Le ministre Bizimana interpelle la Belgique sur sa responsabilité historique dans le génocide

Redigé par IGIHE
Le 8 avril 2025 à 12:51

Le ministre de l’Unité nationale et de l’Engagement civique, Dr Jean Damascène Bizimana, a indiqué que la Belgique porte une lourde responsabilité dans les pages sombres de l’histoire du Rwanda, ayant contribué à l’engrenage qui a mené au génocide perpétré contre les Tutsi en 1994.

Le ministre a partagé cette analyse ce lundi 7 avril 2025, lors du lancement officiel des 100 jours de commémoration du 31e anniversaire du génocide contre les Tutsi.

La cérémonie, qui a réuni plusieurs hauts responsables, a débuté par un dépôt de gerbes sur les tombes de plus de 250 000 victimes, au Mémorial du génocide de Kigali. Elle a été présidée par le Président Paul Kagame et la Première Dame Jeannette Kagame, qui ont également allumé la Flamme de l’Espoir.

Dans son discours, le ministre Dr Bizimana a retracé l’implication de la Belgique dans l’histoire des divisions ethniques au Rwanda, divisions qui ont conduit au génocide des Tutsi.

Il a souligné qu’au cours de 109 ans, aucun autre pays n’a eu une influence aussi dévastatrice sur un autre que celle exercée par la Belgique sur le Rwanda.

« Le génocide contre les Tutsi trouve ses racines dans une colonisation qui a semé des divisions ethniques, ouvrant ainsi la voie à la planification et à l’exécution du génocide, tandis que la communauté internationale restait indifférente. Une analyse approfondie de cette histoire démontre qu’aucun pays, en 109 ans, n’a infligé une destruction aussi systématique à un autre que la Belgique l’a fait au Rwanda depuis sa colonisation », a-t-il déclaré.

Cette 31e commémoration se déroule dans un contexte marqué par des tensions diplomatiques entre le Rwanda et la Belgique, ce dernier accusant le Rwanda d’être impliqué dans le conflit en République Démocratique du Congo, tout en appelant à des sanctions contre Kigali.

« Ces accusations s’ajoutent à d’autres comportements jugés hostiles de la Belgique, notamment le refus d’accréditer un ambassadeur rwandais, la protection de génocidaires présumés, ainsi que le soutien à des groupes visant à déstabiliser le Rwanda.

Ces actions ont conduit le Rwanda à suspendre ses relations diplomatiques avec la Belgique.

Le ministre Bizimana a souligné que cette attitude belge remonte bien au-delà des événements récents.

« En 1916, la Belgique, l’Allemagne et le Royaume-Uni se sont mis d’accord pour redéfinir les frontières du Rwanda, un royaume qui s’était étendu sous les règnes des rois Ruganzu II Ndori (1600-1623) et Kigeli Nyamuheshera (1648-1692), englobant alors des territoires tels que Masisi et Rutshuru », a-t-il expliqué.

Il a ensuite évoqué plusieurs lois coloniales injustes : celle du 21 mars 1917 instaurant des châtiments corporels, celle du 26 juillet 1925 abolissant la souveraineté du Rwanda, et celle du 11 janvier 1926 soumettant le pays à la législation coloniale du Congo belge.

Ces lois ont imposé une injustice systémique, divisant profondément la société rwandaise.

Entre 1924 et 1946, la Belgique a signé des accords avec la Société des Nations, puis avec l’ONU, s’engageant à garantir l’autonomie politique, le développement économique et social du Rwanda, un accès équitable à l’éducation, et le respect des droits humains, sans discrimination fondée sur l’ethnie, le sexe ou la religion.

Cependant, selon Dr Bizimana, la Belgique a trahi ces engagements en instaurant une politique de division ethnique, inspirée de son propre modèle de séparation entre Flamands et Wallons.

« Il a rappelé que le roi Musinga s’était fermement opposé à cette politique coloniale, ce qui lui valut son exil au Congo en 1931. Il fut remplacé par son fils, le roi Rudahigwa.

