Sa duplicité atteint un degré paradigmatique : solidaire, non pas avec sa communauté victime d’une épuration ethnique méthodique, mais avec l’appareil qui en tolère ou perpétue l’exécution. En se tenant aux côtés du bourreau plutôt qu’au chevet des siens, il renverse l’ordre moral le plus élémentaire. Ce choix, à la fois stratégie de survie et aveuglement volontaire, donne à son engagement public la dimension d’une trahison symbolique.
Sous le vernis de discours institutionnels, calibrés pour flatter les oreilles du pouvoir, transparaît la volonté d’éviter toute désignation précise des acteurs du drame et de remplacer les causes réelles par une rhétorique nébuleuse sur la paix et la réconciliation. Cette posture protège l’architecture du pouvoir et assure la pérennité de ses privilèges ministériels.
L’ironie est amère : depuis Kinshasa, il parle du sort des Banyamulenge comme d’une abstraction, alors que sa propre mère et l’une de ses sœurs vivent en exil au Rwanda, réfugiées à Kigali. Cette réalité intime invalide ses discours édulcorés. Si le Minembwe qu’il présente comme sûr l’était vraiment, pourquoi donc sa mère n’y réside-t-elle pas ? Cette question simple dévoile la fracture entre rhétorique et vérité.
Ce fait, qui devrait nourrir ses paroles de vérité, ne trouble en rien la placidité avec laquelle il occulte la réalité. Il se présente comme porte-voix de sa communauté tout en l’instrumentalisant pour consolider sa position et servir d’alibi à l’appareil étatique.
Il ne s’agit pas d’innocence, mais d’un calcul méthodique. En évitant de nommer le mal et les acteurs politiques et militaires responsables des violences dans les Hauts-Plateaux, il ménage ceux qui l’ont porté aux honneurs. Ce silence a un prix : l’oubli programmé des morts et la réduction des vivants au rang de monnaie d’échange dans les tractations politiques.
Plus grave encore, il refuse de désigner explicitement les Banyamulenge de Gatumba, victimes d’un massacre dont la mémoire devrait être au cœur de toute parole honnête. Les dissoudre dans un lexique flou du « Congolais d’ici et de là-bas » constitue une falsification délibérée et une faute morale : dénier aux victimes leur identité et la spécificité de l’injustice subie, pour rendre le crime plus acceptable au pouvoir et plus discret aux yeux du monde.
En définitive, l’histoire retiendra moins ses discours policés que son rôle dans la mise en scène d’un pouvoir qui maquille l’extermination en crise humanitaire générique. En prêtant sa voix à cette opération d’enfumage, il s’inscrit dans la tradition des élites d’apparat, plus soucieuses de leur place à la table du festin que du sort de ceux qui, dans les collines du Sud-Kivu, sont voués à la disparition.
Et il est à craindre que, lorsque les archives parleront et que les bilans humains seront établis, le nom d’Alexis Gisaro ne soit pas cité comme celui d’un défenseur de son peuple, mais comme celui d’un prisonnier consentant de ses privilèges, devenu complice par omission.

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