Alexis de Tocqueville, cela ne vous dit rien ? C’est dommage, car à l’heure de Trump, de Poutine ou d’Orban, il faut le lire d’urgence. L’auteur de De la démocratie en Amérique a en effet tout compris de la démocratie, de sa grandeur, de sa médiocrité et de ses risques. Dès les années 1830, il avait compris qu’un rustre pourrait un jour présider la première nation au monde, que des citoyens pouvaient voter pour un mufle sans surmoi.
Il suffisait qu’ils aient l’impression qu’il les comprend, et qu’il leur dise ce qu’ils voulaient entendre. Lisez le deuxième tome de De la démocratie en Amérique : Tocqueville nous y décrit avec des phrases quasi prophétiques ce que peut devenir une démocratie quand elle repose sur l’individualisme le plus forcené conjugué à la passion de l’égalitarisme. On a parfois le vertige en lisant ces pages, rédigées en 1840. Tocqueville n’était pourtant pas devin. Rien de magique dans cette œuvre. L’arrière-petit-fils de Malesherbes s’est contenté d’observer, d’interroger et de tirer les conséquences de ce qu’il a vu et entendu.
« La démocratie comme une croix » (Sainte-Beuve)
Le dossier que lui consacre aujourd’hui Le Point (1) explique comment il en est arrivé là, d’où lui sont venus sa passion de la liberté, son sens de la justice, son goût de l’ordre, aussi. L’aristocrate ne se fait guère d’illusions sur la démocratie, ce régime fondé sur la volonté générale : il a déjà produit la Terreur et massacré sa famille. Sainte-Beuve disait qu’il portait « la démocratie comme une croix » et il n’avait pas tort. Mais si Tocqueville l’accepte, cette démocratie, c’est parce qu’elle va dans le sens de l’histoire. Lui, pourtant, rêve d’un régime qui protège les libertés de l’individu tout en assurant le fonctionnement harmonieux du pays, d’une société décentralisée où la communauté locale jouerait un rôle important, comme aux États-Unis, etc. Sa « démocratie » n’était ni celle, jupitérienne, d’Emmanuel Macron, ni la social-démocratie « molle » de François Hollande. Ce n’était pas non plus celle dont rêvaient ses concitoyens. On lui préféra l’Empire autoritaire de Napoléon III.
Cette capacité qu’a le peuple de s’imposer des chaînes, Tocqueville l’avait prévue ; il ne fut pas surpris, mais déçu. Il ne faut donc pas le lire ou le relire parce qu’il a réussi, mais parce qu’il a échoué à convaincre. Parce qu’il a démontré combien la démocratie est un régime fragile : on la croit installée, et pfft, elle est partie, envolée, effacée. Les élections ne sont alors plus qu’un simulacre ; les institutions n’obéissent plus qu’à un seul ; le régime est devenu une « démocrature », ce nouveau terme à la mode pour désigner une dictature choisie par les électeurs, comme en Turquie, en Russie ou ailleurs. Or ce que nous dit également Tocqueville, c’est que, dans les démocraties, on a les dirigeants que l’on mérite...
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