Le déploiement de réseaux VDSL2 est officiellement autorisé en France pour l’automne. Vendredi 26 avril, un comité d’experts a rendu au régulateur des télécoms, l’Arcep, un avis favorable à l’exploitation commerciale de cette technologie par les fournisseurs d’accès Internet (FAI) français.
Le VDSL2 exploite le réseau téléphonique en cuivre pour améliorer les débits par rapport à l’ADSL, qui dépasse rarement les 20 mégabits par seconde (Mb/s). La technologie peut atteindre jusqu’à 100 Mb/s en téléchargement, un débit proche de celui actuellement offert en France par la bien plus onéreuse fibre optique. L’Arcep évoque pour sa part des débits réels maximum à 50 Mb/s, incapables de rivaliser avec la fibre.
Malgré un coût d’à peine quelques euros par ligne, la technologie a tout de même ses contraintes. L’abonné doit se trouver à moins d’un kilomètre du répartiteur (la multiprise qui distribue les connexions), auquel il doit être connecté directement et non via un sous-répartiteur... Sauf si l’équipement date d’après 2005.
Au-delà de ce kilomètre, l’abonné obtient des débits équivalents à ceux de l’ADSL. L’Arcep estime que les gains concerneront 16 % des lignes en France, avant tout en zones rurales où peu de sous-répartiteurs sont nécessaires.
UN PLAN TRÈS HAUT DÉBIT CENTRÉ SUR LA FIBRE
Le gouvernement pilote désormais les déploiements des nouveaux réseaux dans l’objectif du haut débit "pour tous" en 2017 et le très haut débit "pour tous" dans dix ans, principalement par la fibre optique. Le très haut débit (habituellement estimé à 100 Mb/s minimum) est au cœur des préoccupations des pouvoirs publics et des opérateurs.
Ces derniers pointent les investissements lourds induits par la fibre, et le désintérêt des internautes qui connaissent peu les capacités de ces nouveaux réseaux face à l’ADSL sur cuivre, encore performant. Le gouvernement prône un "mix" technologique, composé de technologies filaires et hertziennes pour couvrir l’ensemble du territoire, avec la fibre optique comme objectif principal.
Pour financer ce "chantier prioritaire" estimé à 30 milliards d’euros, le gouvernement a décidé d’un financement public-privé de 20 milliards d’euros et a mis en place un pilotage public.
Cette mission très haut débit, dirigée par un ancien de l’Arcep, Antoine Darodes, a notamment pour objectif d’inciter les opérateurs à abandonner progressivement le réseau cuivre, rentable, pour la fibre optique.
Pour Antoine Darodes, "l’extinction du cuivre est essentielle" au passage au très haut débit. Avec Orange, un essai a d’ailleurs lieu en 2013 à Palaiseau : l’ensemble des abonnés de cette ville de 30 000 habitants seront basculés sur un réseau fibre.
UNE FORME DE "RETOUR AU CUIVRE"
Dans ce contexte d’abandon prévu du réseau cuivre, l’autorisation de l’exploitation du VDSL2 ressemble à une anomalie. Elle s’explique notamment par les évolutions techniques, qui permettent aujourd’hui une bien meilleure gestion des interférences et donc un meilleur débit.
"Les gains actuels du VDSL sont incomparables avec ceux qu’on pouvait attendre [à sa première analyse par l’Arcep] en 2006", explique Benoît Felten, co-fondateur du cabinet d’analyse Diffraction Analysis.
Cette technologie s’intègre surtout dans l’accompagnement des zones rurales peu denses, où l’ADSL arrive difficilement et où l’installation de la fibre optique coûte extrêmement cher. Le VDSL2 est ainsi une réponse à court terme pour améliorer ces connexions et rendre plus attractives ces régions. La solution serait adaptée à ces zones rurales, notamment les petits bourgs, et permettrait donc de faire progresser la lutte contre la fracture numérique dans les années à venir.
