Question : Présentez-vous à nos lecteurs et dites-nous quel rapport vous lie au génocide perpetré contre les Tutsi du Rwanda.
Réponse (Charles Kabera) : Je suis Charles Kabera, un survivant du génocide commis contre les Tutsi du Rwanda de 1994. Je travaillais au ministère rwandais de l’intérieur lorsqu’a eu lieu le génocide. J’ai étudié la sociologie à l’université de Lubumbashi, dans l’ex Zaïre, mais je suis actuellement détenteur de ce qui s’appelle au Canada, où je vis, d’un post-diplôme en développement économique communautaire, acquit après le génocide. Avant que le crime des crimes ne soit commis, j’habitais le quartier Remera, à proximité de l’ex-KIE (Kigali Institute of education, l’actuel College of Education de l’Université du Rwanda). J’étais marié et père d’un enfant de 18 mois. Tous les deux furent tués lors de cette tragédie à Sovu de Butare, livrés par Soeur Gertrude, Consolata Mukangango à l’état civil, en complicité avec le bourgmestre Ruremesha Jonathan, qui court encore, s’il n’est pas déjà mort ! Comme on dit chez nous, ntawuzi aho aherereye (Nul ne sait où il se trouve.)
Question : Quel était votre objectif en écrivant ce livre ?
Réponse (Charles Kabera) : Naturellement la conservation de la mémoire, afin que les plus jeunes apprennent notre Histoire, mais c’est aussi ma contribution contre le négationnisme.
Question : Quelle est votre maison d’édition ?
Réponse (Charles Kabera) : C’est le harmattan ; c’est elle qui s’occupe de la Production, la distribution et des ventes.
Question : Parlez-nous de votre œuvre s’il vous plaît.
Réponse (Charles Kabera) : Le livre contient quatre parties :
A) Le génocide et tout ce qui va avec…équilibre ethnique, harcèlement, le concept Ibyitso ou les complices des adversaires du pouvoir alors en place pendant la guerre de libération du Rwanda, les intimidations ad hoc, etc…
B) Le génocide lui-même, qui a emporté plus ou moins 56 personnes, membres de ma famille élargie, dont des proches ; mon épouse de 27 ans, mon fils de 18 mois, mes deux parents (papa et maman) et la grand-mère.
C) La partie post génocide décrit la survie ; ce que j’aime à qualifier de : « la vie après la mort. » C’est le long trajet de la résilience qui sonne mieux en ma langue nationale : Kudaheranwa, (la résilience proprement dite) gushyingura abacu bari bandagaye ku misozi yose mu gihugu (inhumation en toute dignité des victimes du génocide qui jonchaient toutes les collines du pays,) ainsi que la lutte pour la survie (struggle for life.)
D) La quatrième partie englobe une réflexion personnelle sur un peu de tout.
. Concept sur le pardon
. Rwanda, je t’aime malgré tout
. Qui est le survivant et comment interpréter ses idées, ses pensées, ses agissements, etc…
Question : A quand la version Kinyarwanda de votre œuvre ?
Réponse (Charles Kabera) : La maison d’édition a été quelque peu réticente, mais j’y travaille pour que nos compatriotes qui ne lisent que dans la langue nationale puissent s’imprégner de son contenu.
Question : Quelles sont les principaux défis que vous avez rencontré pour écrire et publier votre ouvrage ?
Réponse (Charles Kabera) : Le plus dur est que quand quelqu’un écrit sur une histoire pareille, les images des faits que fut la réalité défilent. Vous prenez votre stylo pour pondre votre texte, et subitement, celui-ci s’arrête une heure après ; bloqué par une vive émotion, presque suffoqué. Vous vous sentez épuisé, tous les sens éreintés. Vous déposez votre stylo, faites une petite marche pour essayer de vous apaiser et récupérer. C’est d’ailleurs la principale raison qui fit que ça a pris tout ce temps post génocide pour coucher les faits sur le papier.
L’autre défi saillant, ce sont les maisons d’édition, elles sont difficiles à accepter les histoires du Rwanda, soi-disant qu’elles ne sont pas vendables.
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