Fadumo Dayib, une ambition pour la Somalie.

Redigé par AFRICATIME.COM
Le 20 janvier 2016 à 05:51

En septembre 2014, Fadumo Dayib a annoncé son intention de se présenter à l’élection présidentielle somalienne, censée se dérouler en 2016. Cette quadragénaire a tout connu : l’expulsion du Kenya où elle est née, le statut de réfugiée dans son propre pays, la Somalie, puis l’exil vers la Finlande, où elle réside depuis l’adolescence. Illettrée jusqu’à l’âge de 14 ans, aujourd’hui détentrice de trois masters en santé publique et en développement international, cette mère de quatre enfants veut « provoquer des (...)

En septembre 2014, Fadumo Dayib a annoncé son intention de se présenter à l’élection présidentielle somalienne, censée se dérouler en 2016. Cette quadragénaire a tout connu : l’expulsion du Kenya où elle est née, le statut de réfugiée dans son propre pays, la Somalie, puis l’exil vers la Finlande, où elle réside depuis l’adolescence. Illettrée jusqu’à l’âge de 14 ans, aujourd’hui détentrice de trois masters en santé publique et en développement international, cette mère de quatre enfants veut « provoquer des changements sociaux en Somalie ». Entretien.

Qu’est-ce qui vous a décidé à vous porter candidate à l’élection présidentielle en Somalie ?

Fadumo Dayib C’est une combinaison de raisons. Il y a quelques années, je travaillais pour les Nations unies au Liberia. J’ai vu les Libériens reconstruire leur pays après la guerre civile. Ils étaient optimistes, patriotes, dévoués. Je me demandais : « Pourquoi la Somalie ne pourrait-elle pas faire pareil ? » J’ai rencontré la présidente Ellen Johnson Sirleaf et je me suis dit que nous avons besoin de la même chose pour mon pays.

Il y a une autre raison à ma candidature, plus personnelle. J’ai une obligation morale, un devoir civique envers la Somalie. Je ne peux pas me contenter, en tant que membre de la diaspora, que tout aille bien pour moi. La Somalie n’avance pas. Ma génération et celle de ma mère ont détruit ce pays. Nous devons maintenant tout faire pour que la génération de nos enfants ait quelque chose à hériter. Un endroit où retourner, où ils trouveront dignité et prospérité. Nos dirigeants nous ont laissés tomber. Nous, Somaliens, sommes responsables de la guerre. Nos silences, nos absences nous rendent responsables. Mais nous sommes aussi la solution. Nous devons cesser de rejeter la responsabilité sur d’autres et prendre nos responsabilités.

Vous n’aurez pas la tâche facile : la société somalienne est très patriarcale et vous vivez à l’étranger. Comment comptez-vous dépasser ces handicaps ?

J’ai toujours transformé mes désavantages en quelque chose de positif. Le fait que je sois une femme est positif. En Somalie, pour être élu, il faut être un homme, avoir des cheveux gris et un ventre rond. Nous avons vu où le leadership des hommes a mené la Somalie. Il est temps de donner sa chance à une femme. Je pense que les gens voient en moi un espoir, un nouveau départ pour la Somalie. Comparée à ceux contre qui je vais concourir, j’ai les mains propres. Si je suis élue, je ne demanderai pas de salaire, je ne vivrai pas à la Villa Somalia [résidence officielle du président]. Je veux vivre ce que les gens que je représente vivent. Je suis censée être leur serviteur, pas leur maître.
Quant au fait que je vive hors du pays… Un tiers du gouvernement actuel est originaire de la diaspora. Ils ont vécu à l’étranger où ils ont eu la chance d’étudier et de donner quelque chose au pays en retour. La diaspora a ainsi énormément d’influence : chaque année, elle envoie près d’un milliard de dollars au pays. Enfin, la diaspora est très présente dans l’administration somalienne. Vivre à l’étranger n’est pas un problème.

Au final, pourquoi ne pas donner sa chance à une femme qui a vécu dans sa chair ce qu’est le déracinement, qui a étudié et n’a pas d’antécédents criminels ?

Etes-vous retournée en Somalie depuis l’annonce de votre candidature ? Comment allez-vous mener campagne ?

Je ne suis pas retournée en Somalie depuis pour la bonne raison qu’à l’époque de cette annonce, j’étais à l’université d’Harvard. J’ai obtenu mon diplôme en mai 2015, puis je suis rentrée en Finlande pour travailler. De plus, je n’avais pas encore les fonds nécessaires pour garantir ma sécurité sur place.

Pour vous répondre, j’ai l’intention de financer ma campagne via du crowd funding. De cette façon, personne ne pourra « posséder » ma candidature et n’importe qui dans le monde pourra y participer. Cela me donne l’indépendance nécessaire pour agir dans un contexte aussi compliqué que celui de la Somalie. Je prévois de me rendre en Somalie début 2016.

Vous ne saviez ni lire, ni écrire avant l’âge de 14 ans…

Je n’ai eu que très tardivement l’occasion d’aller à l’école. Ma mère vient d’une famille de nomades et a été mariée très jeune, en Somalie. Elle a eu onze enfants qui sont tous morts de maladies curables. On lui a dit qu’en migrant au Kenya, elle aurait peut-être la chance d’avoir des enfants qui resteraient en vie. Elle s’y rendait avec son frère lorsqu’elle a rencontré mon père. Lui aussi était illettré, mais polyglotte. Il avait été enfant de rue, avait appris la mécanique avant de devenir chauffeur. Il a offert à ma mère et son frère de les emmener jusqu’au Kenya. En route, il a demandé la main de ma mère, ce que mon oncle a accepté. Je suis née au Kenya, premier enfant de ma mère qui a survécu. J’ai ensuite eu un frère et une sœur.


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