Lutte contre la vie chère : société civile active burundaise et torpeur de la rwandaise

Redigé par Jovin Ndayishimiye
Le 18 mars 2015 à 09:11

Ce dimanche 15 mars, une journée internationale est dédiée à la lutte contre la cherté de la vie. Au Rwanda, cette journée est marquée par un débat radiotélédiffusé à la TVR (Télévision publique).
C’est un débat calme où les grandes sociétés commerciales invitées au débat ne font qu’expliquer les tendances et les erreurs à éviter pour ne pas se faire voler électroniquement son argent déposé dans les banques commerciales. Le débat n’évoque pas les taux bancaires élevés qui frappent de plein fouet le petit commerce (...)


Ce dimanche 15 mars, une journée internationale est dédiée à la lutte contre la cherté de la vie. Au Rwanda, cette journée est marquée par un débat radiotélédiffusé à la TVR (Télévision publique).

C’est un débat calme où les grandes sociétés commerciales invitées au débat ne font qu’expliquer les tendances et les erreurs à éviter pour ne pas se faire voler électroniquement son argent déposé dans les banques commerciales. Le débat n’évoque pas les taux bancaires élevés qui frappent de plein fouet le petit commerce et les ménages de petits agents des secteurs public et privé rwandais.

Rien n’est évoqué non plus pour ce qui est de la violation de la loi de la concurrence chez les quelques dizaines de sociétés d’assurance opérant au Rwanda et offrant des produits (Assurance véhicule, incendie, vie…) à des prix sensiblement identiques au point que le jeu consiste à se partager une clientèle sans autre apport et offre spéciale appréciée par le consommateur. Néanmoins, des intervenants au débat soulèvent furtivement la question des frais bancaires élevés.

Et que dire des trois compagnies de téléphonie mobile MTN, TIGO ou AIRTEL qui se font des recettes plus que confortables ?

Avons-nous une association de protection du consommateur pour voir dans quelle mesure la facture de consommation de leurs produits peut être revue à la baisse et s’accorder à la maigre bourse du citoyen ordinaire rwandais ?

depuis 2011, la société civile burundaise a pris le dessus sur les partis

Au Burundi voisin, la démarche est autre. Là, la société civile burundaise est combative et disciplinée. Des manifestations de rue se terminent pacifiquement et au bout desquelles la rue a gain de cause. Au Rwanda, on commence à peine à penser à l’idée de manifestations qui doivent être conditionnées par l’obtention de l’accord de manifester de la part de l’autorité compétente.

Apprentissage de la culture démocratique

Les Barundi sont un peuple pacifique. La démocratie s’exprime à la base communautaire. Le Peuple sait défendre et protéger ses intérêts. voilà le véritable début de la démocratie. Au Rwanda, par contre, on croit à tort que démocratie revient à observer et faire de la politique.

Au Burundi, la vraie démocratie, c’est pour les citoyens, évaluer le niveau de protection de leurs droits. Au cas où le politicien ne les protège pas avec satisfaction, la société civile intervient.

On vient de le voir avec le Collectif contre la Vie Chère qui vient d’organiser une manifestation contre les prix élevés d’appels téléphoniques et du litre d’essence à la pompe.

“Le Collectif contre la vie chère n’opère pas uniquement à Bujumbura. Il est aussi à l’intérieur du pays. Il vient d’organiser une manifestation contre la surtaxation des appels téléphoniques et sur le prix d’essence à la pompe. Le litre d’essence se vend à 1880 FBu alors qu’il devait chuter jusqu’à 1550.

Une grève générale a été lancée à l’intention des fonctionnaires de l’Etat, des chauffeurs de bus, motos, des commerçants. La consigne était de rester chez soi, de ne pas se rendre au travail”,

a confié une journaliste burundaise montrant que la société civile burundaise est assez mûre pour organiser une manifestation pacifique qui doit être nécessairement entendue.

Cette société civile sait qu’il est question de forcer la main du possesseur de biens de production, le propriétaire de capitaux à ne pas soutirer beaucoup d’argent au consommateur.

Société civile rwandaise et burundaise : Cheminements et démarches différents

Les impératifs démocratiques sont bien joués au Burundi. Là, il est question de résoudre tous les malentendus socioéconomiques dans une société de consommation. Il est clair que le peuple burundais est à l’école pratique de la démocratie.

Il entend défendre ses intérêts de survie avec des grèves des enseignants ici, celle des agents de santé là-bas. Puis une manifestation contre la vie chère vient montrer que la société civile burundaise veut réellement peser dans la balance. Est-ce que le mouvement de production des biens matériels suit ce mouvement de protestation ? Là est la question !

« Si pour le moment cela ne suit pas, ce n’est pas grave. Le moment venu ça ira comme sur des roulettes », raconte avec plein d’espoir un activiste burundais des droits de l’homme.

