Accord USA et UE un compromis ou capitulation tarifaire

Redigé par Tite Gatabazi
Le 29 juillet 2025 à 05:36

Il est des accords qui, sous l’apparence du compromis, trahissent les lignes de force d’un rapport de puissance asymétrique. L’arrangement conclu le 27 juillet entre Donald Trump, président des États-Unis, et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, constitue à cet égard un jalon révélateur de l’état actuel des relations transatlantiques : empreintes de crispation, plombées par le déséquilibre structurel des intérêts, et marquées par la volonté manifeste de Washington d’imposer un ordre commercial à géométrie unilatérale.

Annoncé en grande pompe depuis le domaine de Turnberry, en Écosse, propriété du magnat devenu président, ce nouveau pacte douanier qui entrera en vigueur le 1er août institue un taux tarifaire uniforme de 15 % sur l’ensemble des importations européennes aux États-Unis.

Ce taux agrège à la fois les prélèvements existants et les surtaxes instaurées ces derniers mois. Ce qui était naguère une exception ciblée devient désormais la norme : un tarif global, sans distinction sectorielle véritable, pesant notamment sur les secteurs clefs de l’économie européenne automobiles, vins, produits de luxe et pharmaceutiques.

Certes, l’on annonce des « exemptions » ponctuelles sur des domaines dits « stratégiques » aéronautique, matières premières critiques, certains produits agricoles mais elles relèvent davantage de la clause discrétionnaire que d’un régime de faveur équilibré.

Pour nombre d’industriels européens, le coup est rude. Les produits pharmaceutiques, par exemple, jusqu’ici épargnés, se voient intégrés sans ménagement au régime tarifaire, alors même qu’ils constituent le premier poste d’exportation de l’UE vers les États-Unis.

Quant aux secteurs du luxe et du vin, ils n’ont obtenu qu’un sursis fragile, suspendu à des négociations ultérieures dont l’issue demeure incertaine.

En contrepartie de cette rigueur tarifaire, l’Union européenne s’engage à acquérir pour 750 milliards de dollars d’hydrocarbures américains sur trois ans une manne pour l’industrie énergétique de Donald Trump, et un levier pour réduire la dépendance européenne au gaz russe.

Par ailleurs, 600 milliards de dollars d’investissements européens aux États-Unis sont prévus, notamment dans les infrastructures, les technologies critiques et la défense, un secteur que Trump espère voir devenir le cœur du redéploiement industriel transatlantique. De surcroît, le président américain évoque sans détour des achats massifs d’armement européens, consolidant une dynamique de réarmement occidental pilotée depuis Washington.

À bien y regarder, cet accord consacre une double victoire américaine : économique, par l’ouverture d’un marché captif pour ses énergies fossiles, son industrie militaire et son appareil productif ; diplomatique, par l’imposition d’un cadre commercial qui entérine le repli protectionniste américain tout en contraignant l’Europe à renoncer à une part de sa souveraineté normative.

Les réactions, à travers l’Europe, oscillent entre soulagement pragmatique et résignation stratégique. Le chancelier allemand Friedrich Merz se félicite d’avoir évité une « escalade inutile », tout en regrettant la timidité des contreparties obtenues.

En France, Benjamin Haddad dénonce un accord déséquilibré, plus dicté que négocié. Quant à la fédération allemande de l’industrie, elle évoque déjà des « répercussions négatives considérables » à venir.

Et pour cause : en instituant un nouveau cadre douanier global, sans exemption pour les biens à haute valeur ajoutée, sans clarté sur les quotas en acier et aluminium, et sans garanties fermes sur les produits agricoles sensibles, l’accord laisse la porte grande ouverte à des ajustements unilatéraux. Il renforce l’emprise américaine sur la politique économique européenne tout en rendant l’UE structurellement dépendante d’un partenaire devenu imprévisible.

Dans cette redéfinition des équilibres commerciaux, l’Europe semble avoir troqué l’escalade contre l’assujettissement, acceptant, sous le vernis du partenariat, une logique d’alignement qui pourrait à terme obérer ses capacités d’autonomie stratégique.

La paix douanière obtenue à Turnberry pourrait ainsi n’être qu’une trêve précaire, à l’avantage exclusif d’une Amérique redevenue souverainiste, marchande et conquérante.

L’accord du 27 juillet entre Donald Trump et Ursula von der Leyen, présenté comme un compromis, incarne en réalité une forme de domination masquée

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