L’accord de Washington à l’épreuve des hésitations de Kinshasa

Redigé par Tite Gatabazi
Le 20 juin 2025 à 11:29

À l’ombre feutrée des salons diplomatiques de Washington, les délégations rwandaise et congolaise viennent de parapher, le 18 juin, un projet d’accord censé ramener la sérénité dans les confins meurtris du Kivu.

Fruit de trois jours de pourparlers menés sous les auspices conjoints des États Unis et du Qatar, ce texte prolongement d’une Déclaration de principes adoptée en avril dernier érige en impératif la cessation immédiate des hostilités, la reconnaissance pleine et entière de l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo et la réintégration encadrée des groupes armés non étatiques.

La cérémonie de signature définitive, prévue le 27 juin dans la capitale fédérale américaine, devrait se dérouler sous l’œil vigilant du secrétaire d’État, Marco Rubio, tandis que le conseiller spécial du président Donald Trump pour l’Afrique, Massad Boulos, s’est déjà félicité de «  trois jours de dialogue constructif  » ayant, selon lui, réconcilié des positions longtemps irréductibles.

Pour séduisante qu’elle paraisse, la perspective d’une pacification durable demeure pourtant suspendue à une question cruciale  : Kinshasa possède t elle la volonté politique, la cohérence stratégique et l’assise intérieure nécessaires pour honorer ses engagements  ? Les précédents plaident en sens inverse.

Le président Félix Tshisekedi, en proie à une coalition d’adversaires internes et externes, n’a cessé de multiplier les volte faces  : recours sporadique à des sociétés militaires privées, fluctuations doctrinales quant au sort du M23, et rhétorique belliqueuse alternant avec des appels au dialogue. Cette instabilité stratégique nourrit la suspicion de ses partenaires et démobilise une opinion congolaise lassée des promesses non tenues.

Sur le plan politique, la majorité parlementaire qui porta M. Tshisekedi au pouvoir s’est fragmentée sous l’effet de rivalités claniques et de calculs politiques. La société civile, emmenée par la Conférence épiscopale (CENCO) et diverses organisations citoyennes, dénonce l’érosion des libertés publiques, l’opacité budgétaire et l’inefficience de la gouvernance du pays. Cette défiance généralisée amoindrit la légitimité nécessaire à l’application d’un accord aussi contraignant.

Enfin, l’isolement diplomatique croissant de Kinshasa complique la mise en œuvre de dispositifs techniques lourds  : désengagement simultané des belligérants, cantonnement et désarmement des milices, puis réintégration conditionnelle de leurs combattants dans des structures officielles. Sans un soutien concerté des puissances régionales, ces clauses risquent de demeurer incantatoires.

En définitive, l’accord de Washington, pour solennel qu’il soit, apparaît moins comme un aboutissement que comme une étape fragile. Son destin dépend d’une double conversion  : celle, d’une part, d’un appareil politico militaire congolais appelé à substituer la continuité à la tergiversation  ; celle, d’autre part, d’une communauté internationale sommée d’adosser ses exhortations à des mécanismes de suivi et de sanction crédibles.

Faute de quoi, le cérémonial du 27 juin pourrait rejoindre le cimetière des protocoles illusoires qui, depuis trois décennies, jalonnent la tragédie de l’Est congolais.

À Washington, Kigali et Kinshasa ont paraphé, le 18 juin, un accord censé apaiser les tensions dans le Kivu

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