Une telle assertion, d’apparence triviale, révèle pourtant l’ampleur abyssale du mal et l’enracinement d’une impunité érigée en système. La prédation des ressources publiques ne relève plus d’une déviance marginale, mais d’un mode opératoire structurel, sanctuarisé dans les hautes sphères du pouvoir. Dès lors, comment ne pas soupçonner la sélectivité des poursuites, le ciblage opportuniste, la justice à géométrie variable ?
La récurrence de ces procédures spectaculaires, visant toujours les figures réfractaires à l’unanimisme ambiant, trahit une tentation inquisitoriale inquiétante : celle d’un pouvoir en quête d’hégémonie, qui substitue au débat contradictoire l’intimidation judiciaire, et à la légitimité politique l’excommunication par voie de prétoire.
Dans un tel climat, la lutte contre la corruption se vide de sa substance éthique pour se muer en outil de régulation autoritaire un glaive brandi non au nom du droit, mais au service d’une consolidation du pouvoir par l’élimination méthodique des voix dissidentes.
Le feuilleton judiciaire autour de l’ancien Premier ministre Matata Ponyo continue d’ébranler la scène politique congolaise, tant il révèle, au-delà des apparences procédurales, les ressorts profondément politisés d’une justice de circonstance. Ce procès, présenté comme une opération de reddition des comptes, se révèle à l’examen comme l’illustration éloquente d’une dérive inquiétante : celle d’une justice instrumentalisée à des fins d’élimination politique. Car derrière la rhétorique de la lutte contre l’impunité se profile une volonté manifeste de neutralisation d’un homme d’État dont le tort principal n’est ni l’enrichissement illicite ni la malversation avérée, mais bien son refus constant de se plier à l’orthodoxie partisane de l’Union sacrée prônée par le président Tshisekedi.
À cet égard, les propos du professeur Laurent Onyemba, avocat de la défense, résonnent comme une mise en garde intellectuelle contre le travestissement du droit par la narration politique : “ce n’est ni plus ni moins qu’une juxtaposition de faits isolés du droit, un récit d’historien qui se promène en droit.”
On y décèle le parfum d’un jugement déjà rendu avant même l’instruction du fond, d’un verdict dicté par les contingences politiques plus que par les rigueurs de la preuve. Car c’est bien là le cœur du scandale : une procédure viciée, grevée d’intentions inavouées, où l’on tente de faire porter à Matata non seulement le poids d’un passé contesté, mais aussi celui d’une proximité réelle ou supposée avec l’ancien président Joseph Kabila, devenu aujourd’hui l’épouvantail commode d’un pouvoir en quête de légitimité absolue.
Matata Ponyo, figure intellectuelle et politique d’envergure, n’est pas seulement jugé pour des faits : il l’est pour ce qu’il incarne, pour l’alternative qu’il représente, pour cette voix dissonante qui refuse de se fondre dans le chœur des courtisans. Dans une démocratie en construction, le pluralisme politique ne devrait pas être perçu comme une menace, mais comme une richesse à préserver.
Or, ce procès donne à voir tout le contraire : un système qui peine à tolérer la dissidence, et qui recourt à l’arsenal judiciaire comme substitut aux débats politiques.
Il ne s’agit point ici de blanchir a priori toute action de l’ancien Premier ministre, mais de rappeler que la justice, pour demeurer digne de ce nom, se doit d’être impartiale, indépendante, insensible aux caprices du pouvoir exécutif. En son absence, elle devient l’ombre d’elle-même un théâtre où l’on juge les opposants sous le masque du droit, tout en laissant prospérer, à l’ombre du silence, les affidés du régime.
L’affaire Matata Ponyo ne met donc pas seulement un homme en accusation : elle interroge, au plus profond, l’état de la démocratie, la solidité des institutions, et la capacité de la justice à résister à la tentation inquisitoriale.
Le peuple congolais mérite mieux qu’une parodie de justice : il mérite la vérité, la rigueur, l’équité et la fin des procès à visée politique.

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