"L’Arcep a toujours été claire sur ce que le VDSL2 allait faire ou pas, contrairement à certains équipementiers et opérateurs qui vendaient monts et merveilles. Nos études nous ont surpris quand on a constaté que cette technologie était beaucoup plus efficace en zone rurale.
On travaille sur une agglomération de province : au cœur, seuls 10 % des lignes vont bénéficier du VDSL2, en périphérie, ce sont 30 % qui vont en bénéficier. Plus d’utilisateurs sont servis en direct par ces répartiteurs que par les plus gros des grandes villes", explique Benjamin Fradelle, consultant auprès des collectivités au cabinet Tactis.
"Au-delà du rural, cette technologie est très efficace pour les collectivités qui mettent en place une montée en débit dans les ’zones d’ombre’ [trop éloignées des équipements télécoms pour une bonne qualité]. D’après nos études, 70 % à 80 % des lignes peuvent profiter à plein du VDSL (entre 30 et 50 Mb/s). Là les collectivités ont des arbitrages à faire : investir peu dans du VDSL maintenant et repousser un petit moment des investissements plus lourds sur la fibre", poursuit le spécialiste.
DES INVESTISSEMENTS NÉCESSAIRES REPOUSSÉS
Cette montée en débit des zones reculées s’appuie sur l’offre "point de raccordement mutualisé" (PRM) d’Orange, qui dispose d’un monopole surveillé par l’Arcep. "Evidemment, ça donne une seconde vie au cuivre et ça va rapporter à France Télécom tous les mois 10 euros par ligne.
On a ici quelque chose de simple et rapide à mettre en place, dont le service n’est pas forcément satisfaisant par rapport à la fibre, qui est bien plus complexe à déployer, notamment en termes d’obligations", appuie M. Fradelle. On estime qu’un investissement en VDSL2 repousse ceux en fibre de cinq à sept ans. La solution de l’opérateur historique ne recueille d’ailleurs pas tous les suffrages.
"Il faut à tout prix miser en priorité sur la fibre optique, et pourquoi pas le câble, puis conserver PRM et le VDSL2 pour les poches hyper locales. Hélas, certains élus de départements ou régions font l’erreur de privilégier cette offre d’un opérateur privé pour traiter l’ensemble de leur territoire et espèrent faire quelques économies – de temps et d’argent – sans considérer tous les risques que constitue un tel choix pour l’évolution technologique et l’offre concurrentielle", estime un autre consultant. "Il faut raisonner de façon pragmatique et ne pas céder à la facilité ou la pression de certains élus qui peuvent avoir une vision électoraliste", s’inquiète-t-il.
DU COURT AU LONG TERME ?
L’autorisation pour l’automne créerait ainsi la confusion parmi les élus. Cette technologie, censée être déployée temporairement, peut entrer en concurrence avec les plans de déploiement de la fibre optique.
"On peut noter que [la mise en place du VDSL là où la fibre sera absente ces prochaines années] va y accentuer les inégalités, en améliorant le débit des lignes courtes, sans effet pour ceux qui ne peuvent pas accéder aux services usuels aujourd’hui, et peut-être même en leur créant des perturbations", dénonce l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca) dans un communiqué.
L’association craint que les opérateurs recommandent l’usage du VDSL là où la fibre est déjà prévue, sans considération pour le long terme. Pour ces collectivités, les équipements en VDSL seront bien dévalorisés à moyen terme face à la fibre optique.
"Si le gain en termes de qualité de service sera faible, le risque pour les futurs réseaux d’initiative publics (RIP) en fibre optique est important. Le VDSL réduirait l’appétence des usagers pour la fibre dans les zones les plus densément peuplées des réseaux publics, aux coûts de déploiement les plus faibles.
Ces nouveaux noyaux durs en VDSL peuvent donc détruire le modèle économique de ces réseaux publics", s’inquiète pour sa part un chargé de mission TIC dans un conseil général rural.
