D’une part, certaines affirmations avancées dans cette initiative apparaissent factuellement inexactes ou sensationnalistes, ce qui jette un voile de suspicion sur les véritables intentions de cet appel.
Contrairement à ce qui est souvent relayé, la situation humanitaire actuelle dans l’Est du Congo n’est pas celle d’une catastrophe généralisée. Les « millions de déplacés » évoqués sont, pour la plupart, rentrés dans leurs localités depuis le début de l’année, comme l’attestent plusieurs rapports d’agences onusiennes.
Ce dont ces populations ont désormais besoin, c’est avant tout d’une aide au développement, afin de reconstruire une vie interrompue par des années de guerre.
L’asphyxie économique ignorée
La véritable urgence humanitaire, souvent passée sous silence, réside ailleurs : l’exclusion de la région contrôlée par l’AFC/M23 du système bancaire congolais.
Cette mesure du gouvernement de Kinshasa entrave gravement la reconstruction économique et sociale des communautés de l’Est, empêchant tout accès aux services financiers essentiels.
S’y ajoute un autre obstacle majeur : le non-reconnaissance des documents officiels (passeports, laissez-passer, etc.) délivrés dans ces zones.
Bien que ces documents soient émis par les mêmes agents de l’État congolais qu’avant la prise des Kivus, Kinshasa refuse désormais de les valider. Résultat : la mobilité des populations est paralysée.
Se soigner, voyager, ou simplement commercer au-delà des pays limitrophes devient un parcours d’obstacles administratifs.
Sur le plan économique, les conséquences sont directes. Les commerçants trans - frontaliers sont doublement taxés lorsqu’ils franchissent les zones administrées par l’AFC/M23 vers le reste du pays, comme s’ils venaient d’un État étranger. Cette situation freine lourdement le commerce transfrontalier, notamment dans les pôles vitaux que sont Goma et Bukavu.
N’est ce pas un discours humanitaire instrumentalisé que nous sert le Ministère Français des affaires étrangères ?
Additionnons le blocage bancaire, les restrictions de mobilité et les entraves économiques : on obtient une véritable urgence humanitaire, bien plus concrète que celle décrite dans les communiqués officiels tel que dans cette vidéo.
Pourtant, ce sont des slogans choquants — notamment autour des violences sexuelles — qui dominent le discours international. Ces messages, souvent déconnectés du terrain, semblent davantage conçus pour provoquer une émotion immédiate que pour informer avec rigueur.
Les faits montrent par ailleurs que la situation sécuritaire s’est stabilisée dans les zones sous contrôle de l’AFC/M23, tandis qu’elle demeure très préoccupante dans les territoires restés sous administration gouvernementale.
Les exactions y persistent, jusqu’à Kinshasa même, où des vidéos récentes ont montré des violences commises par des forces de l’ordre. Les groupes armés supplétifs, tels que les Wazalendo, continuent également de diffuser des images de leurs propres atrocités.
Ces éléments contredisent donc le récit d’une crise exclusivement concentrée dans les zones rebelles.
“L’incohérence diplomatique”
Enfin, la France prétend soutenir les initiatives de dialogue menées à Washington, Doha ou encore Luanda. Mais comment concilier ce discours avec la position européenne, qui a contribué à miner ces processus ?
Les sanctions imposées contre le mouvement AFC/M23 — à la veille même d’une réunion de négociation en Angola — ont empêché la tenue de discussions cruciales. De même, les sanctions ciblées contre le Rwanda, sans fondement solide, ont fragilisé la dynamique régionale.
Dans ce contexte, la convocation d’une conférence humanitaire à Paris apparaît pour le moins ambiguë.
Au lieu d’un véritable élan de solidarité, elle risque de renforcer la confusion autour d’un dossier déjà complexe, en occultant les véritables enjeux structurels du conflit à l’Est du Congo.
Au regard de ces éléments, il apparaît clairement que l’urgence n’est pas humanitaire mais politique et structurelle. Ce dont la région a besoin, ce n’est pas d’une nouvelle tribune médiatique ou d’une conférence parallèle convoquée à la hâte, mais d’une consolidation des efforts diplomatiques déjà engagés.
Multiplier les initiatives, souvent sans coordination avec celles déjà en cours à Washington, Doha ou Luanda, ne fait qu’affaiblir la crédibilité des processus existants et retarde les solutions durables.
La diplomatie humanitaire ne peut se réduire à une succession d’appels émotionnels ; elle exige cohérence, continuité et respect des acteurs déjà impliqués sur le terrain.
Si la France et ses partenaires souhaitent véritablement contribuer à la stabilisation de la RDC et de la région des Grands Lacs, ils devraient avant tout soutenir activement les cadres de dialogue déjà établis, plutôt que d’en créer de nouveaux sur fond d’« urgence » discutable.
Car en cherchant à répondre à une crise présentée comme humanitaire, on risque de perturber les dynamiques politiques en gestation et de compromettre les avancées fragiles déjà obtenues.














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