Cette histoire, notamment la manière dont les femmes tutsi ont été persécutées en raison de leur apparence, est relatée dans l’ouvrage d’Antoine Mugesera intitulé “La persécution des Tutsi rwandais avant le génocide de 1990-1994” [Titre original : “The Persecution of Rwandan Tutsi Before the 1990-1994 Genocide ”].
Mugesera mentionne que les autorités se méfiaient des femmes tutsi et évitaient de les voir. Si une femme tutsi était aperçue avec un Européen ou un autre étranger, elle était emprisonnée sous l’accusation de divulguer des secrets nationaux.
De plus, les autorités s’opposaient aux mariages entre femmes tutsi et hommes hutu de familles aisées, refusant ces unions pour empêcher les femmes tutsi de jouir d’une vie confortable. En 1976, à Kibuye, Habyarimana a exhorté les Tutsi à ne pas dénigrer les Hutu en vantant la beauté de leurs filles, affirmant que les filles hutu étaient également belles et non paresseuses, contrairement aux femmes tutsi. Cette période a vu l’implication de la radio nationale jouer un rôle crucial dans ses animations musicales.
Le mariage avec une femme tutsi était considéré comme source de problèmes, allant jusqu’à accuser ceux qui le faisaient de trahison. Cette vision était particulièrement répandue parmi les membres du PARMEHUTU (Parti du Mouvement de l’Emancipation Hutu) sous Grégoire Kayibanda, où même une simple amitié avec une femme tutsi était vue comme une trahison.
Le "tatouage" de Kigeli comme prétexte à la persécution
L’exil du roi Kigeli V Ndahindurwa en 1960, après des conflits avec le pouvoir colonial belge, a laissé de nombreux Rwandais mécontents, même après l’indépendance.
La situation était particulièrement précaire pour les Tutsi qui, par tout acte perçu comme une marque d’affection pour le roi Kigeli, devenaient des cibles. Selon Mugesera, des filles tutsi ont été emprisonnées pour avoir porté des tatouages en hommage à Kigeli V.
Des rumeurs ont mené à des arrestations et à des inspections humiliantes, souvent avec la complicité de l’Église catholique, comme à l’école missionnaire de Mubuga à Kibuye où des filles ont été forcées de se déshabiller pour prouver qu’elles ne portaient pas le tatouage "VKV".
L’autorité locale de Kibuye a même obtenu l’approbation de Mgr Bigirumwami pour mener ces inspections, en nommant un comité de religieuses et d’enseignantes pour cette tâche.
Mgr Bigirumwami avait déclaré que toute fille trouvée avec ce tatouage serait immédiatement renvoyée et poursuivie par les autorités. Cependant, aucune des filles inspectées ne portait réellement ce tatouage.
Sous la Première République, la persécution des femmes tutsi s’est étendue, atteignant même les sphères publiques et politiques.
Par exemple, Amile Rutabagisha, un chef du PARMEHUTU à Kibuye, a publiquement harcelé un autre leader du parti marié à une Tutsi, le comparant à Samson et Delila, et affirmant que "les femmes Tutsi sont nos ennemies, des traîtresses, et les hommes hutu qui les épousent trahissent leur tribu".
Daniel Segugu, un militant du MDR PARMEHUTU à Cyimbogo, a également été critiqué, accusé de fraterniser avec des femmes tutsi, menaçant la loyauté envers la cause hutu.
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