équitables et une plus grande participation à leur avenir.

Au Kenya, les manifestations nationales contre les hausses d’impôts et la corruption ont mis en lumière la frustration des jeunes. Ces troubles ont conduit à des revendications pour des réformes inclusives. Le gouvernement a répondu par un remaniement ministériel majeur et l’annonce de nouvelles orientations politiques. De même, les manifestations #EndSARS au Nigeria ont révélé des problèmes plus larges de corruption et de gouvernance. Ces actions ont poussé le gouvernement nigérian à dissoudre l’unité spéciale anti-vols (SARS) et à promettre diverses réformes, dont un fonds d’investissement de 70 millions de dollars destiné aux jeunes. En Afrique du Sud, le mouvement #FeesMustFall, porté par des étudiants protestant contre les frais de scolarité élevés, la mauvaise gestion universitaire et l’aide financière limitée, a entraîné l’annulation des hausses de frais prévues et poussé le gouvernement à augmenter les subventions à l’éducation et à élargir l’aide financière aux étudiants issus de milieux modestes.

Une solution exige un engagement sincère : il est impératif de créer des plateformes qui valorisent les perspectives des jeunes, de financer des projets dirigés par eux et de garantir qu’ils participent à la conception des politiques à tous les niveaux, des quartiers jusqu’aux parlements.

Des exemples prometteurs d’inclusion des jeunes offrent des pistes intéressantes. Le Rwanda, où j’ai l’honneur de servir comme Représentante Résidente du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), est exemplaire en la matière. La représentation des jeunes dans le gouvernement y est en pleine expansion, avec plus de 30 000 jeunes siégeant dans des conseils de gouvernance locale à travers les districts, secteurs, cellules et villages, tous élus par le Conseil National de la Jeunesse. Par ailleurs, deux jeunes siègent au Parlement et de nombreux autres occupent des postes clés dans des ministères. Grâce à cette représentation remarquable, les jeunes au Rwanda ont influencé des changements de politiques, notamment pour le sauvetage des enfants des rues, le soutien aux mères adolescentes ou encore l’établissement de limites de vitesse sur les routes.

D’autres approches gagnent en popularité à l’échelle mondiale. Par exemple, les cabinets fantômes pour jeunes, comme celui du Canada, permettent aux jeunes leaders de simuler les processus gouvernementaux. De leur côté, des groupes de réflexion dirigés par des jeunes, tels que UK Youth, permettent à ces derniers de mener des recherches et d’influencer les politiques publiques sur des sujets cruciaux. Il existe également des plateformes numériques comme l’initiative mondiale #Youth4Climate, co-dirigée par le gouvernement italien et le PNUD, qui vise à encourager le leadership des jeunes sur les questions climatiques.

L’autonomisation des jeunes passe aussi par des opportunités économiques. Cela signifie investir dans des entreprises et des initiatives communautaires dirigées par des jeunes, grâce à une collaboration entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile, pour élaborer des politiques de soutien, améliorer l’éducation et mettre en place des cadres réglementaires favorisant l’entrepreneuriat des jeunes.

Repenser les modèles d’emploi est également crucial, car plus de 80 % des travailleurs dans la plupart des pays africains exercent dans le secteur informel. Ce secteur, qui comprend les emplois précaires, les petites entreprises et l’auto-emploi, manque souvent des protections et de la stabilité propres aux emplois formels. Il est nécessaire d’élargir les protections de base, d’améliorer l’inclusion financière, de fournir une formation professionnelle et de renforcer les compétences techniques des entreprises dirigées par des jeunes.

Lorsque les jeunes bénéficient de telles opportunités, ils prospèrent, et leurs communautés avec eux. Par exemple, en Afrique du Sud, des initiatives comme le Youth Employment Service (YES) offrent des formations et des stages, permettant aux jeunes d’acquérir une expérience professionnelle précieuse et de contribuer à l’économie locale. Au Ghana, l’Agenda National pour la Transformation Numérique forme les jeunes aux compétences numériques, ce qui a conduit à une augmentation des startups contribuant au développement économique local.

En réfléchissant à mon parcours, depuis mes débuts comme cheffe de classe adolescente en Sierra Leone jusqu’à mon rôle actuel de Représentante Résidente du PNUD, je mesure le chemin parcouru, mais aussi celui qui reste à faire. Lors du récent Sommet YouthConnekt Africa 2024 à Kigali, l’immense potentiel des jeunes était évident. Si les dirigeants ne créent pas des opportunités significatives de participation pour les jeunes, nous risquons de perdre non seulement des talents individuels, mais aussi l’énergie innovante nécessaire à la transformation de notre continent.

Les jeunes, déjà, dirigent, innovent et exigent le changement à travers l’Afrique. Ceux d’entre nous qui occupent aujourd’hui des positions d’influence doivent reconnaître que la transformation de l’Afrique dépend non seulement de notre volonté de leur faire de la place, mais aussi de notre courage à partager le pouvoir avec eux.

A propos de l’auteure : Fatmata Lovetta Sesay est Représentante Résidente du PNUD au Rwanda. Elle est passionnée par l’avancement des jeunes, l’autonomisation économique des femmes et la conception de politiques durables favorisant un développement inclusif.

Fatmata Lovetta Sesay, la Représentante Résidente du PNUD au Rwanda.

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