Trilinguisme garanti au Rwanda : Le Français logé à mauvaise enseigne

Redigé par Paul Mbaraga
Le 2 avril 2014 à 10:41

Une volonté politique mise dans la promotion de la langue anglaise n’est pas mal venue au Rwanda. Néanmoins cela n’aurait pas dû décourager l’apprentissage d’autres langues prescrites dans la constitution. Nous, les enseignants observons des conséquences négatives de ce courant actuel dans le mode de transmission des connaissances et dans la vie professionnelle.
En effet, les candidats universitaires commencent leur cursus sans des aptitudes langagières suffisantes que ce soit en Anglais ou en (...)

Une volonté politique mise dans la promotion de la langue anglaise n’est pas mal venue au Rwanda. Néanmoins cela n’aurait pas dû décourager l’apprentissage d’autres langues prescrites dans la constitution. Nous, les enseignants observons des conséquences négatives de ce courant actuel dans le mode de transmission des connaissances et dans la vie professionnelle.

En effet, les candidats universitaires commencent leur cursus sans des aptitudes langagières suffisantes que ce soit en Anglais ou en Français. Bien pire, ils éprouvent des difficultés pour l’écriture du Kinyarwanda.

A l’école primaire, l’enfant chante le chiffre TROIS en anglais sans toutefois en faire la correspondance avec le TROIS en Kinyarwanda. Il est vrai que des rectifications sont entrain d’être opérées dans ce sens mais, fallait-il prendre pour cela le temps de chercher pour lire le rapport de l’UNESCO qui précise que les 3 premières années d’apprentissage de l’enfant sont les plus propices pour les aptitudes langagières ?

Nous aurions dû penser de nous-mêmes sur la question de l’apprentissage des langues mais nous avons une habitude médiocre selon laquelle toute directive venue de hautes sphères de prise de décision ne se discutent pas pour contribuer en conseils ou expertise constructifs.

Le chef doit être respecté, cela s’entend. Mais il faut également l’aider à temps à peaufiner ses projets car ne pas le faire cela revient à le tromper et à agir par omission contre ses gouvernés.

Il est triste de constater qu’aucun sénat académique des universités du Rwanda n’a réagi à propos du statut actuel de langue uniquement parlée donné au Français alors qu’il est une langue de créativité et d’inventivité dans les arts et les sciences.

L’on se souviendra des grandes découvertes de l’humanité dans les secteurs de la santé, des mathématiques, de l’agriculture et bien d’autres ont été faites en Français, qu’Anglais et Américains sont partis de ces découvertes pour faire des avancées scientifiques en langue anglaise.

Beaucoup de coopération universitaire entre universités américaines et rwandaises se font. Cela est intéressant. Cependant, il faut savoir que certains rwandais ont appris ou veulent que leurs enfants poursuivent leurs études dans des universités francophones. Qu’une coopération interuniversitaire aille également dans ce sens.

En tant qu’enseignant en journalisme, j’ai demandé en vain que la faculté ait une particularité d’enseigner dans toutes les langues parce que le lauréat de cette faculté est confronté dans sa vie professionnelle au multilinguisme de fait. Pour mes supérieurs « l’apprentissage des cours en anglais est un ordre incontournable », m’ont-ils répété à plusieurs reprises.

Les locuteurs francophones sont aussi nombreux de par le monde et en Afrique. L’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) rayonne pour que le Français ait en diplomatie internationale droit de cité.

Pour cela, il y a lieu de féliciter les hautes autorités du pays pour la décision de garder le membership du Rwanda dans l’OIF. Mais qu’elles continuent sur cette lancée, qu’elles accordent autant de valeur au Français et à l’anglais.

Aucun niveau supérieur de sécurité et de bonnes conditions de vie des citoyens de la région des Grands Lacs ne peut venir d’ailleurs que de la résurgence et du renforcement de la CEPGL (Communauté Economique des Grands Lacs), une communauté qui donne aux citoyens congolais, rwandais d’aller et de venir et de s’installer librement dans la région autant que nous nous attendons à cela pour la CAE (Communauté de l’Afrique de l’Est).

La gestion commune rwando congolaise de la Sécurité de la Région sera réalisée dans la confiance mutuelle entre les dirigeants des deux pays.

Promouvoir une seule langue au détriment d’autres peut être une voie de ségrégation négative favorisant une portion de la population, faisant de l’autre portion francophones des parias alors que cette dernière a la particularité d’avoir appris un anglais moyen sur lequel ils peuvent s’arc bouter pour le promouvoir.

Ils sont nombreux ceux qui se plaignent de ne pas avoir du travail pour cause de non connaissance de l’anglais. L’anglais est exigé dans le recrutement au moment où la connaissance du français est un plus, que sa non connaissance ne peut pas porter à conséquence. Pourtant, ils sont nombreux qui, pour manque d’aptitudes en anglais, ne sont pas élus aux postes d’emploi pour lesquels ils sont très compétents.

Cette pratique, je ne dirais pas qu’il s’agit de directives et volonté politique gouvernementales, mais cela est entré dans les pratiques et mœurs quotidiennes. Nous devrions prévenir à temps les antagonismes qui pourraient naître plus tard. Tous les rwandais d’horizons langagiers différents devraient bénéficier de mêmes chances dans la vie civile.

Le trilinguisme Kinyarwanda-Anglais-Français devrait transparaître dans toutes les correspondances et documents administratifs officiels autant que cela est précisé dans le Journal Officiel.

Il est étonnant de voir l’ORR (Office Rwandais des Recettes) délivrer, écrit uniquement en anglais, un document de permis de ne pas posséder la machine-facturier. Je me suis demandé si tous les contribuables rwandais connaissent cette langue ou alors si parmi eux le plus grand nombre est celui des locuteurs anglais.

La conférence de presse mensuelle du Président de la République, importante car il fait le bilan du pas franchi dans les réalisations nationales, a du mal à passer pour la plupart des téléspectateurs et auditeurs de Radio Rwanda. L’anglais langue de communication y occupe une grande place même pour des questions concernant les citoyens.

L’auteur de cette opinion, longtemps journaliste à Radio Rwanda (avant 1994) puis à Deutsche Welle est un professeur à l’Ecole de Journalisme (Kigali) près l’Université Nationale du Rwanda.

Traduit du Kinyarwanda par Jovin Ndayishimiye


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