La légitimité de l’AFC/ M23 en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 25 janvier 2025 à 02:12

Toutes les rébellions ne sont pas intrinsèquement illégitimes. Certaines, bien qu’opposées aux structures en place, naissent d’une quête fondée de justice, de dignité et de droits fondamentaux.

A l’instar de nombreuses révoltes historiques qui furent ultérieurement reconnues comme légitimes, le Mouvement du 23 mars (M23) puis la coalition AFC/M23 en République Démocratique du Congo s’inscrit dans une logique similaire. Loin d’être un simple fauteur de troubles, ce mouvement constitue une réponse à des injustices structurelles profondément enracinées dans l’histoire et la politique de l’Est congolais.

Dès lors, il convient d’examiner avec rigueur et nuance la légitimité de cette cause, en dépassant les approches réductrices et les jugements péremptoires.

Une insurrection adossée à des revendications légitimes

La légitimité d’un soulèvement se mesure à l’aune de ses revendications. Le M23, issu de l’échec des accords de paix de 2009, incarne une contestation fondée sur des griefs réels et objectivement constatables.

Ces accords, conclus entre le gouvernement congolais et le CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple), avaient pour vocation de garantir la protection des tutsi congolais, et de pacifier une région historiquement instable. Cependant, l’incurie du gouvernement central à honorer ses engagements a exacerbé les frustrations et les sentiments de marginalisation au sein des populations concernées.

Le M23 ne revendique ni hégémonie ni anarchie. Son combat est centré sur des droits fondamentaux tels que la reconnaissance de la citoyenneté, la sécurité des communautés et l’accès équitable aux ressources. Ces revendications s’alignent sur les principes fondamentaux du droit international, notamment ceux énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

La recherche de ces droits n’est pas un acte de subversion, mais une affirmation légitime de la dignité humaine.

L’échec des institutions congolaises et la complicité tacite des puissances internationales

L’analyse de la légitimité de l’AFC/M23 ne saurait faire abstraction du rôle du gouvernement congolais, ni de l’inertie de la communauté internationale. Depuis des décennies, Kinshasa se caractérise par une gouvernance centralisée, opaque et souvent prédatrice. Sous le régime actuel de Félix Tshisekedi, cette dynamique s’est amplifiée. Incapable de répondre aux aspirations de ses citoyens, le gouvernement a recouru à des stratégies de division ethnique et à la manipulation des tensions intercommunautaires, exacerbant ainsi les fractures sociales dans l’Est du pays.

Dans ce contexte, la MONUSCO (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en RDC) et d’autres acteurs internationaux se sont fourvoyés en soutenant tacitement ou explicitement des coalitions incluant des groupes comme les FDLR, les criminels wazalendo, les mercenaires.

Les FDLR directement impliqués dans le génocide contre les tutsi de 1994, continuent de perpétrer des exactions contre des populations civiles. En choisissant de privilégier une étiquette diplomatique au détriment des impératifs de justice, la communauté internationale s’est rendue complice d’une situation intenable.

Le M23, dans ce cadre, apparaît non pas comme un acteur de chaos, mais comme une tentative de rétablir un ordre équitable face à des institutions défaillantes et des alliances internationales aveugles aux réalités du terrain.

Une opportunité pour la justice et la gouvernance inclusive

Loin de constituer une menace existentielle pour la République Démocratique du Congo, l’AFC/M23 pourrait offrir une opportunité historique de refondation de la gouvernance dans les provinces orientales.

A l’instar de l’expérience du Kurdistan irakien, la création d’une entité fédérale jouissant d’une autonomie accrue permettrait de répondre aux besoins spécifiques des communautés locales, tout en préservant l’unité nationale.

Cependant, un tel projet nécessite un changement de paradigme. Les puissances occidentales, en particulier les États-Unis et l’Union

européenne, doivent cesser de considérer les rébellions sous un prisme exclusivement sécuritaire ou diplomatique. Elles doivent, au contraire, adopter une approche fondée sur la justice et le respect des droits humains. Cela implique non seulement de dialoguer avec l’AFC/M23, mais également de soutenir ses efforts pour établir une gouvernance locale fondée sur la transparence, l’inclusion et l’équité.

Le Mouvement du 23 mars, loin d’être une simple rébellion armée, incarne une lutte légitime pour des droits fondamentaux trop longtemps bafoués. Ses revendications, bien que controversées, trouvent leur fondement dans les principes universels de justice et d’équité. Plutôt que de condamner ce mouvement, la communauté internationale devrait reconnaître qu’il est le symptôme d’un échec systémique et le vecteur potentiel d’une solution durable.

La RDC mérite mieux qu’un statu quo marqué par l’injustice et l’instabilité. L’AFC/M23, dans sa quête de justice, pourrait bien représenter une étape cruciale vers un avenir plus juste, plus libre et plus prospère.

Corneille Nangaa et Bertrand Bisimwa.

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