Prisonnière des convenances protocolaires et des inerties géopolitiques, l’instance onusienne contourne les responsabilités, édulcore les fissures grandissantes entre acteurs régionaux notamment la RDC, le Burundi et le Rwanda et transforme ce qui devrait être un moment d’autocritique salutaire en une nouvelle liturgie bureaucratique.
Ainsi, au lieu d’affronter les déroutes accumulées et d’en tirer les enseignements nécessaires pour refonder son action, le Conseil préfère la discrétion de l’euphémisme à la vigueur de la vérité, laissant s’évaporer l’occasion de convertir un échec stratégique en impulsion de réforme et de restauration régionale.
Ce 12 décembre 2025, le Conseil de sécurité s’apprête à tenir une séance d’information publique, immédiatement suivie de consultations à huis clos, consacrée à l’évolution de la situation en République démocratique du Congo, ainsi qu’à l’examen des activités opérationnelles de la MONUSCO.
A la veille de sa réunion du 12 décembre, le Conseil de sécurité s’enferme dans un rituel diplomatique dont la solennité feutrée ne parvient plus à dissimuler l’indigence analytique. Alors même que s’achève le mandat de Mme Bintou Keita, et que M. Jean-Pierre Lacroix s’apprête à présenter le dernier rapport du Secrétaire général, l’instance onusienne persiste à éluder la question centrale : celle de l’échec indéniable de la MONUSCO dans l’accomplissement de son mandat.
Sous le vernis protocolaire et les formules policées, la Mission, pourtant auréolée d’un des plus imposants dispositifs de maintien de la paix au monde, a vu, sous son regard impuissant, la prolifération exponentielle des groupes armés, l’atomisation des milices locales et l’implantation de coalitions violentes dont la présence s’est enracinée, au nez et à la barbe de forces censées garantir la protection des civils et la stabilisation du territoire.
La multiplication des tueries de populations civiles, devenues presque routinières, atteste de cette faillite structurelle : massacres récurrents, déplacements massifs, violences ciblées et aggravation des antagonismes communautaires se sont déroulés dans un silence assourdissant, brisé uniquement par les cris de victimes abandonnées à leur sort.
Loin d’endiguer cette spirale, la Mission s’est installée dans une posture de prudence excessive, parfois insoutenable, où la doctrine de la « retenue opérationnelle » s’est substituée à celle de la protection active.
La cécité volontaire face aux menaces régionales : l’exemple des FDLR
Parmi les angles morts les plus révélateurs figure la frilosité persistante de la MONUSCO à neutraliser les FDLR, mouvement terroriste et genocidaire armé dont la présence constitue depuis des décennies un foyer permanent d’instabilité et un facteur de détérioration des relations entre États de la région.
Alors que leur démantèlement aurait dû être érigé en priorité stratégique, compte tenu de sa nature criminelle, transfrontalière et déstabilisatrice de ces groupes, la Mission s’est confinée à des condamnations de pure forme, laissant aux États voisins la charge de gérer seuls des risques sécuritaires qui excédaient largement le cadre interne de la RDC.
Cette réticence, tantôt justifiée par des considérations logistiques, tantôt par des calculs diplomatiques, a eu pour conséquence directe de prolonger un cycle de violence que la présence onusienne aurait dû contribuer à briser.
Les FDLR, entité armée historique, n’ont jamais été véritablement désarmés ; ils ont plutôt appris à survivre, à se dissimuler, à s’adapter parfois mieux que ceux-là mêmes qui prétendaient les combattre.
Une institution paralysée : l’art d’éviter les vérités dérangeantes
La réunion du Conseil de sécurité, associant notamment la RDC, le Rwanda et le Burundi, aurait pu constituer un acte fondateur de lucidité. Elle ne sera qu’une séquence supplémentaire de cette liturgie bureaucratique où l’on disserte avec gravité mais sans courage, préférant l’opacité des euphémismes à la lumière crue des responsabilités.
Les fissures géopolitiques de la région s’élargissent, les populations civiles se meurent, et pourtant l’ONU s’entête à recycler les mêmes paradigmes, incapables de saisir la dynamique réelle du conflit.
Le Conseil, prisonnier d’équilibres diplomatiques devenus obsolètes, persévère dans une analyse timorée, percluse d’angles morts, qui évite soigneusement les vérités susceptibles de déranger les États membres ou de mettre en cause ses propres mécanismes.
L’ONU, une institution figée face à un monde en accélération
En définitive, l’échec de la MONUSCO, qu’aucune formule élégante ne saurait masquer, illustre un mal beaucoup plus profond : l’incapacité des Nations unies à s’adapter aux mutations rapides, souvent brutales, d’un monde où les crises évoluent à une vitesse que les structures bureaucratiques ne parviennent plus à suivre.
Loin de s’ériger en acteur agile et visionnaire, l’Organisation s’enracine dans des schémas dépassés, reproduits mécaniquement, même lorsqu’ils se révèlent inefficaces.
Ainsi, ce qui aurait dû être un moment d’autocritique salutaire se dissipe dans les brumes protocolaires. Et l’ONU, figée dans une inertie quasi doctrinale, laisse passer l’occasion de transformer un échec stratégique en tremplin pour une réforme profonde.
Dans un monde en mutation rapide, elle demeure, hélas, une institution qui avance au pas lent de sa propre histoire, quand les crises, elles, galopent.














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