Comment la Belgique refusa à Rudahigwa la dépouille de son père, le Roi Musinga

Redigé par IGIHE
Le 12 avril 2025 à 07:45

L’historien et écrivain, le lieutenant-colonel à la retraite Gérard Nyirimanzi, a dévoilé les circonstances bouleversantes entourant la mort du roi Yuhi V Musinga, ainsi que les efforts déployés par son fils, Mutara III Rudahigwa, pour rapatrier sa dépouille.

Selon le lieutenant-colonel à la retraite Gérard Nyirimanzi, après que les autorités belges aient été responsables de la mort du roi Yuhi V Musinga, son fils, Mutara III Rudahigwa, supplia avec désespoir que le corps de son père lui soit restitué afin qu’il puisse lui offrir des funérailles dignes.

Bien qu’il ait proposé une somme conséquente d’argent, la Belgique rejeta froidement sa demande et fit transporter les restes du roi en Europe. Le lieutenant-colonel Nyirimanzi a révélé ces faits historiques le 10 février 2025, lors d’une cérémonie de commémoration en hommage aux employés de la Banque nationale du Rwanda tombés pendant le génocide des Tutsi en 1994.

Il a replacé ces événements dans leur contexte, expliquant que la stratégie coloniale initiale de la Belgique au Rwanda reposait sur l’exploitation des divisions ethniques. Les autorités belges ont d’abord favorisé les Tutsi en tant que groupe dominant, avant de procéder à un revirement en soutenant les Hutu, une manœuvre visant à consolider leur pouvoir colonial.

Le lieutenant-colonel Nyirimanzi a souligné que ce changement d’allégeance était dû à la montée des aspirations à l’indépendance dans les années 1960, un mouvement qui traversait l’ensemble du continent africain.

La Belgique a alors commencé à promouvoir les Hutu, les présentant comme le groupe destiné à prendre les rênes du pouvoir.

L’accession au trône de Rudahigwa, consécutive à la destitution de son père, s’est produite durant cette période de transition.

Connu pour son opposition farouche à la domination belge, Musinga entra en conflit avec les colonisateurs, ce qui entraîna sa déposition, son exil, puis sa mort à Moba, en République Démocratique du Congo (RDC), en 1944.

Rudahigwa devint roi après l’exil de son père, en grande partie en raison de sa capacité à entretenir des relations avec l’administration coloniale belge.

« Lorsque Musinga est mort à Moba en 1944, Rudahigwa a tout mis en œuvre pour ramener son père : “Je veux rapatrier les restes de mon père. Maintenant qu’il est mort, il ne peut plus vous nuire.” avait-il déclaré. Les autorités belges avaient auparavant décliné sa demande, arguant que l’argent demandé était trop élevé. Rudahigwa a insisté, demandant à au moins essayer. “Alors, trouve l’argent,” lui avaient-elles répondu. »

Il a poursuivi en expliquant que Rudahigwa avait sollicité les chefs de différents territoires pour obtenir une aide financière. Bien qu’il ait réussi à réunir la somme demandée, les autorités belges ont néanmoins refusé de restituer la dépouille.

« Il a finalement réuni l’argent et les a payés, mais au lieu de lui remettre les restes de son père, ils ont survolé le Rwanda avec et les ont envoyés en Europe », a-t-il ajouté.

L’historien a également souligné que, bien au-delà du refus d’offrir des funérailles dignes à son père, Rudahigwa lui-même devint la cible d’une hostilité croissante de la part des autorités belges en raison de son engagement de plus en plus marqué en faveur de l’indépendance du Rwanda.

Cette opposition aboutit finalement à son assassinat en 1959. Rudahigwa fut attiré à Bujumbura sous le prétexte de préparer un voyage à l’étranger, où il fut empoisonné dans le cadre d’un complot impliquant son médecin personnel belge.

L’assassinat de Rudahigwa faisait partie d’une stratégie plus large de la Belgique visant à maintenir sa domination sur le Rwanda en éliminant les figures influentes opposées au pouvoir colonial.

En 2017, l’ancienne vice-présidente du Sénat, Jeanne d’Arc Gakuba, avait publiquement appelé les autorités compétentes à œuvrer activement au rapatriement des restes du roi Yuhi V Musinga au Rwanda.

Le roi Musinga régna de 1896 à 1931. Il fut remplacé par son fils, Mutara III Rudahigwa, qui joua un rôle central dans la lutte pour l’indépendance du Rwanda.

Le règne de Musinga fut caractérisé par une opposition résolue à la domination coloniale belge, ce qui entraîna sa destitution et à son exil. Rudahigwa lui succéda, avant d’être remplacé par son frère, Kigeli V Ndahindurwa, le dernier roi du Rwanda.

Lors de l’ouverture de la période de commémoration des 100 jours marquant le 31e anniversaire du génocide contre les Tutsi, le 7 avril 2025, le ministre de l’Unité nationale et de l’Engagement civique, le Dr Jean Damascène Bizimana, rappela le rôle crucial — et profondément néfaste — que la Belgique a joué dans l’histoire du Rwanda, un rôle qui a mené jusqu’au génocide.

Le Dr Bizimana a affirmé que les actions de la Belgique — notamment la promotion des divisions ethniques et l’élimination de dirigeants rwandais tels que Musinga et Rudahigwa — constituaient une trahison historique ayant profondément aggravé les souffrances du peuple rwandais.

Il a déploré qu’aucune autre nation africaine n’ait connu la perte successive de deux monarques, père et fils, assassinés par une puissance coloniale dans des circonstances aussi tragiques.

Après la mort de Rudahigwa, la Belgique a poursuivi sa politique de division en soutenant la création du Parti du Mouvement de l’émancipation hutu (Parmehutu), une formation dominée par les Hutu, qui jouera un rôle central dans l’exacerbation des tensions ethniques ayant abouti au génocide contre les Tutsi en 1994.

Rudahigwa s’est vu refuser le corps de son père, le roi Musinga, malgré d’importants paiements à la Belgique

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité