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Felix Tshisekedi ou la machine à produire l’ennemi intérieur

Redigé par Tite Gatabazi
Le 4 novembre 2025 à 12:15

Le tribalisme, lorsqu’il se mue en instrument de gouvernement, devient le plus pernicieux des poisons politiques. Loin d’être une simple dérive sociologique, il se transforme en une matrice d’exclusion, de haine et de désagrégation nationale.

En République démocratique du Congo, cette pathologie du pouvoir atteint une intensité inquiétante dès lors qu’elle s’articule à une gouvernance déliquescente, au déni des réalités et à l’irresponsabilité chronique des élites.

La déclaration de Corneille Nangaa, coordonnateur du mouvement AFC/M23 dénonçant la stigmatisation de l’Est du pays comme « territoire d’étrangers », révèle avec acuité ce glissement tragique : celui d’un Chef de l’Etat qui, faute de projet, fabrique des ennemis intérieurs pour masquer ses échecs.

Le tribalisme comme substitut politique : le pouvoir du bouc émissaire

Lorsqu’un régime s’épuise à gouverner sans vision ni résultat, il lui faut trouver ailleurs les ressources de sa survie. Incapable de susciter l’adhésion par la compétence, il cherche à l’obtenir par la peur. C’est ainsi que naît le bouc émissaire, cette figure commode sur laquelle on projette les angoisses collectives et les faillites institutionnelles.

En RDC, la stigmatisation des populations de l’Est, qualifiées d’« étrangères » parce que baswahili ou supposées favorables tantôt au Rwanda, tantôt à l’ancien président Joseph Kabila, procède de cette mécanique de diversion.

Plus grave encore, les Tutsi congolais, réduits à une identité guerrière à travers l’amalgame avec le M23 devenu AFC/M23, se voient privés de leur citoyenneté symbolique. Le pouvoir, en instrumentalisant la fibre ethnique, érige la suspicion en politique d’État et le mensonge en ciment national.

La criminalisation de l’appartenance : du préjugé à la persécution

Ce tribalisme institutionnalisé ne relève plus seulement du discours ; il se déploie dans les pratiques, dans les nominations, dans l’appareil sécuritaire, et jusque dans l’imaginaire collectif. Il ne s’agit plus d’une simple erreur de perception, mais d’un véritable système d’exclusion.

Assimiler un peuple entier à une rébellion, c’est justifier d’avance son exclusion, voire sa répression. C’est transformer la victime en suspect, et le citoyen en intrus. Or, un État qui criminalise l’appartenance ethnique abdique sa mission première : protéger ses citoyens sans distinction. Cette logique perverse engendre une spirale de haine, de défiance et de repli, nourrissant ainsi les tensions communautaires que la puissance publique prétend combattre.

L’irresponsabilité au sommet : le tribalisme comme cache-misère de la mauvaise gouvernance

L’instrumentalisation des fractures identitaires n’est jamais qu’un écran de fumée dissimulant la déroute de la gouvernance. Quand les institutions échouent à garantir la justice, la prospérité et la sécurité, il devient tentant pour les détenteurs du pouvoir de détourner la colère populaire vers des cibles plus vulnérables.

L’ennemi intérieur devient alors un exutoire commode : il canalise les frustrations, il polarise le débat, il efface les questions embarrassantes. Dans un tel climat, la corruption, la faillite de l’État et l’effondrement des services publics passent au second plan, supplantés par les obsessions identitaires savamment entretenues par le sommet de l’État. Ce n’est plus la responsabilité politique qui gouverne, mais la peur ethnique.

La ruine morale et politique d’une nation

Le tribalisme, ainsi érigé en méthode de pouvoir, déchire le tissu national et anéantit l’idée même de citoyenneté. Il crée une société où la loyauté se mesure à la tribu, et non à la République ; où la compétence cède le pas à l’allégeance.

A terme, il délégitime l’État, alimente les rébellions et détruit la confiance entre gouvernés et gouvernants. Le pays tout entier devient un théâtre d’ombres où les véritables enjeux, le développement, la justice, la souveraineté se dissolvent dans le vacarme des accusations ethniques.

En définitive, le tribalisme n’est pas seulement un mal moral ; il est un symptôme, celui d’un pouvoir sans projet, d’une élite sans conscience, d’une nation à qui l’on refuse la réconciliation avec elle-même.

Gouverner par la division, c’est gouverner contre le peuple. Et l’histoire, toujours implacable, finit par rappeler à ceux qui s’en rendent coupables qu’aucun pouvoir ne se maintient durablement sur le socle de la haine : les régimes qui fabriquent des ennemis intérieurs se condamnent eux-mêmes à devenir les ennemis de leur propre avenir.

La déclaration de Corneille Nangaa sur la stigmatisation de l’Est du pays révèle un chef d’État créant des ennemis intérieurs pour masquer ses échecs

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