Afin de gagner les faveurs des autorités belges, Rudahigwa accepta le baptême en 1943, puis consacra le Rwanda au Christ-Roi en 1946. Ce geste lui valut l’approbation du pape Pie XII, qui lui remit une médaille le 20 avril 1947. Cependant, le roi Rudahigwa tenta par la suite de mettre fin aux injustices imposées par la Belgique et se lança dans la lutte pour l’indépendance du pays — une démarche qui suscita l’irritation des autorités coloniales.

La Belgique prit alors la décision d’éliminer Rudahigwa. Il mourut en juillet 1959 dans des circonstances mystérieuses.

« Aucun autre pays d’Afrique n’a connu la tragédie de voir deux de ses rois, père et fils, être tués par les colonisateurs. » a affirmé le ministre Bizimana.

Après l’assassinat de Rudahigwa, la Belgique facilita l’ascension du parti Parmehutu, une formation politique fondée sur une idéologie ethniste.

Ce parti prétendait que le pays appartenait exclusivement aux Hutu, et institutionnalisa ainsi la persécution systématique des Tutsi, transformant les massacres en une politique d’État.

En novembre 1959, la Belgique ordonna la déportation forcée des Tutsi vers des régions spécifiques, dont le Bugesera. À la fin de 1961, plus de 13 000 Tutsi y avaient été relégués, vivant dans des conditions inhumaines. Bien que ces personnes aient demandé à revenir dans leurs foyers, la Belgique leur refusa catégoriquement cette possibilité.

« Le 17 novembre 1959, le colonel Guy Logiest, avec le soutien de Mgr Perraudin, convoqua les responsables administratifs et leur ordonna de remplacer tous les fonctionnaires tutsi par des hutu, en diffusant cette décision par un communiqué officiel. » a poursuivi le Dr Bizimana.

« Le parti UNAR, qui luttait pour l’indépendance, fut dénigré et présenté comme un parti exclusivement tutsi, bien qu’il regroupait des Rwandais de toutes origines.

Le 23 juin 1961, la Belgique adopta une loi controversée qui ordonnait la libération de 2 000 personnes responsables des massacres commis entre 1959 et 1961. Cette législation concernait des auteurs de crimes graves, tels que les assassinats, les incendies, les tortures et les pillages.

Selon le ministre, un document belge stipulait que l’armée nationale devait être exclusivement composée de Hutu : « Il ne faut pas, au nom de l’impartialité ou de la démocratie, y intégrer le moindre Tutsi. Si certains désirent y entrer, on prétextera qu’ils ne sont pas compétents. Même si cette politique est profondément injuste, nous ne voulons pas mélanger les moutons et les chèvres. »

Dr Bizimana a conclu que l’idéologie discriminatoire imposée par la Belgique a profondément marqué les deux premières Républiques du Rwanda et a été l’un des facteurs déterminants ayant conduit au génocide de 1994.

Après le génocide, la Belgique a persisté dans le déni de ses responsabilités, en protégeant les auteurs du crime et en tolérant la négation des faits.

« Depuis juillet 1994 jusqu’à aujourd’hui, la Belgique demeure le seul pays d’Europe où la négation du génocide contre les Tutsi et la falsification de l’histoire se poursuivent ouvertement, sans aucune conséquence. Il serait impensable que quiconque ose nier l’Holocauste sans en subir les répercussions, alors que les deux crimes sont reconnus au même niveau dans le droit international. » a-t-il dénoncé, ajoutant que de nos jours, certains documents utilisés par certains pays pour diffamer le Rwanda sont rédigés par de prétendus experts belges, qui prétendent connaître le pays, alors qu’en réalité, ils ont contribué à saboter ses chances de développement.

Dr Jean Damascène Bizimana, a indiqué que la Belgique porte une lourde responsabilité dans les pages sombres de l’histoire du Rwanda
Le ministre Dr Bizimana a retracé l’implication de la Belgique dans l’histoire des divisions ethniques au Rwanda
La cérémonie a réuni plusieurs participants au Mémorial du génocide de Kigali

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