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La grisaille des génocidaires en France

Redigé par Tite Gatabazi
Le 21 mai 2021 à 02:59

Le journaliste français Theo Englebert publie dans Médiapart.fr du 19 mai 2021 des révélations sur les circuits du hutu power en France depuis 1994. Selon les informations qu’il en sa possession, trois personnes qui se trouvent sur la liste Rwandaise des « génocidaires de la première catégorie »vivent en France en toute quiétude.

Aussi, plusieurs centaines d’extrémistes hutus accueillis en France se seraient organisés en réseaux associatifs à travers toute la France. Et très peu d’entre eux font l’objet de poursuites ou d’enquêtes.

Médiapart en a retrouvé trois dont la situation d’impunité reste incompréhensible, pourtant ils figurent sur la liste des « génocidaires de première catégorie ».

Le premier d’entre eux était une star de la radio nationale pendant les tueries. Hyacinthe Bicamumpaka était la voix officielle du régime génocidaire. Pendant que le génocide battait son plein, il le justifiait à la radio en rappelant aux auditeurs que « les sanguinaires ont abattu l’avion qui transportait notre chef de l’Etat ».

Il ne ratait aucune occasion pour justifier les massacres : « ce soir des coups de feu ont été entendu dans les localités de nyamirambo et de rebero ou les forces armées rwandaises traquaient les inkotanyis qui s’y seraient cachés ».

Un mois plus tard, il se faisait le porte voix du ministre de la défense et dénonçait à l’antenne : « l’ennemi qui continue à exterminer les rwandais » et profitant pour inciter les auditeurs « de rester vigilants pour davantage se protéger.

Aux barrières et dans les rondes que vous faites, vous devez faire attention et vérifier les identités de tous les passants ». Chose très intéressante, en juin 1994, dans une interview à Jeune Afrique, Hyacinthe Bicamumpaka affirmait « même si nous perdons cette bataille, nous reviendrons » et d’ajouter, tel celui qui savait de quoi il parlait : « l’ennemi régnera sur un désert ».

Ces propos n’étaient en rien prémonitoires, il était au courant des éléments de la planification. Il était l’alter ego de Kantano qui officiait sur la RTLM. Et quinze jours après l’interview, Bicamumpaka était bien au chaud en France.

Loin de la galère de la population qu’il avait chauffée à blanc. En 1995, on le retrouve dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile « CADA » situé dans le Saône-et-Loire. Ses premiers déboires arrivent avec le rejet de sa demande d’asile par l’Office Français de Protection des Refugiés et Apatrides « OFPRA » en octobre 1997.

L’office a usé de l’article 1 er -F de la convention de Genève, qui permet d’exclure du statut de refugié les personnes suspectées de génocide. Le même article qui a été opposé à Agathe Habyarimana, la patronne de l’akazu.

Hyacinthe Bicamumpaka est âgé aujourd’hui de soixante cinq ans, il réside toujours dans le Nord de la France.

Le deuxième suspect c’est Joseph Mushyandi, juriste qui naviguait dans les milieux catholiques les plus extrêmes. Il se faisait passé pour un défenseur des droits de l’homme avec une association de couverture.

Il est soupçonné d’avoir participé personnellement dans les massacres à Kigali et dans sa commune d’origine.

Un autre suspect est Anastase Rwabizambuga qui était employé au mobilier scolaire de Kigali. A l’occasion de sa naturalisation en 1999, il en a profité pour changer de nom.

Il réside dans le département des Hauts de Seine. Sauf que l’état civil fourni pour déposer sa société de revente de pièces automobiles en 2007 correspond à celui de la liste des suspects établis par le Rwanda en 1996.

Beaucoup de questions viennent à l’esprit lorsqu’on tombe sur des cas flagrants comme ceux-ci. Comment peuvent-ils s’installer et vivre impunément en France pendant qu’ils sont recherchés pour génocide ?

On se souvient de l’attitude de la France de l’époque qui a permis l’arrivée d’un grand nombre d’entre eux. Pour information, l’OFPRA est sous la tutelle du Ministère des Affaires Etrangères. On comprendra aisément les facilités dont ils ont bénéficiés.

Au point ou nombre d’entre eux ont intégré les dispositifs français d’accueil et d’insertion des refugiés. Un véritable appel d’air. Et que ces derniers avaient organisé l’arrivé des autres. Bien plus, la France avait demandé à des pays africains d’accueillir ces prétendus refugiés. Pour ceux d’entre eux dont les demandes d’asile sont rejetés, hein bien, il n’y a pas de suite judiciaire, ils peuvent vivre sans être iniquité.

Madiapart qui a consulté la jurisprudence de l’OFPRA a identifié dix sept suspects de génocide sans poursuites pénales à ce jour. Les suspects du génocide contre les tutsis en France ne chôment pas.

Ils sont très investis dans leur réseau associatif. En effet, ils se sont attelés à l’implantation d’un véritable réseau militant. On se rappelle du Rassemblement pour le retour des refugiés et la Démocratie au Rwanda, « RDR ».

Son document de travail prévoyait déjà « la création des associations, servant de couverture aux activités de collecte ou de transit d’argent ». Le Cercle de Solidarité des Rwandais de France « CSRF » prend naissance en France en aout 1995. Et ces associations affiliées vont fleurir un peu partout en France, trente une dans quinze départements : Paris, Essonne, Hauts de Seine, Val de Marne, Yvelines, Amiens, Bordeaux, Besançon, Orléans, Le Havre, Lille, Lyon, Rennes, Reims, Rouen, Le Tarn, Strasbourg, Toulouse et Tours.

Depuis leur arrivé en France, c’est-à-dire 1994, ces refugiés devenus pour la plupart d’entre eux Français, sont quadrillés par un noyau d’extrémistes qui étouffe toute velléité échappant à son contrôle. Et « une génération de jeunes Européens d’origine Rwandaise a grandi au sein de cette diaspora, façonnés dans la rancœur, bercés par les mensonges et pétris d’idéologie par ceux qui souhaitent à tout prix éviter la réconciliation des rwandais ».

Cette situation a perduré grâce à l’impunité des génocidaires en France, le déni entretenu par les responsables politiques en France qui se sont même fait l’écho d’une campagne de désinformation et de propagande en vue de réécrire l’histoire.

Theo Englebert n’est pas à son premier coup d’éclat concernant les extrémistes hutus en France. Nous lui devons une révélation qui a valu la poursuite d’un des militaires ex Far.

En effet, dans un article évocateur : « Génocide au Rwanda : Aloys Ntiwiragabo, un vieux Monsieur si tranquille » A l’issue de cet article, la justice française a ouvert le 25 juillet 2020 une enquête préliminaire pour « crimes contre l’humanité » contre Aloys Ntiwiragabo, ancien chef des renseignements militaires sous Habyarimana.

En date du 11 décembre 2019, dans le journal Le Poulpe, il avait décrit le réseau mafieux des extrémistes hutus à Rouen, sous le titre : « Rouen et Seine Maritime, discrètes bases arrière des extrémistes rwandais ces vingt dernières années »

Le réchauffement des relations entre la France et le Rwanda consécutif au rapport Duclert n’est pas de nature de dissiper les nuages qui s’assombrissent dans leur ciel.


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