Issu des profondeurs de ce système qu’il feint aujourd’hui de vouloir congédier, ce militaire au verbe mesuré et aux manœuvres circonspectes a su, à la faveur des circonstances, quitter la pénombre du sérail où s’élaboraient, loin des regards profanes, les destinées du pays, pour se hisser sous la lumière crue de l’estrade républicaine.
Là où d’autres se sont consumés dans les ors et les compromissions du pouvoir, Oligui Nguema a patiemment tissé sa toile, capitalisant sur sa connaissance intime des rouages de l’appareil d’État et des fidélités souterraines pour s’imposer, au lendemain d’un coup d’État sans fracas, comme le maître du jeu politique gabonais.
Désormais contraint de conjuguer héritage et renouveau, il incarne cette ambiguïté des transitions africaines où le dépositaire de l’ancien ordre prétend être l’artisan de sa propre subversion, au risque de n’être que l’ombre portée de ce qu’il prétend abolir.
Figure ascendante d’une Afrique en quête de renouveau politique, le général Brice Clotaire Oligui Nguema s’est imposé, en l’espace de quelques mois, comme l’homme fort du Gabon. Celui qui, le 30 août 2023, renversa sans effusion de sang et dans une relative indifférence internationale le président Ali Bongo Ondimba, héritier d’une dynastie ayant régné sans partage sur le pays depuis plus d’un demi-siècle, vient de franchir un nouveau seuil dans sa fulgurante trajectoire.
Chef de la transition militaire instaurée au lendemain de ce coup d’État singulier par sa sobriété et sa rapidité d’exécution, le général Oligui Nguema a été porté, ce 13 avril 2025, à la magistrature suprême de l’État gabonais à l’issue d’un scrutin où il recueillit, selon les chiffres globaux provisoires proclamés par le ministère de l’Intérieur, un plébiscite écrasant de 90,35 % des suffrages exprimés.
Cette consécration populaire, à la fois prévisible et révélatrice des dynamiques politiques en œuvre dans le pays, vient sceller l’ascension de cet officier de carrière, patiemment formé et promu dans les arcanes mêmes du système Bongo.
Paradoxalement, c’est de cette matrice qu’il prétend aujourd’hui s’affranchir, promettant de rompre avec les pratiques qui ont durablement enkysté le pouvoir gabonais et hypothéqué les aspirations démocratiques de sa population.
Or, si Brice Clotaire Oligui Nguema se réclame du renouveau et revendique un discours de vérité aux inflexions résolument panafricanistes, son exercice du pouvoir et la configuration des forces qui l’entourent s’inscrivent encore, par bien des aspects, dans la continuité de l’ordre ancien. Le général-président, en habile stratège, conjugue ainsi héritage et promesse, prudence institutionnelle et volonté de rupture.
Il demeure cependant attendu à l’épreuve des faits. Car au-delà du plébiscite et des effets d’annonce, ce sont les actes tangibles et les réformes structurelles qui diront si ce militaire passé du sérail à l’estrade saura véritablement infléchir le destin politique du Gabon.
Son triomphe électoral, aussi massif soit-il, l’oblige désormais à tenir les engagements d’une gouvernance rénovée, à restaurer la confiance citoyenne et à inscrire son nom dans l’histoire autrement que comme l’héritier paradoxal d’un régime qu’il a contribué à bâtir avant de le renverser.

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