Kinshasa face à Kigali ou l’art de brouiller les lignes pour esquiver l’engagement

Redigé par Tite Gatabazi
Le 21 juillet 2025 à 11:23

Il est, dans l’arène politique congolaise, des figures dont la parole, faute de colonne vertébrale éthique, se mue en simple instrument de circonstance, tributaire des caprices de l’opportunité et de l’humeur des conjonctures.

Chez ces hommes, la fidélité au verbe s’évanouit dès lors qu’elle contraint, et la parole, déconnectée de toute rigueur morale, s’emploie moins à édifier qu’à désorienter. Leur langage, saturé d’emphase mais vidé de substance, s’épuise à force de contorsions ; il devient cette rhétorique flottante, où l’imprécation remplace le principe et où l’autorité s’efface devant le calcul.

Ces dirigeants congolais ne gouvernent pas : ils cabotent, à la manière d’un navire sans gouvernail, préférant l’effet de manche à la cohérence doctrinale, l’esquive aux engagements tenus, et la posture à la vision. Leur constance réside précisément dans leur versatilité ; leur parole s’use à force d’être contredite, jusqu’à ne plus susciter que l’incrédulité ou le sarcasme. Ce n’est plus un instrument de commandement : c’est un miroir fêlé, où le pouvoir se réfléchit sans clarté ni tenue.

C’est dans ce climat de dissonance verbale et de brouillage méthodique que s’inscrit la récente passe d’armes diplomatique entre Kigali et Kinshasa. Réagissant avec fermeté à des propos tenus par Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement congolais, sur les ondes de Top Congo FM, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a dénoncé ce dimanche une « désinformation flagrante » sur la nature du processus de retrait du M23.

Muyaya avait suggéré que ce retrait s’inscrivait dans l’esprit du Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité (JSCM), fruit de l’Accord de Washington signé le 27 juin 2025. Kigali s’inscrit en faux : ce mécanisme, rappelle le chef de la diplomatie rwandaise, est strictement bilatéral, limité à la neutralisation des FDLR et à la levée progressive des mesures défensives du Rwanda. En aucun cas l’AFC/M23 n’en relève. La question du M23, insiste Kigali, fait l’objet d’un traitement distinct, défini par la Déclaration de Principes de Doha, adoptée sous médiation qatarie et orientée vers une résolution politique durable, fondée sur une analyse des causes profondes des crises récurrentes en RDC.

La mise au point portée par Kigali révèle plus qu’un simple malentendu diplomatique : elle met au jour une volonté manifeste de confusion narrative de la part des autorités congolaises, soucieuses de masquer leurs revirements par des amalgames artificiels.

Ce brouillage délibéré des cadres, entre l’accord sécuritaire bilatéral et le dialogue politique avec l’AFC/M23 trahit une ligne politique incohérente, parfois même cyniquement assumée.

Ce que l’on observe ici n’est pas un énième ajustement pragmatique, mais la manifestation symptomatique d’un pouvoir pour qui l’ambiguïté tient lieu de stratégie et le reniement, de méthode.

Dans cette architecture verbale fissurée, la vérité chancelle, la crédibilité s’efface, et la parole gouvernementale devient un souffle sans portée, tout juste bon à meubler le vacarme des contradictions.

Patrick Muyaya Katembwe, porte parole du gouvernement de la RDC

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