Ainsi s’opère un cycle désormais bien rodé : un projet est inscrit au budget national, l’argent est voté, décaissé, souvent en urgence mais l’ouvrage ne voit jamais le jour. Ni infrastructures, ni services, ni comptes rendus : seul demeure un silence assourdissant sur l’utilisation des fonds.
Aucune poursuite n’est engagée, aucun audit n’est publié, aucune interpellation n’a lieu. L’autorité judiciaire, pourtant gardienne de la légalité républicaine, observe cette déliquescence avec une passivité quasi complice. La République, déjà fragile, vacille dans les interstices d’un État devenu impotent, voire complice de sa propre dilapidation.
L’impunité érigée en doctrine : entre cécité judiciaire et renoncement politique
L’indignation populaire, si elle se fait entendre avec vigueur sur les réseaux sociaux, est très vite étouffée dans l’œuf par une stratégie de disqualification morale. Quiconque ose poser la question du détournement de fonds, du sabotage planifié des projets publics ou du silence coupable de l’exécutif, se voit aussitôt affublé des pires intentions. "Rwandais", "ennemi de la nation", "haineux", "proche de l’opposition", ou pire encore : accusé de vouloir attenter à la vie du chef de l’État.
Cette inversion perverse des responsabilités, où le citoyen devient traître pour avoir osé poser la question de la transparence, révèle un système de gouvernance profondément vicié, où la reddition des comptes n’est plus une exigence démocratique, mais un acte de trahison politique.
Et pourtant, l’alerte est donnée jusqu’au sein du cercle du pouvoir. L’ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi, dans un moment de franchise télévisée devenu viral, a confessé sans fard que, dès qu’un financement est disponible, "on se le partage d’abord, puis on verra plus tard pour le projet".
Une telle déclaration, dans une République saine, aurait dû provoquer une onde de choc institutionnelle, un séisme politique, un sursaut moral. Mais dans la RDC actuelle, elle s’est dissoute dans l’indifférence, comme un aveu banal dans un pays où la norme semble être la forfaiture.
Le silence du chef : entre abdication morale et compromission historique
Ce qui frappe, au-delà même de la gabegie budgétaire ou de l’immobilisme judiciaire, c’est le mutisme glaçant du chef de l’État lui-même. Face à l’accumulation d’affaires non élucidées, aux dénonciations émanant de son propre camp politique, et aux accusations de détournement ciblant son entourage immédiat, le président Félix Tshisekedi choisit le silence.
Aucun discours de fermeté, aucun acte symbolique, aucune convocation disciplinaire. Le chef suprême de la magistrature, garant de l’intégrité des institutions, semble avoir opté pour la politique de l’évitement, laissant la République dériver sous les vents croisés de la prédation et de l’impunité.
Il ne suffit pas d’appeler à la "rupture" ou de clamer, à l’orée de chaque campagne électorale, un renouveau moral du pouvoir. Il faut poser des actes. Car à défaut, la République est en train d’être dévitalisée, vidée de son sens, de son autorité, et de sa légitimité. L’Histoire retiendra, non les discours fleuris ni les promesses exaltées, mais la réalité brute : celle d’une nation trahie par ceux qui avaient juré de la servir.

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