Quand la mort d’Habyarimana hanta Mitterrand

Redigé par IGIHE
Le 7 avril 2025 à 12:54

C’était dans la nuit du 6 avril 1994, que la nouvelle tomba au Palais de l’Élysée à Paris, résidence officielle du président français de l’époque, François Mitterrand, lorsque ses conseillers furent bouleversés d’apprendre la mort de Juvénal Habyarimana.

Mitterrand considérait Habyarimana comme un ami proche, presque comme un fils. Leur amitié remontait à de nombreuses années, nourrie par l’implication profonde de la France dans les affaires internes du Rwanda dès les premiers temps de son indépendance.

En décembre 1962, la France signa un accord de coopération avec le Rwanda, couvrant les domaines civil et militaire. En juillet 1975, un accord militaire spécial fut conclu entre les deux pays. Dès l’année suivante, la France commença à fournir du matériel militaire au Rwanda, ainsi que des formateurs pour encadrer ses forces armées.

Six ans plus tard, en 1981, Mitterrand accéda à la présidence et trouva les relations franco-rwandaises au beau fixe. Il choisit de les renforcer davantage. En 1983, l’accord militaire fut révisé afin d’inclure une clause autorisant les troupes françaises à combattre aux côtés des forces rwandaises, si la situation l’exigeait.

Cependant, tout au long de ce partenariat, la France ferma les yeux sur la répression croissante exercée par le régime rwandais : massacres de masse de Tutsi, discriminations ethniques institutionnalisées, et déplacements forcés à grande échelle. Le pouvoir en place avait ancré la division ethnique dans toutes les sphères de la société.

Ces accords furent signés à peine un an après que le gouvernement rwandais eut expulsé des réfugiés tutsi, revenus d’Ouganda pour chercher refuge dans leur pays d’origine, mais à nouveau contraints à la fuite.

Un rapport des Nations unies publié en 1964 signalait que plus de 300 000 réfugiés rwandais vivaient en exil en Tanzanie, en Ouganda, au Burundi et au Zaïre. Tous fuyaient une violence systémique orchestrée par l’État lui-même. Pourtant, malgré ces alertes internationales, la France choisit de ne pas intervenir.

Cette relation étroite explique le profond désarroi de Mitterrand à l’annonce de la mort d’Habyarimana. Aux côtés de ses conseillers, il accusa rapidement l’ancienne Armée patriotique rwandaise (APR) d’avoir abattu l’avion présidentiel.

Et ce, en dépit du fait que la France avait, pendant des années, approvisionné le régime Habyarimana en armement lourd, y compris des systèmes sophistiqués de missiles sol-air capables de neutraliser un appareil en vol. Ces équipements avaient été livrés au Rwanda dès la matinée du 10 octobre 1990, comme l’a reconnu l’un des conseillers de Mitterrand lui-même.

Mitterrand tourna le dos au Rwanda

Après avoir perdu celui qu’il considérait comme un fils, Mitterrand ne parvint pas à accepter le nouveau gouvernement rwandais, dirigé par le Front patriotique rwandais (FPR-Inkotanyi). Il commença à marginaliser le Rwanda sur la scène internationale, à un moment où le pays avait désespérément besoin de soutien.

En novembre 1994, Mitterrand organisa son très attendu Sommet France-Afrique, auquel participèrent 25 chefs d’État africains. À l’ordre du jour figuraient les relations franco-africaines, avec une attention particulière accordée au Rwanda, alors en pleine reconstruction après l’horreur du génocide contre les Tutsi.

Cependant, le Rwanda ne fut pas invité. Mitterrand considérait le nouveau gouvernement, dirigé par le FPR, comme un ennemi de la France, selon le Dr Charles Murigande, alors conseiller diplomatique du président rwandais.

« Le fait que nous n’ayons pas été invités à ce sommet de Biarritz ne signifie pas que les autres pays africains considéraient le Rwanda comme un paria. […] Mais, évidemment, le nouveau président du Rwanda ne pouvait pas se rendre en France sans invitation. » expliqua-t-il, ajoutant que la honte de Mitterrand était déjà perceptible sur la scène internationale.

« Ne pas être invités par la France ne nous a pas surpris. C’était tout simplement Mitterrand. Cela reflétait son état d’esprit. Il avait soutenu ceux qui avaient détruit le Rwanda. Naturellement, il ressentait de la honte. Il n’aurait jamais eu le courage d’inviter le président du Rwanda à Biarritz. » indique Murigande.

Aujourd’hui, les relations entre la France et le Rwanda se sont considérablement rétablies, en grande partie grâce à la volonté du président Emmanuel Macron de restaurer les relations diplomatiques entre les deux nations.

Mitterrand considérait Habyarimana comme un ami proche, presque comme un fils

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