Derrière les envolées rhétoriques du gouvernement congolais se cache une lecture foncièrement biaisée du texte, qui tend non seulement à en trahir la lettre, mais surtout à en subvertir l’esprit.
Le tweet explicatif du diplomate américain Amos J. Hochstein Boulos, rédigé dans un registre feutré mais pétri d’implicites, mérite d’être saisi dans toute sa subtilité par quiconque entend décrypter les véritables orientations de la communauté internationale.
Car s’il se garde de toute frontalité, le propos n’en est pas moins limpide pour qui sait lire entre les lignes : La restauration de l’autorité de l’État en République Démocratique du Congo ne saurait, sous aucun prétexte, être confondue avec la simple reconduction du régime en place ni réduite aux préoccupations partisanes d’un pouvoir en quête de légitimité.
Elle renvoie, dans son acception la plus élevée, à l’émergence d’un État réellement présent sur l’ensemble de son territoire, incarné par des institutions opérationnelles, des services publics effectifs et un appareil administratif soucieux du bien commun.
Une telle restauration ne se mesure ni à l’éclat des discours officiels ni à la célébration symbolique de l’autorité, mais à la capacité concrète de l’État à garantir la sécurité, à dispenser la justice, à offrir l’accès à la santé, à l’éducation, à l’eau et à l’énergie, et à répondre avec équité aux besoins fondamentaux de la population.
En d’autres termes, l’autorité de l’État, pour être réelle, doit se traduire par un mieux-vivre tangible pour les citoyens, et non par une simple rhétorique de contrôle politique. C’est à ce prix seulement que l’on pourra parler, non pas d’une restauration nominale ou artificielle, mais d’un véritable redressement de l’État au service de son peuple.
Toute lecture honnête et avisée de ce message exige de ne point en altérer la portée, mais au contraire d’en épouser l’esprit, tant il éclaire, sans tapage mais avec gravité, la dissociation désormais assumée entre l’exigence d’un ordre étatique fonctionnel et la figure vacillante de son incarnation actuelle.
Loin de valider l’actuelle gouvernance, la formulation adoptée par Boulos, « peu importe qui est le président, l’administration ou le responsable » consacre une dépersonnalisation explicite du pouvoir, renvoyant le chef de l’État congolais à son statut de variable interchangeable.
Cette neutralité sémantique, habilement assumée, constitue en réalité un désaveu discret mais sans appel : en rappelant que la souveraineté territoriale doit s’exercer indépendamment de la personne qui incarne momentanément l’État, Boulos signale que l’incapacité chronique de Kinshasa à administrer durablement ses provinces orientales disqualifie son autorité effective, et ouvre la voie à d’autres formes de gouvernance, y compris celles incarnées, de facto, par des acteurs politico-militaires comme l’AFC/M23.
Une diplomatie américaine lucide face à un pouvoir en quête d’illusion
Le processus diplomatique désormais articulé autour des accords de Washington et de Doha doit être replacé dans sa genèse pour en mesurer toute la portée. Il ne résulte nullement d’une initiative rationnelle de la part de la République démocratique du Congo, mais bien d’une tentative mal calibrée, presque naïve, de Félix Tshisekedi de troquer les richesses du pays contre une alliance militaire avec les États-Unis. Cette opération, fondée sur une illusion de puissance, s’est heurtée au réalisme froid de la diplomatie américaine, qui a posé une condition préalable et non négociable : un dialogue sincère avec le Rwanda et avec l’Alliance Fleuve Congo-M23, acteur incontournable du théâtre politique et militaire congolais.
La falsification comme stratégie : quand Kinshasa fait de la désinformation une habitude
Ce qui frappe, à l’analyse, ce n’est pas tant l’incapacité structurelle du régime à répondre aux exigences de l’heure, mais la constance avec laquelle il s’emploie à travestir les réalités diplomatiques. Après avoir dénaturé le sens profond de l’accord de Washington, présenté à tort comme une victoire de sa ligne dure, Kinshasa réitère, avec l’accord de Doha, le même procédé de falsification : manipuler l’opinion publique nationale, travestir les textes, et proclamer des triomphes imaginaires là où il n’y a, au mieux, que des sursis.
Ce récurrent travestissement de la vérité diplomatique devient une marque de fabrique du régime Tshisekedi, et participe d’une stratégie de désinformation qui, à terme, mine la crédibilité de l’État congolais auprès de ses partenaires internationaux.
Car si la communication d’État confond obstinément désirs politiques et obligations juridiques, elle finit par saper la confiance qui sous-tend toute coopération diplomatique. À force d’infliger aux textes négociés des lectures instrumentalisées, de leur faire dire ce qu’ils ne contiennent nullement, Kinshasa se décrédibilise peu à peu sur la scène internationale. L’usage abusif de la propagande, loin de renforcer la position du gouvernement, l’isole davantage et l’enferme dans une rhétorique sans prise sur le réel.
Vers une recomposition de l’autorité
Dans ce contexte, il n’est pas anodin que la déclaration de Doha insiste sur la nécessité d’un dialogue suivi, persévérant, et orienté vers la construction d’un accord « exhaustif ». Cette exigence s’inscrit dans une logique de recomposition du champ politique congolais, où l’autorité de l’État est appelée à renaître, non comme l’expression d’un régime défaillant, mais comme la résultante d’une gouvernance réellement inclusive et efficiente.
La formulation de Boulos suggère ainsi que la restauration de l’autorité ne passe pas nécessairement par la consolidation du pouvoir actuel, mais qu’elle peut, au contraire, nécessiter sa remise en question.
Cette perspective confère une légitimité nouvelle aux acteurs capables d’assurer la sécurité, la stabilité et le respect des droits qu’il s’agisse de structures étatiques rénovées, ou de forces politico-militaires en voie d’intégration.
La répétition insistante de l’expression « l’ensemble du territoire » révèle, quant à elle, que l’enjeu n’est pas tant de faire reculer l’AFC/M23 que de construire, à l’échelle nationale, un ordre civil légitime, fonctionnel et respectueux des droits fondamentaux.
Autrement dit, la restauration de l’autorité de l’État implique bien davantage que Kinshasa ne le concède. Elle pourrait, en toute logique, signifier aussi la fin d’un régime qui a échoué à la garantir.

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