Les débuts balbutiants de la vente de médicaments sur Internet, strictement encadrée et limitée

Redigé par IGIHE
Le 20 juillet 2013 à 09:51

Marie-José Chevalier, pharmacienne à Bouafle, dans les Yvelines, est prévoyante. Cela fait plus de dix ans qu’elle a déposé le nom de domaine "medicament.com" pour le préserver en ligne. "J’imaginais qu’on serait un jour obligé de passer par là, explique-t-elle. C’est un marché que je ne voulais pas laisser à d’autres." Depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté du ministère de la santé "relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique", vendredi 12 juillet, la voie est libre pour (...)

Marie-José Chevalier, pharmacienne à Bouafle, dans les Yvelines, est prévoyante. Cela fait plus de dix ans qu’elle a déposé le nom de domaine "medicament.com" pour le préserver en ligne. "J’imaginais qu’on serait un jour obligé de passer par là, explique-t-elle. C’est un marché que je ne voulais pas laisser à d’autres."
Depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté du ministère de la santé "relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique", vendredi 12 juillet, la voie est libre pour la pharmacienne. Depuis cette date, et sous réserve du respect d’un certain nombre de règles, elle est officiellement autorisée à proposer sur son site près de 4 000 médicaments ne nécessitant pas d’ordonnance, comme le Doliprane ou l’Actifed, en sus des produits de phytothérapie ou de parapharmacie.

Seules 36 officines – la France en compte au total 22 601 – ont pour l’instant obtenu l’agrément de l’Agence régionale de santé dont elles dépendent. Plusieurs dizaines d’autres demandes sont en cours, chaque nouveau site devant être adossé à une officine en dur. Mais d’une pharmacie à l’autre, les attentes ne sont pas les mêmes.

"JE NE VAIS PAS EN FAIRE UNE INDUSTRIE"

"Internet n’est que le prolongement virtuel de l’officine", estime David Tarnaud, pharmacien à Genas (Rhône). Sa boutique en ligne, il la voit comme une "réponse locale" à ses patients. Au mois de juin, son site de présentation a reçu 400 visites. Une fréquentation modeste assumée : "Je ne vais pas en faire une industrie, ni embaucher dix personnes." Il s’est fixé la fin de l’année comme date butoir pour proposer des médicaments à la vente mais ne se fait pas d’illusion : "Cela ne représentera jamais des chiffres énormes."

Le site de Michael Allouch, propriétaire d’une pharmacie à Rillieux-la-Pape (Rhône), a reçu 350 visites depuis le début du mois. Il ne peut pour l’instant pas vendre de médicaments car il ne dispose pas d’un serveur sécurisé agréé santé, imposé par l’arrêté. Autre déconvenue : l’interdiction d’acheter un meilleur référencement dans des moteurs de recherche. "On était prêt à le faire pour le paramédical mais la loi l’interdit pour les médicaments. Il faudra peut-être dissocier les deux", s’interroge-t-il.

A côté de ces poids plumes, un précurseur fait office d’agitateur au sein de la profession. Philippe Lailler, titulaire de la pharmacie de la Grâce-de-Dieu, à Caen, a lancé son site en novembre 2012. C’est lui qui a déposé – avec succès – un recours devant le Conseil d’Etat en début d’année parce qu’il jugeait trop restrictive au regard d’une directive européenne de 2011 une première liste de 455 médicaments autorisés à la vente.

ACTIVITÉ PAS ENCORE RENTABLE

Dénonçant une "profession arc-boutée sur ses privilèges", il tempête contre les contraintes imposées par l’arrêté. Le serveur agréé santé ? "Cher et compliqué." L’interdiction du référencement payant ? "Tous les autres pays le font."

Quant au nombre total de médicaments autorisés à la vente, "il en faudrait encore plus, dit-il. La profession devrait réfléchir à des certificats sécurisés pour pouvoir scanner des ordonnances. J’aimerais par exemple pouvoir vendre du Malarone ou du Viagra." Philippe Lailler réalise aujourd’hui entre 10 % à 15 % de son chiffre d’affaires sur la Toile, l’activité n’est pas encore rentable mais devrait bientôt l’être.

Pour des raisons parfois opposées, l’arrêté du 20 juin fait d’autres mécontents. Cédric O’Neill, pharmacien et président de 1001pharmacies, une structure qui regroupe 170 officines, prône un modèle "multi-pharmacies", aujourd’hui interdit par l’arrêté. Selon lui, un pharmacien dans son officine "n’a ni le temps ni les compétences de s’occuper d’un site de vente". Il a déposé un recours devant le Conseil d’Etat pour lever cette interdiction.

"IL FALLAIT ALLER DANS LE SENS DE L’HISTOIRE"

Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens qui représente 10 000 officines, déplore lui l’expédition des commandes et se serait satisfait d’une simple réservation à venir retirer au comptoir. "En officine, on ne vend pas des médicaments, on les dispense, argue Pascal Louis. On accompagne, on explique, même pour du paracétamol. Avec un questionnaire en ligne, c’est plus difficile." L’arrêté prévoit que le patient indique âge, sexe, poids ainsi que d’éventuelles pathologies, antécédents allergiques et autres traitements au moment de passer commande.

"Il fallait aller dans le sens de l’histoire, tempère Alain Delgutte, président de la section A de l’ordre des pharmaciens. Cet arrêté est une bonne chose car il clarifie les obligations et précise le cadre."

Le Monde


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