Christian Bosembe, à la tête du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) en République démocratique du Congo, s’inscrit aujourd’hui dans cette longue et peu glorieuse généalogie des griots de la déréliction, chantres appliqués d’un pouvoir à bout de souffle, dont ils accompagnent la chute avec la ferveur aveugle des derniers croyants.
Son passage sur les ondes de la radio Top Congo, face au journaliste Thierry Kambundi, aura révélé à quel point l’argumentaire officiel, déjà vacillant, se heurte à ses propres contorsions logiques.
Le président du CSAC y apparut esseulé, à court de raisons, égrainant de laborieuses justifications pour une décision d’interdiction médiatique qui, sous couvert de “mesure conservatoire”, prend les allures d’une censure manifeste.
L’interdiction faite aux médias congolais de mentionner l’ancien président Joseph Kabila ou son parti, le PPRD, n’est rien d’autre qu’un acte de police politique déguisé sous les atours de la régulation, une opération de musellement d’autant plus grossière qu’elle tente de s’auto-absoudre en niant ce qu’elle est.
Le pathétique de cette rhétorique ne réside pas seulement dans sa vacuité, mais surtout dans son caractère servile. En agissant ainsi, Christian Bosembe ne se contente pas de trahir l’esprit de sa charge, garante de la pluralité et de la liberté d’expression, il participe, avec une ferveur quasi inquisitoriale, à la consolidation d’un climat de terreur symbolique où l’opinion publique est sommée de se taire devant les errements du pouvoir.
Et comme pour mieux illustrer la plasticité de ses convictions, l’homme qui aujourd’hui justifie l’interdiction de prononcer le nom du PPRD est le même qui, naguère, n’a pas trouver de mots pour expliquer le revirement dans la lecture en direct sur la RTNC d’un communiqué indiquant l’AFC/M23, à la stupéfaction générale.
Ce fut là un moment d’humiliation collective pour une institution sommée de reconnaître, dans l’espace public, une organisation qu’on lui avait auparavant interdit de nommer. Il fallut à Christian Bosembe ravaler publiquement sa propre parole, comme l’on ravale un serment trahi ou un vin tourné, dans l’ivresse du pouvoir.
Il y a dans cette posture quelque chose de profondément inquiétant : la transformation du fonctionnaire en apparatchik, du juriste en propagandiste, de l’homme public en auxiliaire de la raison d’État pervertie. Le zèle avec lequel il s’emploie à proscrire les voix discordantes ne vise pas la stabilité, mais l’amnésie ; il ne protège pas la République, il l’enfouit sous une chape de silence et d’intimidation.
Ce zèle, symptôme des régimes aux abois, trahit plus qu’il ne protège. À mesure que l’autorité politique se désagrège, que les alliances se fissurent et que les mensonges institutionnels ne suffisent plus à contenir la colère des peuples, les griots du système se font plus véhéments, plus doctrinaires, plus brutaux. Ils chantent non pas l’aurore d’un renouveau, mais le crépuscule d’une domination que plus personne ne respecte, sinon ceux qui s’en nourrissent encore un peu.
L’Histoire jugera, comme elle juge toujours, avec une rigueur que ne tempèrent ni les titres ni les stratagèmes. Et ceux qui, dans ces heures sombres, auront usé de leur parole pour renforcer les chaînes plutôt que d’ouvrir les fenêtres de la vérité, seront rappelés à notre mémoire non comme des hommes de devoir, mais comme les officiants dérisoires d’un pouvoir aux abois.

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