Ainsi s’ébranle, dans le huis clos sacré de l’Église, l’une des plus anciennes et plus secrètes procédures électorales du monde, qui fait se conjuguer prière, stratégie, inspiration divine et luttes d’influence dans l’attente d’un nom, d’un souffle, d’une vision.
Ce jour inaugural verra s’accomplir le premier scrutin, à l’issue duquel il est peu probable que se dégage une majorité des deux tiers, soit 89 suffrages sur les 132 attendus, seuil indispensable à la proclamation du nouvel évêque de Rome. Ce premier tour, traditionnellement révélateur de la configuration des forces en présence, permet d’identifier les grandes tendances : conservateurs ou réformateurs, latins ou orientaux, voix du Nord global ou souffle du Sud émancipé, autant de clivages qui s’invitent dans cette joute feutrée entre pourpre cardinalice et encens liturgique.
Les Pères électeurs seront soumis à un isolement d’une rigueur absolue, comme le veut la tradition instaurée pour préserver la pureté de leur discernement. Aucun téléphone portable ne franchira les murailles du conclave, et les réseaux de communication seront drastiquement interrompus. C’est là un temps suspendu, soustrait au tumulte du monde, une retraite monastique où le silence de la prière se fait écrin du murmure de l’Esprit. Il n’y aura ni fuite, ni indiscrétion : seule la fumée s’élèvera au ciel, blanche ou noire, telle une énigme adressée à l’univers.
Mais derrière ce rituel séculaire, c’est tout un enjeu géopolitique, doctrinal et pastoral qui s’esquisse. D’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine, d’Europe centrale ou méridionale pourraient émerger des profils aux accents distincts, révélateurs de l’évolution du centre de gravité de la catholicité.
Les spéculations vont bon train : le prochain pape portera-t-il l’empreinte d’une tradition intransigeante, restauratrice des formes doctrinales et liturgiques du passé ? Ou incarnera-t-il la continuité réformiste du pontificat de François, porté par les périphéries, le dialogue interreligieux et les luttes sociales ?
Qu’il vienne du vieux continent ou des terres enfiévrées du Sud global, qu’il soit homme d’étude ou de terrain, mystique ou diplomate, le nouveau pontife devra faire face à un monde fracturé, à une Église traversée par les tensions, secouée par la sécularisation, la crise des abus, la défiance envers les institutions.
Il lui reviendra de réaffirmer le rôle du successeur de Pierre dans un temps de grande dislocation morale et politique, de ranimer la flamme d’un message universel sans en amoindrir l’exigence, d’incarner l’espérance sans céder à la mollesse.
Le conclave, dans sa discrétion solennelle, se veut le lieu d’une écoute ardente : celle de Dieu, mais aussi du monde. L’Église catholique, qui ne vit ni dans l’ombre des États ni dans les palinodies médiatiques, mais dans l’épaisseur des siècles, attend aujourd’hui un pasteur capable d’unir les peuples, d’enseigner avec autorité, et d’aimer sans relâche.
À l’heure où le ciel de Rome guette la prochaine volute de fumée, c’est l’histoire qui retient son souffle.

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