Il ne s’agit plus ici de simples erreurs journalistiques, mais d’un récit volontairement biaisé, qui alimente des imaginaires dangereux, au lieu d’éclairer l’opinion internationale sur les causes profondes et les dynamiques complexes de cette crise prolongée.
Alors que les Forces Armées de la RDC (FARDC), épaulées par un attelage hétéroclite comprenant les milices dites "Wazalendo", des mercenaires étrangers, des troupes burundaises, sud-africaines, ainsi que les FDLR, affrontent les rebelles de l’AFC/ M23, la grille de lecture imposée par une certaine presse internationale réduit la guerre à un seul prisme : celui d’une prétendue "invasion rwandaise" des terres congolaises. Ce narratif commode occulte une réalité autrement plus tragique et complexe : l’implication avérée des FDLR, organisation fondée par les génocidaires de 1994 dans le conflit, leur collaboration opérationnelle avec les FARDC, et la stratégie d’alliance mise en œuvre par le régime congolais, y compris avec des groupes notoirement impliqués dans des crimes contre l’humanité.
Un silence complice : les FDLR ou l’impensé éditorial de l’Occident
Depuis trois décennies, le Rwanda post-génocide n’a cessé de clamer, sur toutes les tribunes internationales, son inquiétude face à la présence persistante des FDLR dans l’Est congolais. Ces groupes armés, issus des rangs des génocidaires de 1994, ont perpétué sur le sol congolais les mêmes idéologies de haine ethnique qui ont mené au génocide des Tutsi en 1994.
Le fait que ces forces aient été tolérées, soutenues, armées et intégrées à la stratégie militaire de Kinshasa devrait être au cœur de toute analyse rigoureuse de la situation. Or, cette donnée cardinale est systématiquement évacuée, diluée, ou relativisée dans les récits journalistiques dominants.
Le silence autour de la collusion entre les FARDC et les FDLR devient d’autant plus assourdissant que des rapports des Nations Unies ont explicitement documenté les exactions commises par cette coalition, notamment des violences sexuelles à large échelle. Pourtant, dans une inversion pernicieuse des responsabilités, les titres sensationnalistes incriminent volontiers "les rebelles soutenus par le Rwanda", accentuant la figure fantasmatique du Tutsi prédateur, sans souci de vérité ni d’équilibre. Ce traitement partial non seulement travestit les faits, mais contribue à nourrir une perception délétère, ethnicisée et essentialisante du conflit, ramené à un affrontement tribal entre "envahisseurs" et "patriotes".
Une guerre d’amalgames : stéréotypes, omissions et géopolitique du silence
Les raccourcis éditoriaux les plus saisissants résident dans la dissimulation des enjeux économiques réels de cette guerre. Les ressources minières du Congo, fréquemment évoquées comme moteur supposé de la convoitise rwandaise, font rarement l’objet d’un questionnement critique lorsqu’elles sont exploitées à grande échelle par des compagnies européennes, chinoises, nord-américaines souvent avec la bénédiction explicite des autorités congolaises.
Dans un paradoxe accablant, le rapport onusien évoque que le financement présumé du M23 par des activités minières ne dépasserait pas les 800 000 dollars mensuels : une somme dérisoire en regard des milliards générés par les multinationales en toute impunité.
Par ailleurs, les médias omettent de rapporter les déclarations bellicistes du président Félix Tshisekedi qui, à plusieurs reprises, a publiquement menacé d’attaquer le Rwanda, allant jusqu’à évoquer des frappes sur Kigali. Ils taisent également l’implication croissante de sociétés militaires privées et de mercenaires venus d’Occident, éléments qui complexifient davantage la lecture d’un conflit que l’on préfère maintenir sous l’étiquette commode d’"agression étrangère".
Cette asymétrie informationnelle, ces distorsions factuelles et cette complaisance éditoriale relèvent moins de la négligence que d’un système médiatique marqué par des biais structurels.
L’Afrique et plus particulièrement les conflits africains y demeure traitée comme une périphérie tragique, indigne de la rigueur analytique et déontologique que l’on s’impose ailleurs. Ce traitement différencié, pétri de préjugés, révèle une forme de racisme médiatique larvé, où la simplification abusive et l’essentialisation des acteurs répondent à des logiques plus idéologiques qu’informatives.
La crise à l’Est du Congo mérite mieux que des récits expéditifs façonnés par des imaginaires néocoloniaux. Elle exige une lecture rigoureuse, décentrée, attentive aux dynamiques locales comme aux responsabilités partagées. Tant que le récit dominant restera corseté dans ses prismes ethniques et ses simplifications politiques, il contribuera à nourrir le conflit au lieu de participer à sa résolution. Il est temps que les médias occidentaux interrogent leurs angles morts, leurs connivences tacites, et leur propension à confondre information et propagande.

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