La République démocratique du Congo, hélas, semble aujourd’hui livrée à cette funeste équation. Les récits qui circulent dans les rues de Kinshasa, dans les bars de Gombe comme sur les réseaux sociaux, ne relèvent plus du simple fait divers : ils tracent les contours d’un pouvoir rongé par la démesure, l’impunité et la désacralisation du bien commun.
Ainsi, il est dit qu’Anthony Tshisekedi, fils du Président, aurait dégainé une arme à feu dans une boîte de nuit de la capitale, après une banale querelle d’ivresse. Avec un mort par terre qui git dans le sang.
Les témoins évoquent des cris, des balles tirées dans la fureur, une jeunesse paniquée s’échappant dans la nuit moite de Gombe, scandant le nom du jeune prince Anthony, comme on prononce celui d’un danger.
Quelques semaines plus tôt, c’était la Première dame elle-même, Denise Nyakeru, qui faisait l’objet de rumeurs tout aussi glaçantes : celle d’un homicide domestique, motivé, dit-on, par une vulgaire querelle de sac à main de luxe.
Et dans le sillage de ce couple présidentiel, le spectre du sang n’a jamais cessé de planer : celui de Chérubin Okende, ancien ministre, figure de la dissidence, enlevé, assassiné, et dont la mort n’a jamais connu de justice ni d’apaisement.
Le pouvoir congolais se retrouve ainsi enlacé dans une symbolique macabre : celle d’une dynastie naissante, mais déjà marquée par la tache indélébile du sang innocent. Ce sang, versé dans l’indifférence hautaine des palais, n’est pas seulement celui des victimes d’une dérive autoritaire ; il est devenu le miroir d’un mal plus profond, celui d’un État qui se meurt de ne plus croire à sa propre morale.
La République, livrée à la confusion des genres, se découvre une cour où les privilèges se mêlent aux vices, où la vie humaine pèse moins qu’un caprice, moins qu’un accessoire de mode.
Il faut ici rappeler que les crimes impunis, lorsqu’ils émanent du sommet, n’appellent pas seulement la réprobation morale : ils engagent la responsabilité politique, et finissent toujours par ronger la légitimité du pouvoir. Car le sang des innocents, lorsqu’il crie depuis le sol, ne réclame pas vengeance, il réclame mémoire et justice. Et la justice, lorsqu’elle se tait, prépare le règne du chaos.
La RDC, pourtant, a connu trop de larmes pour continuer à tolérer qu’on y répande encore le sang des faibles sous les dorures du pouvoir. Le peuple congolais n’ignore pas que derrière la débauche et l’arrogance des fils et filles des puissants, se cache la blessure de toute une nation : celle d’un pays où la douleur du peuple ne trouve plus d’écho, où les palais présidentiels ressemblent à des forteresses d’amnésie.
Le drame qui s’esquisse à travers ces scandales familiaux ne relève donc pas seulement du domaine privé : il touche à la nature même du pouvoir. Ce pouvoir qui, au lieu de servir, se dévore lui-même ; ce pouvoir qui croit encore qu’on peut régner dans le luxe quand tout un peuple survit dans la faim. Il y a, dans cette succession de morts inexpliquées, de violences dissimulées et de silences officiels, quelque chose qui ressemble à une malédiction non pas mystique, mais politique.
Celle d’une autorité qui s’est détournée de la vérité, et qui, en fuyant la justice, attire sur elle la nuit morale où s’engloutissent les régimes déchus.
Le sang des innocents ne s’efface jamais. Il tache les consciences, il hante les palais, il condamne ceux qui croient pouvoir gouverner sans âme. Et tant que ce sang criera du sol de Kinshasa jusqu’aux collines du Katanga, aucune rhétorique de façade, aucune parade diplomatique, aucune prière publique ne saura effacer l’infamie.
Car ce n’est pas la colère du peuple qu’il faut craindre, mais le verdict silencieux de l’Histoire : celui qui, un jour, fera du nom des Tshisekedi non plus un symbole d’espérance, mais le synonyme tragique d’une lignée qui aura trahi la promesse de la justice pour régner dans la peur et le sang.

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