L’illusion d’une reconquête et la tragédie des alliances funestes

Redigé par Tite Gatabazi
Le 11 décembre 2025 à 01:31

A en juger par l’agitation fébrile qui anime désormais les cénacles du pouvoir, Kinshasa semble s’être convaincu que la reconquête d’Uvira serait à portée de main, pourvu que l’on mobilise des moyens colossaux et que l’on orchestre, depuis Bujumbura, une planification dont l’ampleur financière tient davantage du pari désespéré que de la stratégie maîtrisée.

Cette effervescence guerrière, nourrie par des réunions secrètes, des budgets occultes et des alliances incandescentes, révèle en réalité un aveuglement structurel, symptôme récurrent d’un pouvoir qui s’obstine à confondre démonstration de force et lucidité politique.

Car les forces appelées à jouer son va-tout FARDC, FDLR, Wazalendo, FDNB et mercenaires divers composent une coalition hétéroclite et dissonante, dont l’unique cohésion réside dans l’adversité immédiate, et non dans un projet militaire cohérent.

En faisant de ces alliances contre nature le pivot d’une prétendue reconquête, Kinshasa s’expose moins à une victoire décisive qu’à la répétition mécanique d’une tragédie déjà écrite : celle où l’improvisation opérationnelle, maquillée en bravoure patriotique, se heurte fatalement à la réalité du terrain.

Les leçons que le pouvoir refuse d’apprendre

Il est pour le moins édifiant que le pouvoir de Kinshasa semble avoir oublié les formules péremptoires, lancées naguère avec un aplomb théâtral, « la riposte sera foudroyante et disproportionnée » et dont l’histoire récente a démontré le caractère incantatoire, sinon dérisoire.

Le rappel, aujourd’hui, des avertissements du très influent conseiller spécial Honoré Ngbanda rend le parallèle d’autant plus saisissant : celui-ci reprochait à Mobutu sa cécité politique, son incapacité à « lire les signes du temps » et son obstination à gouverner contre les évidences, jusqu’à précipiter l’effondrement de son propre régime.

Or voici que les mêmes causes semblent inexorablement produire les mêmes effets : la surenchère verbale tient lieu de vision stratégique ; l’entêtement tient lieu de gouvernance ; et la fuite en avant militaire dissimule mal l’effritement d’une légitimité dont les fondations vacillent.

La reconquête annoncée d’Uvira apparaît dès lors comme une répétition générale du passé, où l’histoire, lassée d’être ignorée, revient frapper à la porte du présent avec la rigueur implacable d’un verdict.

Ainsi s’impose une vérité que nul artifice oratoire ne saurait occulter : aucune armée, fût-elle bardée d’alliés de circonstance et gonflée d’une trésorerie dilapidée, ne triomphe durablement lorsqu’elle refuse de regarder en face les leçons que lui dicte sa propre histoire.

Kinshasa semble croire qu’Uvira peut être reconquise en mobilisant d’énormes moyens et une planification depuis Bujumbura, plus par pari que par stratégie

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