Radio Okapi, jadis conçue comme le fleuron radiophonique de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation du Congo, semble aujourd’hui avoir renié sa vocation première pour se faire le relais insidieux d’une narration biaisée, partiellement arrimée aux thèses fallacieuses de groupes criminels à la rhétorique bien rodée. Sous les dehors d’une objectivité de façade, cette antenne désormais dissonante diffuse, à intervalles réguliers, une information mutilée, aux accents orientés, et participe de ce fait à l’édification d’un récit tronqué, où les faits sont mutilés, les responsabilités inversées et les victimes effacées.
Il est de ces dérives qui, sous couvert de journalisme, deviennent des actes de complicité idéologique. Radio Okapi, en se faisant la voix officieuse des parrains de l’instabilité, trahit non seulement son mandat, mais contribue à perpétuer la confusion dans une région où la clarté du verbe est une exigence de survie.
Dans un climat déjà plombé par les déchirures du tissu national, les frustrations d’un peuple longtemps trahi, et les luttes asymétriques pour la souveraineté dans l’Est de la République démocratique du Congo, un nouveau front de crispation s’ouvre : celui de l’information. Plus précisément, celui de la désinformation, travestie sous les oripeaux d’une prétendue impartialité. L’alerte lancée récemment par le mouvement politico-militaire AFC-M23 à l’encontre de Radio Okapi, média sous tutelle onusienne, ne relève pas du caprice ni de la diversion, mais du signal d’un profond malaise que trop de voix préfèrent taire : celui d’une radio jadis porteuse d’espoir, devenue aujourd’hui l’instrument docile d’une narration falsifiée et orientée.
Dans une déclaration rendue publique l’AFC/M23 dénonce avec gravité la dérive partisane de cette antenne qui, sous couvert d’objectivité journalistique, épouse en réalité les contours troubles d’une propagande favorable aux FDLR et à leurs avatars politiques. Le grief n’est pas anodin : c’est celui de voir une radio financée par les Nations Unies supposée garante de neutralité et d’équité dans l’espace informationnel relayer, de façon répétée, des propos à charge, non sourcés, souvent mensongers, et systématiquement orientés contre les acteurs qui contestent l’ordre établi de Kinshasa.
Sous prétexte de couvrir les actualités des zones en conflit, Radio Okapi s’est muée en caisse de résonance d’un narratif fabriqué, niant les dynamiques réelles du terrain et occultant volontairement les responsabilités de milices alliées au pouvoir central dans les massacres et les persécutions contre les populations civiles.
Pis encore, les émissions phares de la station, souvent réalisées sans contradicteurs, offrent des tribunes à des experts de circonstance, dont les analyses réductrices confortent les dogmes politiques d’une élite congolaise qui instrumentalise le discours sécuritaire à des fins électoralistes et identitaires.
L’on est en droit de s’interroger : quel est encore le rôle véritable de Radio Okapi dans la sphère médiatique congolaise ? Peut-on continuer à parler de « média de la paix » lorsque les faits sont tronqués, les voix dissidentes étouffées, et les récits alternatifs systématiquement disqualifiés ? La question devient d’autant plus cruciale que cette station, de par son affiliation onusienne, bénéficie d’une crédibilité apparente qui renforce, à tort, l’adhésion d’un public mal informé et souvent prisonnier de cette seule source d’actualité.
La menace de couper les émetteurs de Radio Okapi à Goma et Bukavu bien que discutable dans sa forme, révèle en profondeur l’usure du pacte de confiance qui liait jadis les acteurs de terrain à cette radio. Elle exprime aussi l’exaspération croissante face à ce que d’aucuns perçoivent désormais comme une guerre cognitive menée au profit d’un camp, au détriment du droit à une information libre, plurielle et véritablement contextualisée.
Si Radio Okapi veut encore prétendre au rôle de sentinelle démocratique, elle devra urgemment repenser sa ligne éditoriale, rouvrir ses micros aux voix qu’elle a trop longtemps exclues, et cesser de travestir le réel au nom d’une cause qu’elle ne nomme plus mais dont elle épouse les contours avec une constance troublante. Car dans l’Est du Congo, ce n’est pas seulement le fracas des armes qui tue : c’est aussi le mensonge répété sur les ondes, l’amnésie organisée, et la parole confisquée.

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