Au Rwanda voisin, le frère n’est pas siamois. Ce pays en pleine mutation socio économique, les décideurs politiques ont décidé, au sortir de la guerre et de l’exsangue génocide des Tutsi de 1994, qu’il faut voir la réalité en face.

Pour eux, il faut d’abord faire l’autopsie de la société rwandaise et disséquer dans les détails près les causes de la profonde crise économique avec pour conséquence la faillite totale de l’Etat en 1994 qui est survenue sur fond de haine irascible et de carte politique du Tutsi comme tête de turc.

Qu’est-ce qui a causé cette faillite de l’Etat rwandais si ce n’est une production nationale insuffisante et un manque de disposition au travail rationnel et donc à la productivité ?, confie un sociologue rwandais montrant que la mauvaise redistribution de la petite si pas insignifiante richesse nationale qui a caractérisé les 20 ans de règne du Gén. Juvénal Habyarimana ne pouvait que culminer dans le génocide des tutsi.

Ces problèmes d’insuffisante productivité nationale cherchent nécessairement à faire un trou dans le vase qu’on tente de maintenir fermé pour plus tard exploser. S’il n’avait pas été le phénomène hutu-tutsi, a-t-il poursuivi, une autre occasion aurait été trouvée faire éclater dans la violence la faillite totale du système socio économique défectueux.

Les décideurs politiques ont-ils décidé de reconstruire d’arrache-pied le pays et de ne pas prêter trop d’oreille attentive aux intervenants dans les associations de la Société civile rwandaise ? Cette société civile rwandaise est-elle assez outillée pour peser de son petit poids dans la balance avec la machine gouvernementale lancée à grande vitesse dans sa quête obsessionnelle de la productivité nationale sans cesse grandissante ?

Dans sa conférence de presse de ce 16 mars 2015, le Président de la Plateforme de la Société civile rwandaise efface du revers de la main les critiques dirigées contre celle-ci ; critiques selon lesquelles cette société civile est inactive, qu’elle ne fait pas comme il le faudrait le plaidoyer des citoyens.

« La Société civile rwandaise est composée de beaucoup d’organisations. Chacune de ces organisations fait sa part de responsabilité. C’est cette parcellisation des responsabilités accomplies par elles que les critiques ne voient pas. Dans un pays qui, à peine vingt ans, sort du génocide, avouez qu’un pas est vraiment franchi », a déclaré Munyamariza Edouard, Président de la Plateforme dans un effort de chercher la complicité des journalistes pour les faire adhérer à son idée.

Pourtant, cette société civile rwandaise oublie de lutter pour des questions pratiques qui épousent le souci quotidien des citoyens. L’aide-t-elle à faire plier les investisseurs à baisser les prix des besoins de première nécessité que sont les items alimentaires, de santé, de transport, de communication ou les besoins de scolarité des enfants ?

Pourquoi cette société civile attend-elle que ce soient les garde-fou gouvernementaux tels que RURA (Rwanda Utilities’ Regulatory agency), CRDH (Commission Rwandaise des Droits Humains), Office de l’Ombudsman et bien d’autres qui doivent régler des questions qui surgissent dans la course des programmes socio économiques du gouvernement ?

« Cette société civile a-t-elle levé son petit doigt pour exiger la courbe des prix de transport surtout que le prix à la pompe de l’essence a sensiblement baissé ? Si le prix de transport avait sensiblement baissé, nous n’achèterions pas la pomme de terre à plus de 150 francs le kilo. Le prix du haricot aurait dû aller à moins de la moitié du prix actuel (400 à 600 francs le Kilo à Kigali selon les qualités) », a confié à ce journaliste un citoyen qui dit ne pas comprendre comment l’Organisation de Protection du consommateur rwandais aussitôt annoncée s’est tue et on n’en a plus entendu parler.

« Qu’on ne nous parle plus de démocratie. Les politiciens font leur travail à leur façon. La société civile rwandaise a failli à ses responsabilités. Elle n’est plus l’œil du citoyen. Elle ne l’aide pas à changer sa façon de voir et de travailler et d’évoluer dans un nouvel environnement socio économique en pleine mutation. Elle ne le protège plus.

Or ce n’est que de cette façon qu’elle doit éduquer les citoyens à comprendre les programmes gouvernementaux et leurs intérêts de classe. Ne cherchez pas à comprendre outre mesure l’éducation à la culture démocratique responsable et non violente si ce n’est de cette façon. Notre société civile n’existe pas. C’est du fonctionnariat autant que l’est la Fonction Publique ou le secteur privé », a confié au journal un intellectuel qui ne comprend rien à cette société civile rwandaise désaxée de ses prérogatives.


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