"Je pense que les opérateurs feront tout pour que ce soit un investissement pérenne sur 3 à 5 ans. Ils freineront des quatre fers pour déployer la fibre optique. Le VDSL apportera un meilleur service aux utilisateurs, comme des chaînes TV en HD ou l’usage de plusieurs appareils.
Ca peut créer des contraintes de pénétration de la fibre [nombre de clients éligibles qui s’abonnent] sur des villes moyennes, ce qui est accroître la fracture numérique. On aura des personnes qui seront à 50 Mb/s et d’autres, après une voie ferrée par exemple, qui seront toujours à 500 kb/s", appuie le consultant Benjamin Fradelle.
"Il est clair que cet usage du VDSL2 se fera principalement dans les zones où il n’est pas prévu de déploiement de la fibre à court terme", répond Yves Le Moüel, président de la Fédération française des télécoms, qui regroupe les opérateurs nationaux à l’exception de Free (dont le fondateur, Xavier Niel, est actionnaire à titre personnel du Monde).
LE DÉGROUPAGE EN QUESTION
Dans le cas contraire, un effet inattendu d’une éventuelle généralisation du VDSL – pour concurrencer la fibre – est le possible abandon du dégroupage des lignes, la location d’un service passif auprès de France Télécom plutôt qu’activé par celui-ci. "L’une des questions fondamentales que pose l’autorisation du VDSL est celle du cadre réglementaire, qui a toujours encouragé le dégroupage : dans un premier temps, un opérateur loue une ligne activée à France Télécom qui opère le service et revend la capacité à l’opérateur. Une fois une masse critique atteinte dans un central donné, l’opérateur peut raccorder le répartiteur en fibre, louer le cuivre à France Télécom et générer des marges plus importantes", explique Benoît Felten.
"Or pour minimiser les interférences et permettre les débits optimaux du VDSL, il est nécessaire de surveiller toutes les lignes en même temps. Ces débits optimaux sont inatteignables si différents opérateurs se partagent les lignes d’un même câble. Dans le contexte réglementaire actuel (la fibre commune amenée à la collectivité puis répartie entre les abonnés par VDSL), il n’est pas possible de fournir une qualité de service optimale", interprète l’analyste.
Pour lui, les opérateurs devront choisir entre leur précieux dégroupage ou le déploiement massif du VDSL et de ses performances, qui ne serait permis que par les lignes "groupées" de France Télécom. La version autorisée par l’Arcep "n’est pas une alternative à la fibre, comme le souhaiterait Free. C’est tout de même une annonce importante, mais il va rester 75 % du marché pour lesquels ça ne fera aucune différence", estime le spécialiste.
Guénaël Pépin
Une amélioration de l’ADSL pour OVH
Si la technologie est surtout utile en zones rurales, les villes pourraient aussi y trouver leur compte. Le fournisseur d’accès OVH, qui compte 25 000 clients citadins, a ainsi équipé son réseau en VDSL à sa création et a choisi Bordeaux comme ville pilote. "On a à peu près 10 % des clients qui qui profiteront tout de suite de meilleurs débits. On a investi dans des cartes hybrides et des modems compatibles", explique Laurent Proust, responsable ADSL de l’entreprise et membre du comité d’experts sur la technologie.
"Pour moi, ce que révolutionne cette technologie, plus que la vitesse de téléchargement, est celle d’envoi", bien supérieure à celui permis par l’ADSL et profitable aux professionnels, explique OVH. "Actuellement, nos tests sur le terrain sont proches du 80 Mb/s en téléchargement à 300 m du répartiteur. Je pense qu’une ligne extrêmement proche pourra atteindre pas loin de 100 Mb/s et 25 Mb/s en envoi", poursuit le responsable, optimiste, quand l’Arcep table sur un maximum de 50 Mb/s.
Ce petit opérateur ne compte d’ailleurs pas le déployer en zones rurales. "Pour l’instant, les villes nous ont permis de nous lancer, on stabilise donc notre infrastructure en regardant l’impact du déploiement du VDSL", explique encore Laurent Proust.
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