C’est un moment cardinal, un jalon où se rejoignent la justice internationale, la mémoire nationale et la responsabilité politique. Pourtant, au cœur de ce moment fondateur, un silence assourdissant domine là où la parole officielle devrait résonner avec la force d’une conscience vive.
Au premier rang des interrogations brûlantes figure la présence ou plutôt l’absence d’un homme dont la trajectoire croise inexorablement celle de l’accusé : Jean-Pierre Bemba. Ancien chef militaire du MLC, aujourd’hui ministre dans le gouvernement Tshisekedi.
Il est cité dans le procès non comme une silhouette anecdotique, mais comme témoin privilégié, acteur d’un passé où se sont mêlés alliances fluctuantes, stratégies de terrain et zones d’ombre encore mal éclairées.
La question essentielle, que nul ne peut évacuer d’un revers de main, demeure : Jean-Pierre Bemba a-t-il seulement lu la lettre que Roger Lumbala lui a adressée ?
Car cette lettre n’est pas un geste mondain : c’est l’appel grave d’un homme qui affirme que son parti, contrairement au MLC de l’époque, n’était doté ni de forces armées, ni de policiers, ni d’équipements militaires.
Une déclaration qui renvoie à la responsabilité historique du MLC, organisation tristement connue pour son rôle dans les violences de la période.
Que Bemba réponde ou demeure silencieux, le procès, lui, trace une ligne de démarcation entre les responsabilités réelles et les fictions politiques patiemment entretenues. Il oblige chacun à soumettre sa trajectoire à l’examen de la lumière.
Le paradoxe moral du pouvoir Tshisekedi
Mais le silence le plus retentissant ne vient pas de l’ancien chef de guerre devenu ministre : il provient de l’État lui-même.
Comment un gouvernement qui s’enorgueillit d’être le porte-étendard du combat pour la reconnaissance du “Génocost” peut-il demeurer aussi insensible, aussi inerte, face à un procès qui constitue une étape historique de notre mémoire collective ?
On ne peut pas, dans le même souffle, exiger du monde qu’il nomme et condamne un génocide, et se soustraire soi-même aux exigences les plus élémentaires de vérité, de cohérence et de responsabilité.
La justice internationale, lorsqu’elle se penche sur les crimes commis en RDC, n’agit pas contre le Congo : elle œuvre pour sa mémoire, pour sa dignité et pour la reconnaissance de tous ceux dont les vies ont été broyées par les ambitions d’hommes armés.
L’absence de réaction du gouvernement Tshisekedi s’apparente dès lors à une forme d’indifférence institutionnelle, une indifférence d’autant plus choquante qu’elle contredit ses propres proclamations morales.
On ne peut prétendre porter la mémoire des victimes tout en acceptant que des procès décisifs se déroulent dans une indifférence feutrée, comme si la douleur du pays n’était qu’un ornement diplomatique et non une réalité brûlante.
Patrick Muyaya : l’éloquence qui manque au rendez-vous de l’Histoire
Et puis il y a cette interpellation directe, inévitable :
Monsieur le Ministre Patrick Muyaya, où êtes-vous ?
Où est votre voix, vous dont la fonction même consiste à incarner le verbe officiel, à porter la parole du pays, à donner chair aux principes auxquels le gouvernement prétend adhérer ?
Au moment où l’Histoire convoque la RDC à un exercice de vérité, votre absence n’est pas un simple détail protocolaire ; elle est un manquement politique, une défaillance morale.
Car un gouvernement qui se respecte ne laisse pas un procès d’une telle magnitude se dérouler sans y projeter sa présence, son intelligence et sa responsabilité.
On pouvait attendre de vous une parole claire, une ligne politique rigoureuse, une affirmation de soutien à toute démarche judiciaire visant à dissiper les ombres du passé.
A la place, c’est une étrange pénombre qui s’installe autour du gouvernement, comme si celui-ci redoutait que le tribunal parisien ne vienne déranger les équilibres fragiles sur lesquels repose son pouvoir.
Le rendez-vous manqué d’un État avec sa propre histoire
Le procès de Roger Lumbala n’est pas une affaire privée entre anciens alliés.
Il est un miroir tendu à la nation, un test de sincérité pour un gouvernement qui revendique, à longueur de discours, le combat pour la mémoire et la justice.
Face à ce moment crucial, le silence de Jean-Pierre Bemba, la neutralité distante du gouvernement et l’absence inexplicable du ministre de la Communication composent un tableau déconcertant, où l’État semble avoir renoncé à sa propre exigence morale.
L’Histoire, elle, ne renonce jamais. Elle revient, elle insiste, elle exige.
Il ne tient qu’aux dirigeants congolais de choisir : répondre à son appel, ou s’enfouir dans ce silence qui est déjà une forme de reniement.














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